Les ouvriers grévistes de Goodyear défient la marche du monde

jeudi 10 juillet 2008.
 

Goodyear : Des héros près de chez nous ?

On avale un Orangina, ce midi, au « barbecue de soutien » des Goodyear. Les ouvriers occupent l’entrée de l’usine. A la bombe jaune fluo, ils ont inscrit « Dupuis = Bâtard » sur la chaussée, contre le délégué CFTC - qui, de son côté, dans un communiqué, « condamne les méthodes staliniennes de la CGT (menaces, jets de canette, insultes...) » Des pneus sont lancés dans un brasier, et une fumée noire s’élève jusqu’au ciel. La musique fait « boum boum boum » dans les hauts-parleurs. On ne donne pas dans la dialectique ici.

Et pourtant, en un sens, ces hommes sont des héros. A l’automne dernier, on s’en souvient, 75 % de ces travailleurs ont refusé les 4X8 - qui les feraient alterner matin, après-midi, nuit, week-end, sans stabilité dans les horaires, dans les repos. Le patron a cogné ferme, devant cette ruade : 500 suppressions de postes, zéro investissement ici, mais tout en Pologne, et la menace d’une fermeture à terme. Pourtant, eux luttent encore : « 97 % de grévistes » annoncés ce 30 mai, seuls les intérimaires, quelques cadres, et « Dupuis » franchissent le portail. La direction les a assignés au tribunal, dès aujourd’hui 16 h, pour « entrave au droit du travail » et « troubles l’ordre public ». Les procès se répètent contre les meneurs de SUD et de la CGT. Ça doit tanguer dans leurs têtes, dans leurs familles parfois, même si, grandes gueules et gros bras, jamais ils ne découvrent leurs faiblesses : « On va les dégager ».

L’air de rien, dans leur coin de la Zone industrielle d’Amiens-Nord, eux défient la marche du monde. D’un monde uni de Wall Street à Matignon, et qui leur intime l’ordre de travailler plus pour vivre moins, pour « améliorer la productivité », pour « rattraper la Pologne », et - but final - pour augmenter le « bénéfice net par action ». Que des travailleurs anonymes s’opposent, seuls, à toutes ces forces rassemblées, oui, quelque part, leur action nous semble héroïque. Et légitime. Surtout quand les dividendes tombent dans la poche des actionnaires : « Goodyear monte en Bourse après un trimestre très supérieur aux attentes », titrent les dépêches Reuters en provenance des Etats-Unis...

François Ruffin


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