Emergence d’un monde nouveau : pour une redéfinition de nos tâches et de nos idéaux (point de vue par Respublica)

dimanche 12 avril 2009.
 

Comme nous l’avons souvent écrit dans Respublica, la crise actuelle n’est pas une petite crise d’ajustement du capitalisme, mais bien le symptôme de la fin d’une époque / ère. Le turbo-capitalisme, dernier avatar d’un capitalisme ayant pour seul but le monopole financier est en train de s’auto détruire sous nos yeux.

Marx écrivait en 1859 dans la Critique de l’Economie politique : « Une formation sociale ne disparaît jamais avant que soient développées toutes les forces productives qu’elle est assez large pour contenir, jamais des rapports de production nouveaux et supérieurs ne s’y substituent avant que les conditions d’existence matérielles de ces rapports soient écloses dans le sein même de la vielle société. C’est pourquoi l’humanité ne se propose jamais que des tâches qu’elle peut résoudre, car à y regarder de plus près, il se trouvera toujours que la tâche elle même ne surgit que là ou les conditions matérielles pour la résoudre existent déjà ou du moins sont en voie de devenir ».

Il est surprenant de constater à quel point cette analyse prend tout son sens aujourd’hui. Les rapports de production du passé ne fonctionnent tout simplement plus suffisamment pour permettre un développement optimal des forces productives. Ce développement est pourtant indispensable pour limiter la baisse relative ou même absolue du profit en cas de crise. Et c’est bien entendu au moment de la transformation de la valeur en prix que se déclenche la crise, qui prend aujourd’hui sa source dans la sphère de la haute finance mondialisée.

Ceci dit, un nouveau mode de production existe déjà aujourd’hui de manière sous jacente. Il est permis de penser que celui-ci va bientôt se substituer à l’ancien et va ainsi libérer de nouvelles forces productives.

C’est pourquoi, il est dérisoire et vain de s’acharner à sauver un rapport de production qui arrivé historiquement à son terme. Les plans de relance kéneysiens montreront bien vite leurs limites, car pour le moment ils ne visent qu’à retarder l’issue fatale du turbo capitalisme. En dehors des émotions de chacun, la ligne de partage entre conservateurs et progressistes se dessine à travers cette question : sommes nous, oui ou non, conscient que nous vivons un « pli historique » qui engendrera un nouveau mode de production ? Ou sommes nous simplement les défenseurs « sociaux » de l’ancien monde, avec ou sans « Taxe Tobin » ?

Si nous réfléchissons par analogie, la crise d’aujourd’hui est comparable, non pas à 1929, mais plutôt à celle du XVIième siècle. En effet, on y constate les mêmes remises en cause de la mesure de la valeur et des prix, qu’après la découverte du Nouveau Monde. De la même manière, on y retrouve l’hyper-inflation qui résulta de l’injection massive de l’or et de l’argent de l’Amérique des Incas et qui constitua le facteur déclencheur d’une gigantesque crise économique, politique et religieuse. Faisons donc en sorte que la crise actuelle n’aboutisse pas à une « guerre de trente ans » qui vit ressurgir l’anthropophagie en Europe du XVIIieme siècle.

C’est dans ces moments qu’un nouveau monde surgit. Mais pour voir le jour, il faut que celui-ci vive déjà en germe dans le vieux monde comme l’écrivait le philosophe allemand dans le passage que nous citions plus haut. Aujourd’hui, l’Economie Globale en Réseau existe à l’état embryonnaire depuis une vingtaine d’années. Contradiction dialectique du turbo-capitalisme, elle porte en son sein l’antidote de cette organisation économique dont elle est contemporaine. La généralisation d’internet et sa fusion avec d’autres réseaux tel que la téléphonie mobile ou encore l’outil GPS de localisation, constitue l’élément déclencheur et la face visible de cette nouvelle époque en gestation. Cette innovation est si décisive qu’elle provoque la modification des secteurs de productions des biens et des services, et engendre une destruction de pans entiers de l’économie en imposant une nouvelle forme de médiation. Métier de la communication, de l’imprimerie, de l’audit et de l’ingénierie, du commerce de détail, de la distribution, sont, parmi d’autres, affectés et modifiés par internet. Les relations commerciales, humaines et même affectives sont transfigurées par cette communication numérique en réseau. Cette toile relationnelle remet déjà en cause les monopôles existants, en particulier ceux dont les activités parasites sont les plus flagrantes. Des professions disparaîtront comme les caissières des super marchés, par exemple, d’autres s’adapteront et abandonneront leurs petites boutiques qu’ils remplaceront définitivement par un site web, comme les agents immobiliers.

Ce principe de réseau, avec toutes les combinaisons et les agrégations possibles peut être étendu dès aujourd’hui à des processus de production tout à fait palpables et concrets. Prenons l’exemple, de la production énergétique, et plus particulièrement électrique. En l’état des connaissances et des innovations actuelles, rien ne s’oppose techniquement à la mise en place d’un vaste réseau d’abord sur une base régionale ou nationale, pour ensuite s’étendre au monde entier, ou de multiples acteurs (particuliers, entreprises…) pourraient être tout à la fois producteur et consommateur d’énergie électrique. Comme sur internet, où aujourd’hui nous produisons et consommons simultanément de l’information, on peut tout à fait imaginer qu’un particulier possédant des panneaux photos voltaïques sur son toit (ou de la biomasse, ou des éoliennes…), pourrait consommer plus qu’il ne produit à certaines heures et donc acheter de l’énergie sur le réseau, et à d’autres heures produire plus qu’il ne consomme et donc vendre son énergie sur ce même réseau.

Voilà pour aujourd’hui, mais dans les années et les décennies futures d’autres secteurs économiques pourraient entrer dans cette Economie Globale en Réseau. Et en tout premier lieu l’échange de services existant entre particuliers, ou entre entreprises ou encore entre particuliers et entreprises. Cela existe déjà à l’état de germe dans ce que certains appellent « l’économie solidaire », et d’ailleurs la crise est un formidable accélérateur de cette économie d’échange non monétaire. Nous constatons aussi les débuts de l’échange de services physiques avec les réussites de certaines starts-up.

Mais l’élément qui fera basculer la macro-économie dans cette Economie Globale en Réseau sera la création et la circulation monétaire.

Dernièrement nous avons publié un article dans Respublica qui s’intitulait : « Oui, l’Humanité peut exister sans les banques ! » (n°603), c’est à cela que nous faisions allusion. Le quasi monopole des banques multinationales à produire de la monnaie en générant une économie de la dette, est en phase d’autodestruction. C’est ce que nous indique la crise financière que nous traversons. Il faut donc qu’un nouveau système monétaire « accouche » de cette débâcle. Et ce nouveau système ne peut être qu’en réseau. Il faudrait pour cela que les personnes physiques ou morales puissent être des banques, qu’elles puissent prêter en réseau. C’est tout à fait possible techniquement. Pour que cette création monétaire en réseau existe faut-il encore que deux conditions soient remplies : casser le monopole des banques, et par ailleurs organiser le marché d’échange sur une base « de vertu ».

En abordant le problème de la régulation de l’Economie Globale en Réseau, nous touchons là le point essentiel, c’est à dire les orientations politiques dont nous serions les partisans dans cette nouvelle société. Nous estimons en effet que nos idéaux de Liberté, d’égalité et de fraternité sont tout à fait compatibles avec une libération des forces productives de l’Economie Globale en Réseau. En effet, pour que cette forme économique existe, il est indispensable que soit garanti, élargi mais non pas mis sous tutelle ou monopôle « le bien commun » ! Ce « communisme » est indispensable à la fluidité et à l’efficacité du Réseau et de l’échange des matières « communes » tel que l’eau douce ou de mer, l’air ou le vent, l’énergie solaire, la matière atomique, le vivant et le biologique etc… Le Réseau que nous défendons doit en quelque sorte permettre une réappropriation collectivement individuelle des richesses naturelles. Ni individualiste, ni collectiviste, la société dont nous sommes partisans, dans la lignée des idéaux de la Commune de Paris de 1871, est régie par la libre association et l’épanouissement de l’individu producteur et consommateur dans un ensemble collectif servant uniquement de cadre à sa libération. Oui, nous devons être des Fédérés au sens que donnaient les Communards à ce mot. La République dans ce cas de figure retrouve naturellement sa place centrale et novatrice.

Car l’existence de la République permet justement la séparation entre l’espace public ou « commun » et l’espace privé, elle aura donc, d’après nous, la fonction essentielle de garantir et d’élargir le « commun » et de veiller à « la vertu » de l’Economie Globale en Réseau. La République est le propriétaire du « bien commun » inaliénable, car il s’agit bien là d’une réappropriation collective au service de l’individu-citoyen dont les fonctions de producteur et de consommateur sont enfin réunifiées.

Libérer l’individu, garantir et élargir le « commun » par la République sont pour nous les conditions essentielles pour permettre à l’Economie Globale en Réseau d’atteindre le stade d’un nouveau mode de production. C’est le sens de notre engagement politique. Nous œuvrons donc à son avènement rapide pour éviter la barbarie d’un monde qui refuserait de disparaître et une nouvelle guerre de trente ans du XXIieme siècle.

Voilà en quelques lignes l’ébauche de notre projet politique républicain pour un monde meilleur. Si c’est bien « le passant qui fait le chemin », il est indispensable qu’une force politique naisse de la lutte sociale pour faire vivre au quotidien ce nouveau monde que nous espérons.

Aujourd’hui le Parti de Gauche peut modestement y contribuer.


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