En Irlande aussi c’est un vote de classe. Remarques sociologiques autant que politiques (par Danielle Bleitrach)

jeudi 19 juin 2008.
 

On avait parlé d’un duel serré ; le verdict a été clair : 53,4% des irlandais ont dit Non. Clair et net. Faisons un point d’histoire : il y a eu le traité Constitutionnel que le NON français puis le NON néerlandais ont repoussé. C’est alors qu’est intervenue la forfaiture de Lisbonne. Les politiciens de tous poils ont décidé de ne plus faire appel à la légitimation populaire et d’imposer entre gens de l’Establishment ce traité devenu Traité de Lisbonne. C’est ainsi que ce dernier fut honteusement imposé au peuple français par ses politiciens. Oui, mais les Irlandais étaient obligés par leur Constitution d’organiser le référendum. Ce devait être une promenade de printemps pour le OUI. L’Irlande disait-on avait bénéficié plus que tout autre pays de son intégration dans l’Union européenne. Tous les grands partis étaient pour, le gouvernement comme l’opposition. La victoire du NOn en Irlande est vécu par beaucoup de peuples européens comme étant un peu la leur, eux que l’on a pas consulté, eux dont a méprisé l’avis...

Ici comme en France ou en Hollande, le désaveu a frappé les membres du gouvernement. Les circonscriptions des ministres en charge des questions européennes ont répondu un non franc et massif(celle du Dick Roche, le ministre en charge de l’Union européenne, ou celle de Michael Martin, ministre des affaires étrangères en particulier).

C’est ici aussi un vote de classe

Autre ressemblance : lors du NOn français, une étude des zones d’extension du NON m’avait fait dire : ce n’est pas un NOn de gauche ou de droite mais un NON de classe. J’avais mis en garde les collectifs anti-libéraux qui s’attribuaient la victoire, comme d’ailleurs toute force politique : nous sommes devant un refus de classe qui passe en majorité par d’autres circuits que l’activité de tel ou tel groupuscule ou tel parti, il est porté par les discussions sur les lieux de travail, les familles et c’est même cela qui expliquait, selon mon analyse, la géographie de ce NON qui reproduisait pratiquement les zones d’influence du PCF d’il y a trente ans.

On retrouve en Irlande, le même phénomène. Ainsi, si l’on considère Dublin, les banlieues riches du sud ont voté à près de 60% pour le traité alors que dans les banlieues ouvrières du nord-ouest et du sud-est c’est plus de 60% pour le NON. Le vote rural est un vote pour le NON et il faut bien voir que comme en France les zones dites rurales sont en fait de plus en plus ouvrières. En revanche tous les lieux de regroupement des classes moyennes et privilégiées donnent la majorité au OUI.

L’interprétation de ce vote par les médias repose déjà sur la dénonciation de son hétéréogénéité, celle d’un front des mécontents incompétents ; on ne le dit pas mais on laisse entendre que ceux qui ont refusé ne savaient pas ce qu’ils faisaient ; ce sont des incultes, des mauvais coucheurs ; on met en avant la dimension d’extrême-droite en oubliant un peu que la nation n’est pas nécessairement chauvine et que le patriotisme est selon le mot célèbre la richesse des pauvres, surtout dans un pays comme l’Irlande où la conquête d’une nation a dû se faire quasiment dans une lutte contre le colonialisme et dans la misère des masses...

Danielle Bleitrach


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