Mai 2008 A Nice, une séance de dédicaces d’anciens de la Waffen-SS

vendredi 26 mai 2023.
 

Les anciens combattants français de la Waffen-SS se veulent "passeurs" d’idées et "grands témoins", auprès des militants de mouvements actuels d’extrême droite.

Ce samedi à la librairie du Paillon, tenue à Nice par la mouvance "identitaire" de l’extrême droite, se déroule une après-midi de dédicaces peu commune : elle rassemblera quelques uns de la cinquantaine de survivants de la Légion des volontaires français (LVF) et de la division Charlemagne, qui ont porté l’uniforme de la Waffen SS pendant la Seconde Guerre mondiale.

Les jeunes militants d’extrême droite, qui avaient déjà fait le succès, dans les années 60-70, des romans historiques de Jean Mabire sur ce qu’on appelle dans ce milieu la "grande armée européenne", sont toujours très friands de ces livres de souvenirs.

Nice va donc connaître une des très rares apparitions publiques de ces hommes qui n’ont rien renié de leur engagement militant. André Bayle, qui vit près de Marseille, vendra son ouvrage, "Des Jeux Olympiques à la Waffen SS".

Explication du titre : en 1936, à 10 ans, l’auteur a défilé aux côtés de son père, entraîneur d’une équipe sportive française, au stade olympique de Berlin devant le Führer, à l’occasion des Jeux olympiques. D’où son émerveillement devant l’Allemagne nazie et, en 1943, son engagement sur le Front de l’est.

Fernand Costamagna, qui habite l’arrière-pays niçois et utilise le pseudonyme de "Costabrava" signera le sien, intitulé "Le Soldat Baraka". La veuve de Pierre Rostaing signera la réédition du livre de feu son mari,"Le Prix d’un serment". Georges Gonzague dédicacera l’ouvrage "Trois jeunesses provençales dans la guerre", un livre qui avait déjà été publié sous le même titre par Luc Deloncle.

Pour finir, un dessinateur de BD qui a trouvé drôle de s’affubler du pseudonyme "Franc Rahich" [jeu de mots avec "Frankreich", "la France en allemand", ndlr] vendra son album consacré à la division Charlemagne. Et nul doute qu’on devrait voir, dans cette librairie niçoise, quelques autres vétérans ou leurs descendants, venus non seulement se souvenir, mais aussi transmettre.

Des commémorations régulières en France et en Allemagne

Se souvenir : les anciens volontaires français se sont constitués, dès après guerre, en association informelle, qui se chargeait autant d’organiser des commémorations que de favoriser la réinsertion de ceux frappés par des peines de prison.

Le temps passant, les "anciens" se faisant moins nombreux, les volontaires français ont fini par s’agglomérer à la Truppenkameradschaft IV, une section de la Hilfsgemeinschaft auf Gegenseitigkeit ehemaliger Angehöriger der Waffen SS (HIAG), association basée en Allemagne qui regroupe tous les survivants.

Des commémorations régulières les rassemblent, en rangs certes de plus en plus clairsemés : en France, la date habituelle était le 30 janvier (date de la nomination de Hitler comme chancelier en 1933) à Paris, et tout ce petit monde se retrouvait, après un repas, au pied de la statue de... Charlemagne, à deux pas de Notre-Dame ; en Autriche, au Ulrichsbergtreffen qui a lieu en Carinthie ; en Allemagne et précisément dans la localité bavaroise de Bad Reichenhall, où le 8 mai 1945, le général Leclerc avait fait fusiller plusieurs Waffen SS français faits prisonniers.

Mais en même temps que "se souvenir", il y a aussi "transmettre". Les "anciens" ont en effet passé le flambeau aux plus jeunes, les ont formés. C’est bien ce dont témoigne la réunion de Nice et à tous les événements évoqués plus haut, le nombre des jeunes dépasse très largement celui des vétérans. Pour ces vétérans, la SS n’était qu’une armée d’idéalistes anticommunistes

Mais former à quoi ? A dépasser le nationalisme français pour développer l’idée d’une conscience raciale commune à l’Europe blanche. A maintenir, dans une atmosphère d’opprobre généralisé, le souvenir du Reich et de sa politique, en "oubliant" bien sûr la Shoah, l’antisémitisme, l’extermination des opposants et des résistants.

A entretenir le mythe selon lequel la SS n’était au fond qu’une armée vaillante d’idéalistes anticommunistes, et, pour les volontaires français, de patriotes sincères qui se sont simplement trouvés "du mauvais côté" en 1945.

Lorsque j’avais interrogé en 1995 Henri Fenet, sorte de héros emblématique des SS français, un des derniers défenseurs du bunker de Hitler en 1945, il nous avait confirmé jouer, à travers ses conférences, ce rôle de "passeur" d’idées et de "grand témoin", auprès des militants de mouvements qu’il avait préféré ne pas nommer.

Tout ceci pour dire, à partir de l’insignifiante réunion de Nice, que si la France républicaine célèbre la Résistance, la France collaborationniste continue à honorer ses survivants et ses grands anciens. Dont certains, qui ont également combattu dans la Milice, se réunissent aussi épisodiquement du côté du plateau des Glières, où les miliciens de Darnand donnèrent l’assaut au maquis.

Par Jean-Yves Camus | 17/05/2008 | 16H44


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