L’arnaque des faux Gracques liés au PS : la trahison pour horizon

mercredi 4 janvier 2017.
 

Il était une fois des socialistes passés par des cabinets gouvernementaux et la haute administration, reconvertis dans des entreprises et banques, qui voulaient, sans bruit, tirer la gauche vers la droite.

Groupés en association, ils auraient pu prendre pour nom collectif Iznogoud ou Père Joseph (éminence grise du cardinal de Richelieu) ou Raspoutine (confident de la tsarine, épouse de l’empereur Nicolas II).

Que nenni ! Ils se nommèrent "Les Gracques". Là, déjà, je ne suis pas d’accord. Que leur ont fait Tiberius et Caius Sempronius Gracchus, assassinés voici plus de 2000 ans en raison de leur défense des milieux populaires romains pour mériter un tel déshonneur ?

Oui, déshonneur, car les faux Gracques actuels n’ont jamais caché leur objectif : "engager enfin, et de façon irréversible, la gauche française sur la voie d’une social-démocratie moderne, pro-croissance et donc pro-entreprises et pro-européenne" (texte manifeste publié dans Le Point en décembre 2012).

A) Les vrais Gracques

Honneur aux Gracques, réformistes romains assassinés

Les vrais Gracques, Tiberius et Caius, étaient des dirigeants politiques du parti des populares dans la Rome antique (années -133 à -123). A une époque où les richesses de la république romaine sont de plus en plus accaparées par l’oligarchie, où la citoyenneté devient un simulacre de justification de son pouvoir, où les soldats romains sont "maîtres du monde" mais fréquemment sans toit ni repas une fois quittée l’armée, les Gracques se battent pour :

- une loi agraire limitant la surface des propriétés sur le domaine public à 1000 juchères de façon à redistribuer les terres aux familles pauvres en affermages héréditaires de 30 juchères

- l’amélioration du droit électoral et l’accroissement du pouvoir effectif des assemblées électives

- une réforme de la justice

- de grands travaux (en particuliers routiers) pour éradiquer le chômage

- des distributions gratuites de blé pour les plus pauvres

- une large extension de la citoyenneté parmi les alliés italiens de Rome.

Ils répondent aux aspirations d’un fort mouvement populaire et le confortent par leur programme et leur action.

Ils meurent assassinés sur ordre des milieux fortunés.

B) Les faux Gracques de mars 2007

Durant la campagne des élections présidentielles françaises de 2007, un groupe d’anciens membres de cabinets gouvernementaux et hauts fonctionnaires socialistes lance un appel dans Le Point en faveur d’une "coalition de progrès" groupant l’UDF et le PS.

Il s’agissait évidemment d’une trahison des Gracques romains qui avaient compris l’impasse des grenouillages politiciens face à la logique économique profitant à l’oligarchie. Au contraire, les Gracques suscitaient un mouvement social et s’appuyaient sur lui.

Il s’agissait également d’une trahison du point de vue de l’orientation politique. Les Gracques romains avaient compris que la logique économique écrasait de plus en plus les milieux populaires et que le rôle des politiques était pour le moins de chercher à mieux répartir les richesses et à faire prendre en charge par l’Etat des actions sociales permettant le droit à la vie, par exemple pour les soldats qui avaient risqué leur vie. Les Gracques de 2007 se battent au contraire contre le rôle "keynésien" de l’état social considéré comme contradictoire à la modernité.

Ségolène Royal a répondu fin mars 2007 à leur appel de façon sèche, notant que "ces Gracques" n’étaient "pas les mieux placés" pour prôner le changement. "Ces anciens fonctionnaires sont pour la plupart passés dans le monde des affaires", a-t-elle dit. En les qualifiant "d’extrêmement libéraux", elle les caractérise parfaitement.

C) Le Manifeste des faux Gracques (septembre 2007), porte voix d’une trahison de la gauche

Les Gracques se caractérisent comme une "gauche moderne", une "gauche libérale", ce qui signifie :

- une gauche décidée à trahir l’histoire de la gauche liée aux réformes sociales et démocratiques

- une gauche intégrée dans le capitalisme financier transnational d’aujourd’hui, son libéralisme, ses paradis fiscaux, ses baratins trompeurs sur "la régulation du capitalisme"...

Leur Manifeste éclaire leur fond blairiste assumé, vantant le capitalisme sous la dénomination "économie de marché" :

- « La gauche doit dire clairement que l’économie de marché est une bonne chose même si les valeurs marchandes ne doivent pas tout envahir. Elle doit en comprendre la dynamique positive, celle qui permet de créer des richesses collectives et individuelles pour servir finalement la justice sociale. Il n’y a pas de contradiction entre l’économie de marché et les exigences de la redistribution. »

- « La gauche moderne veut mettre de la redistribution partout où il y a du marché, et du marché régulé partout où il y a des rentes. De même, il faut cesser de voir dans l’entreprise un ennemi. La gauche doit être favorable aux entrepreneurs. Elle doit reconnaître l’entreprise comme source de richesses et aussi d’intégration sociale. Le goût du risque est facteur d’innovation et de croissance. Il faut le laisser se déployer pleinement pour créer la dynamique économique dont toute la société a besoin. »

- « La gauche doit dire haut et fort que la mondialisation est un progrès. C’est l’ouverture des échanges qui tire pour une large part la croissance mondiale. C’est elle qui a permis à des centaines de millions d’hommes et de femmes des pays en développement de sortir d’une misère honteuse pour l’humanité... Elle encourage la libre circulation des biens, des capitaux, des services et des personnes. »

- « Enfin, la gauche doit dire que l’Etat n’est pas tout et que la société civile a un rôle essentiel à jouer dans la dynamique de progrès... Elle considère, par exemple, qu’une révolution est nécessaire dans notre démocratie sociale pour produire des syndicats forts et majoritaires, et conférer à la négociation entre partenaires sociaux le pouvoir de créer l’essentiel du droit social, aujourd’hui accaparé par l’Etat. De même, la gauche moderne est décentralisatrice, mais une décentralisation qui s’accompagne d’une simplification des échelons de collectivités, d’un frein aux dépenses publiques locales et d’une fiscalité cohérente des territoires. »

- « La gauche traditionnelle règlementait, nationalisait, taxait et dépensait... Pour renouer avec le progrès, il faut d’autres méthodes... la gauche de son temps doit affirmer ses valeurs, celles de la modernisation au service de la justice. »

Pour résumer, notons que ces faux Gracques sont :

- pour casser le code du travail au profit d’accords d’entreprise

- pour sabrer les dépenses publiques locales, supprimer des collectivités locales prisées par les citoyens mais concurrentes d’un capitalisme qui veut accaparer tous les marchés

- pour accélérer le développement du libre échange (OMC, marché transatlantique...)

- pour construire le fonctionnement de la société autour des "gagneurs", lubie typique de Reagan et Thatcher.

- contre les règlementations, nationalisations, impôt redistributif, valorisation des salaires et pensions pour répondre aux besoins et améliorer la demande.

D) François Hollande et les Gracques

Après 2007, les fameux faux Gracques ne cessent de combattre pour peser à droite de la gauche.

En 2009, ils organisent une université d’été avec le ban et l’arrière ban de leurs relations. Quel est leur invité principal ? François Hollande. Le discours de cet ex-premier secrétaire du PS et déjà candidat pour 2012 dessine une orientation économique sarkoziste pour l’avenir de la gauche :

« Au regard de la dégradation de l’économie française et notamment de sa compétitivité, de la force de la contrainte extérieure, de l’ouverture des marchés, de la situation de nos industries, on ne peut plus laisser penser que par une simple stimulation des revenus, la croissance pourrait revenir d’elle-même ». Il est donc nécessaire de construire un projet fondé sur l’offre et non plus sur la demande (théorie habituelle de la droite et du libéralisme économique)

A l’automne 2010, les Gracques se font remarquer par leur soutien à la diminution des retraites voulue par les "marchés financiers" et le gouvernement Fillon.

2012 : Le redressement, c’est maintenant !

Dès François Hollande élu, la présence de Gracques influents peut se noter dans des postes clefs. En décembre 2012, les Gracques interviennent publiquement (tribune dans Le Point largement relayée par la presse et le web) pour défendre le patronat et les milieux fortunés contre toute orientation de gauche.

- « Le pays pâtit toujours du laxisme passé : celui des déficits permanents, de l’excessive fiscalité des entreprises – réduisant leurs marges, donc leur capacité à investir- et du surendettement. »

- « L’accumulation de mesures complexes, la surtaxation des entrepreneurs et détenteurs d’actions, et des déclarations inutilement agressives ont conduit les investisseurs à l’attentisme et détérioré notre image à l’étranger. La défiance s’est emparée des entrepreneurs, ceux-là même qui auraient dû être choyés quand la récession menace. Parce que seule la prise de risque de l’entrepreneur peut créer les emplois dont les Français -et nos jeunes- ont tant besoin. »

- « Le cap présidentiel était nécessaire et même vital. Pourra-t-il être tenu malgré le scepticisme d’une partie de la majorité, qui y voit des concessions excessives au patronat ? Et sera-t-il pour autant suffisant pour nous mener à bon port ? Nous répondons oui : à condition de garder le cap et surtout de forcer l’allure »

- « Aux mesures pour les grandes entreprises qui mènent recherche et développement, doit s’ajouter l’effort vers les sociétés innovantes, celles qui créent des emplois à haute valeur ajoutée et portent les percées technologiques qui en feront les champions internationaux de demain. »

- « Dans le domaine budgétaire ensuite, l’exécutif devra désendetter sans faiblesse mais avec méthode... La réforme du secteur public est ainsi plus nécessaire que jamais, tant pour réduire les coûts que pour améliorer la qualité du service. François Hollande l’a dit : on peut faire mieux avec moins. Pour économiser 60 milliards de dépenses publiques, il faudra que les collectivités territoriales prennent leur part, ce qui signifie définir des priorités collectives sans que les différents niveaux de « compétence générale » viennent annuler ces choix. Et puis repenser l’équilibre de nos transferts sociaux. »

- « La négociation des partenaires sociaux autour de Michel Sapin est fondatrice. Elle pourrait, si elle débouche sur de vraies réformes structurelles, à la fois en matière de flexibilité du marché du travail et de sécurisation des parcours, devenir un atout majeur pour notre compétitivité et notre démocratie sociale »

E) Décembre 2013 : Pour un quinquennat de combat contre la gauche, contre les syndicats, contre les collectivités publiques

Ils viennent de passer à la vitesse supérieure en enjoignant François Hollande de pratiquer une orientation libérale autoritaire ferme d’ici 2017.

Dans une tribune publiée par le journal Le Monde, ils exigent comme politique :

- former un "gouvernement de redressement, de reconquête et de simplification s’impose".

- fixer "des objectifs de réduction des dépenses d’ici à 2017, en se donnant trois ans pour mener à bien les projets de transformation et d’économies."

- enclencher une "réforme pragmatique" des structures territoriales axée autour des grandes métropoles

Ils concluent "Du professionnalisme et de l’autorité ! Trois ans devant nous pour permettre aux Français de reprendre confiance en leurs dirigeants, en leurs pays, en eux-mêmes. C’est possible. C’est nécessaire. C’est maintenant",

F) 2014 : Soutien à l’autoritarisme antisocial de Manuel Valls

La nouvelle tribune publiée par les faux Gracques dans le quotidien Le Monde (26 avril 2014) s’intitule "Vive le réalisme de Manuel Valls". Tout un programme.

« Partant des questions essentielles, il emprunte la trajectoire du possible, celle d’un plan d’ajustement qui, expliqué et conduit professionnellement, ouvre la voie aux réformes de structures...

- s’attaquer au mille-feuilles territorial ...

- baisser les charges sur l’ensemble des salaires...

- réformer notre système de santé et nos retraites...

- assouplir le marché du travail... »

Bigre ! Sur un tel programme, il est normal que les Gracques veuillent amalgamer la droite et la gauche.

G) Les faux Gracques assassinent la Grèce de Tsipras

Parmi les hyènes appelant à mettre les Grecs à genoux, coûte que coûte, nous constatons la détermination particulière des fameux Gracques qui poussent depuis 2007 à blairiser sinon reaganiser la gauche française.

Voici un petit extrait de leur réquisitoire :

- « M. Tsipras est un braqueur de banque qui ne s’est pas aperçu que tous ses otages ont été exfiltrés. Il menace de se faire sauter lui-même. Bien sur, on négocie avec lui, et il reçoit des mots réconfortants. Mais il y a peu de chances qu’il parte avec la caisse. Et pour être franc, il ne faut pas le souhaiter. »

- « le programme de M. Tsipras est celui de tous les populistes : celui de Podemos, celui du mouvement 5 étoiles, celui du Front National. Si les gouvernements européens lui épargnent la confrontation avec la réalité, des pays plus significatifs appliqueront aussi la stratégie de transfert par extorsion, et rien de ce que l’Europe a construit depuis cinquante ans ne tiendra le choc : on n’imposera pas au salarié slovaque de cotiser pour que le retraité grec gagne beaucoup plus que lui. »

- « Il ne faut pas consentir de « new money » aux Grecs pour les dispenser d’équilibrer leur budget et leur système de retraite. Ce ne sera pas simple, car il est probable que cette majorité ne pourra pas appliquer les mesures contre lesquelles elle a combattu : en changer est l’affaire des grecs. »

H) 2016 Macron en vedette

Le pédigrée des faux Gracques était déjà peu reluisant. L’année 2016 nous apporte la cerise sur le gâteau :

- les voilà soutenant la loi El Khomri comme la plus "consensuelle" du quinquennat

http://lesgracques.fr/loi-travail-n...

- les voilà mettant en scène Emmanuel Macron qui a conclu leur 5ème université des Gracques en compagnie de Daniel Cohn Bendit venu y plaider pour des "primaires de la gauche et des écologistes".

I) Mais qui sont donc ces Gracques ?

Sur le fond de leur orientation, il s’agit de gens de droite (libéraux, austéritaires, sécuritaires, poussant à la réduction de la fiscalité des entreprises mais ne critiquant pas le glissement de l’investissement vers les dividendes...) mais venant effectivement de la gauche pour certains et accomplissant leur carrière grâce à la "gauche".

Wikipedia ne se trompe pas en les présentant ainsi : Les Gracques est « un groupe de réflexion et de pression » qui souhaite une rénovation de la gauche française autour de valeurs sociales-libérales... On peut rapprocher ce projet de la troisième voie britannique.

Parmi les personnalités ayant joué un rôle important au sein des Gracques, la presse avance :

- Jean-Pierre Jouyet, ami personnel de François Hollande depuis 30 ans, Secrétaire d’État chargé des Affaires européennes du gouvernement Fillon en 2007, président de l’Autorité des marchés financiers de 2008 à 2012, actuel secrétaire général de la Présidence de la République.

- Denis Olivennes, ex conseiller du Premier ministre Pierre Bérégovoy puis président directeur général d’Europe 1 et président de Lagardère Active.

- Matthieu Pigasse, ancien administrateur civil du ministère de l’Économie et des Finances, actuel directeur général délégué de la banque Lazard en France et vice-président de Lazard en Europe...

- François Villeroy de Galhau, ex conseiller européen du Premier ministre Pierre Bérégovoy, directeur de cabinet de Dominique Strauss-Kahn de 1997 à 1999, gouverneur de la Banque de France depuis le 1er novembre 2015.

Bernard Spitz

Le principal organisateur des Gracques, c’est lui ! d’après la presse, d’après wikipedia et pour quiconque jette un coup d’oeil sur la vidéo de la dernière université d’été.

Quel est son pédigrée ?

- Diplômé de l’Institut d’études politiques de Paris et de l’ESSEC, élève à l’ENA de 1984 à 1986

- Conseiller au cabinet du Premier ministre Michel Rocard de 1988 à 1991, maître des requêtes au Conseil d’État (depuis 1989), directeur à la direction générale de Canal+ (1992-1996) et directeur de la stratégie de Vivendi Universal (entre 2000 et 2004).

- Préside de la Fédération française des sociétés d’assurances (FFSA) depuis le 1er octobre 2008. Il est président de l’Association française de l’assurance regroupant les membres de la FFSA et du GEMA (Groupement des entreprises mutuelles d’assurance) depuis le 18 juin 2014

- Membre du bureau du MEDEF, il préside le Pôle International et Europe depuis juillet 2013 et participe aux travaux des Task Forces du Business 20 (B20) sur l’emploi, la formation et le capital humain, ainsi qu’au dialogue Business 20/Labour 20 (B20/L20) initié sous son impulsion lors de la Présidence française du G20 de Cannes en 2011. Chargé de l’agenda social du B20, il avait alors coordonné la signature de la première déclaration conjointe du B20 et du L20 lors du sommet international des organisations patronales et syndicales.

- Maître de conférence à l’ISA, à l’ESSEC, au Pôle universitaire Léonard de Vinci (La Défense), à l’IEP Paris et à Paris I Sorbonne

- membre du Siècle, des Gracques, de la fondation « En temps Réel », du conseil d’orientation de l’Institut Aspen France, du club Énergies nouvelles ainsi que des conseils de plusieurs thinks-tanks français et internationaux : Astrid (Italie), The Lisbon Council (Belgique), Terra Nova (France)...

Jacques Serieys, article de 2007, complété plusieurs fois ensuite

http://www.forum-information.com/t6...


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