Parti Socialiste Un « nouveau modèle » sans ruptures dans une société sans conflit (par le Secteur Etudes du PG)

jeudi 27 mai 2010.
 

Le 10 mai, jour symbolique s’il en est, est arrivé dans les boîtes aux lettres des militants socialistes le texte adopté à l’unanimité le 27 avril 2010 par le Conseil national du PS : « Nouveau modèle économique, écologique et social ». Ce document a été présenté par Martine Aubry comme « le socle du projet » du PS pour 2012. L’unanimité au PS est toujours le signe d’un arrangement de couloir.

Entre chefs de courant. Il s’agit en général de donner l’image d’un « parti rassemblé ». Les médias en général ne perdent pas trop de temps à lire et comparer chaque texte avec ceux qui l’ont précédé sur les mêmes thèmes. Il faudrait pour cela qu’il y ait dans les rédactions des gens qui aient la mémoire des textes et de l’intérêt pour l’exercice. Au demeurant cet exercice est très risqué, chaque chef de courant veillant avec soin sur le sens dans lequel les commentaires vont aller. Dans ces conditions l’appréciation du contenu des textes doit alors tout à la présentation que chacun en fait tant à l’intérieur du Parti qu’à l’extérieur, selon son intérêt et ses objectifs. Celui-ci n’a pas échappé à cette coutume.

La droite du PS, à commencer par le rédacteur du texte, Pierre Moscovici, affirme haut et fort n’avoir rien cédé aux « gauchistes ». Il a rappelé, à propos de ce texte, dans de nombreux entretiens de presse que le « PS n’est pas le PG ni le Front de gauche ».

A l’inverse, la gauche du parti, autour de Benoît Hamon, a aussitôt affirmé y voir une « réorientation » du PS sur « une ligne de gauche » (Razzy Hammadi). Elle met en avant le thème du « nouveau modèle » répété à plusieurs reprises dans le texte.

A l’Elysée on partage officiellement cette analyse et l’on parle même, sans rire, « d’un retour à 1981 ».

Rien ne vaut donc mieux qu’une lecture attentive de ce texte. C’est celui du premier parti de la gauche et nul ne saurait faire de la politique sans en tenir compte.

Pour notre part nous n’avons trouvé dans ce document rien qui évoque le programme commun de 1981. Et nous n’avons pas trouvé la réorientation qui nous a été annoncée. Enfin, la comparaison avec le précédent texte programmatique du PS (le Projet socialiste pour la France adopté le 1er juillet 2006 « pour les dix ans à venir ») révèle au contraire d’importants reculs et un affadissement général.

La preuve, le crayon à la main.

UN MONDE SANS CLASSE, SANS PARTI, SANS ADVERSAIRE

Le texte du PS n’assume pas de porter sur le terrain politique la confrontation sociale qui est pourtant aujourd’hui exacerbée en France autour de la défense des acquis sociaux et des services publics. Il ne prend pas partie dans les batailles qui voient des intérêts contradictoires s’opposer violemment dans la société, comme dans l’arène internationale. Il ignore, évacue ou contourne les clivages. N’est-il pas symptomatique de n’y voir aucune référence au mouvement social, aux luttes sociales, aux rapports de force sociaux qui sous-tendent pourtant toute politique ?

Le texte s’inscrit donc dans la lignée des documents de la social-démocratie européenne des années 90 et 2000 de la veine « démocrate ». A la différence du précédent projet du PS de 2006-2007, il ne s’inscrit dans aucune tradition historique ou référence politique. Le mot « socialisme » y est largement absent (il n’apparaît qu’une fois) alors que le Projet 2006-2007 affirmait dès le départ sa « fidélité aux valeurs du socialisme démocratique ». Ici, au contraire, le terme de « socialistes » y est même parfois remplacé par celui beaucoup plus flou de « progressistes ».

Le texte multiplie aussi les références idéologiques, extérieures, voire opposées au socialisme. Il déplore que Sarkozy ait « abimé le mot de réforme », qui n’est pourtant porteur d’aucune orientation politique en soit. Mais il reprend de manière surprenante certaines rengaines sarkozystes comme les « pôles de compétitivité » dont toute la gauche est assez largement revenue après avoir constaté combien ils aiguisent les inégalités entre les territoires et les populations.

Mais le plus marquant idéologiquement est la stagnation dans les références individualistes qui ont été au coeur du discours blairiste dans l’internationale socialiste qui lui ont valu d’être qualifié de social libéralisme ! « Etat qui permet aux individus de choisir », « France ouverte et efficace », « Etat qui fasse contribuer tout le monde équitablement et qui apporte des réponses plus individualisées ». Là où la gauche préfère les garanties collectives, l’« individualisation » est mise à toutes les sauces : « individualisation de la fiscalité », « individualisation des prestations sociales », « individualisation des services publics ». Comme si les problèmes et les intérêts de la population ne dépendaient pas avant tout de cadres collectifs avant d’être individuels.

A l’inverse, le texte est vide de toute référence aux classes sociales et les mots « ouvrier » et « employé » n’y apparaissent pas une seule fois. Le texte ne propose d’ailleurs pas la moindre analyse de la société et de ses conflits. En s’abstenant de toute référence à la majorité sociologique du peuple (ouvriers et employés = 53 % de la population), le « nouveau modèle » du PS, contribue comme les libéraux et leurs médias à rendre invisible le peuple et les ouvriers.

Cette mise à distance de la conflictualité sociale conduit à un véritable déni de réalité. Ainsi voit-on que pas une ligne n’évoque la Grèce. Le mot n’est même pas cité alors que le texte a été adopté au plus fort de la crise grecque. Un oubli en cohérence avec le fond de l’analyse du reste du document qui fait ainsi l’impasse sur la nouvelle étape de la crise financière du capitalisme et sur l’impasse du modèle de l’Europe qu’elle révèle. Sans se rendre compte de l’énormité de ce que cela signifie dans le contexte actuel de la crise grecque, le PS n’a pas peur d’écrire qu’« il n’est pas d’avenir hors de la coopération européenne ». Alors que l’UE se réduit aujourd’hui à un concert d’égoïsme sous directoire allemand, pour les Grecs au contraire il n’est pas d’avenir dans cette coopération européenne. Le fait que l’instigateur de la pire politique d’austérité et de casse sociale qu’ait jamais connue un peuple européen soit aussi le président de l’Internationale socialiste (Papandréou) ne pose aucune question au PS dans ce texte.

Aucune analyse n’est faite du naufrage européen de la socialdémocratie qui n’est évoquée qu’à mot couvert : « En Europe la socialdémocratie a parfois cédé du terrain à l’idéologie de ses adversaires. » Le PS français présente ainsi comme une exception (« parfois ») ce qui est en fait le lot commun de la toute la social-démocratie européenne ! Qui a initié le mouvement de relèvement de l’âge de départ à la retraite à 65 voire 67 ans, si ce n’est les sociaux-démocrates britanniques, allemands et espagnols ? Qui a impulsé la suppression des impôts sur la fortune, si ce n’est les sociaux-démocrates espagnols, autrichiens ou danois, sous la houlette de l’actuel président du Parti Socialiste Européen, Poul Nyrup Rasmussen ?

Faute de réflexion sur ces reniements de la social-démocratie, le texte ignore son impuissance stratégique face au nouvel âge du capitalisme. L’évolution néfaste du capitalisme est certes rapidement décrite, mais aucune conséquence n’en est tirée quant à la stratégie à lui opposer 1. Le document en reste donc au projet désormais clairement dans l’impasse de coopérer avec ce capitalisme, faute d’assumer la nécessité de ruptures. D’ailleurs le PS n’entretient guère d’illusion sur les résultats d’une telle stratégie : « mettre fin aux déséquilibres de la mondialisation prendra du temps et il faut le dire honnêtement » ! Et en attendant, que faire ? Subir « avec courage », sur le modèle du président de l’internationale socialiste en Grèce ?

UN TEXTE D’ÉVITEMENT : LE RÈGNE DU FLOU ET DU « NI NI »

Faute de désigner des adversaires, le texte socialiste est contraint d’euphémiser tous les conflits d’intérêt dans la société, soit en les réduisant à leurs aspects techniques superficiels, soit en les livrant comme constat sans cause identifiée. Quelques exemples illustrent bien cette méthode.

En matière commerciale, plutôt que de dénoncer directement le « libre échange », le texte affirme que « c’est le déficit de régulation des échanges mondiaux qui a mis les pays et les Etats en concurrence ». Alors que c’est bien le principe du libre échange qui implique cette concurrence sauvage.

Sur le plan social, le texte affirme qu’« avec la concurrence érigée en principe, nos sociétés sont devenues de plus en plus inégalitaires ». Le PS se garde bien de préciser d’où vient cette concurrence. Il lui faudrait rappeler que la « concurrence libre et non faussée » est le coeur des Traités européens, dont celui de Lisbonne accepté par les socialistes.

S’agissant de la crise écologique, le texte occulte aussi complètement la responsabilité dominante des Etats-Unis d’Amérique et de leur modèle dans la crise écologique mondiale et l’échec des négociations climatiques. Il pointe en général la responsabilité de « notre modèle de croissance » et ajoute spécifiquement que « l’émergence de grands pays accentue encore le problème ». Les pays émergents sont donc montrés du doigt, mais le premier et principal responsable de la crise écologique, les USA, n’est pas cité !

Toujours dans cette logique d’évitement, le texte pullule de formules non « orientées » et « ambiguës ». Comme dans les discours de Nicolas Sarkozy, il est ainsi question de « retour du politique ». Mais de quel politique parle-t-on ? On ne saura pas.

Dans la même veine, le texte propose aussi de « Parvenir à conserver la place de la France dans le monde ». Mais de quelle place parle-t-il ? Celle que Nicolas Sarkozy lui aura faite, derrière l’OTAN et les USA, ou une autre. Laquelle ? Le « nouveau modèle » du PS ne dit rien sur le sujet. Dès lors le texte verse souvent dans le discours du « ni ni » cher aux technocrates et dans le « balancement circonspect » des copies de l’ENA popularisé au PS par François Hollande.

Ainsi, en matière économique, le PS affirme que « deux stratégies économiques nous semblent vouées à l’échec : le repli sur soi, dont l’histoire nous a montré qu’il était facteur de crise et de déclin et la sortie par le bas qui consisterait à accepter une dégradation continue de nos salaires et protections sociales ». En résumé : ni protectionnisme ou nationalisme économique, ni libéralisme sauvage. Une caricature ! Et la position équilibriste du PS est ainsi présentée de manière incompréhensible : « nous voulons au contraire une France à la fois ouverte et efficace » !

Pour éviter les mots connotés par un fumet de conflit, le texte ne parle plus de profits ou d’entreprises bénéficiaires. Il évoque les « entreprises florissantes ». Ce n’est pas du tout un synonyme ! Il privilégie donc souvent aussi la critique de la forme plutôt que celle du fond.

Ainsi la politique de Nicolas Sarkozy est qualifiée d’abord de « brouillonne » avant d’être qualifiée « d’injuste ».

Toujours dans l’euphémisation qui permet de ne pas prendre partie, on apprend que « la question du partage des richesses au sein de l’entreprise mérite d’être aujourd’hui posée dans des termes nouveaux ». Ca ne mange pas de pain ! Nous aurions au contraire écrit « dans des termes favorables aux travailleurs ». A égale distance entre patronat et syndicat, le texte affirme aussi que dans l’« entreprise », « toutes les parties prenantes ont chacune leur mot à dire sur les grandes orientations ». C’est bien connu !

Ce comportement d’évitement rend le texte particulièrement faible sur un enjeu d’actualité brûlante : les banques. « Une réforme d’ensemble du système financier » est présentée comme « une priorité essentielle ». Mais en y regardant de près, on constate que son contenu ne se distingue en rien de l’agenda issu du G20 et de ce qu’y défend Nicolas Sarkozy.

Lisons : limitation des produits dérivés, renforcement de la régulation du secteur bancaire, organes de contrôle et de supervision étoffés, établissement de taxes annuelles sur les bonus etc. Aucune mesure de nationalisation, d’emprunt forcé ou de taxation des profits des banques n’est évoquée ! Pas plus qu’il n’est question de fixer des objectifs impératifs en matière de crédit bancaires injectés dans l’économie productive. Naïvement, le PS compte seulement « inciter les banques à se réorienter vers le financement de proximité de l’économie ». On est ici dans le même registre velléitaire que Nicolas Sarkozy qui convoque régulièrement les banquiers pour les « inciter » à soutenir l’économie plutôt que de spéculer. Et dans les faits ce que valent de telles incitations verbales est simple à mesurer : pour la première fois depuis 20 ans l’encours des crédits aux entreprises a baissé en 2009 !

EUROPE : DES PROPOSITIONS QUI BUTENT TOUTES SUR LE TRAITÉ DE LISBONNE

Un énorme non dit surplombe tout le texte du PS. C’est le nombre de « projets » et promesses à propos du cadre européen. Tous sont en opposition au Traité de Lisbonne. Le texte avoue d’ailleurs à mot couvert que tout ce qui est proposé à ce sujet n’a que peu de chances de voir le jour : « nous savons qu’il faudra beaucoup de temps et d’énergie pour réorienter ses politiques ». Nous voila prévenus ! Dès lors une bonne partie du texte peut être considérée comme une collection de voeux pieux sans conséquences.

Il est frappant de constater ce que le PS dénonce dans le fonctionnement de l’Europe ! C’est précisément ce qui est directement le résultat des traités européens qu’il a accepté, et en particulier du dernier Traité de Lisbonne. L’Europe est selon le PS, « sous la houlette d’une Commission vouée à la dérégulation » qui « met en concurrence les Etats et les peuples au lieu d’organiser leur coopération ». Or cela résulte directement des traités qui donnent le monopole d’initiative à la Commission (article 9 D TUE) et affirment la primauté de la concurrence libre et non faussée, toutes choses adoptées par les sociaux-démocrates de toute l’Europe.

La quasi-totalité des propositions européennes avancées dans le texte socialiste est donc en contradiction avec les traités européens et notamment le Traité de Lisbonne :

• « Renforcement du rôle politique de l’eurogroupe face à la BCE pour assurer une gestion plus démocratique de l’euro, plus favorable à la croissance et à l’emploi. » Or le traité confie à la seule BCE le rôle de piloter l’euro et interdit même aux autres institutions toute ingérence en la matière (article 130 TFUE). Et c’est le traité qui impose aussi la priorité de la stabilité des prix sur tout autre objectif (article 119-2 TFUE).

• « Le régime des aides d’Etat devra être adapté ». Là aussi ce régime est codifié strictement pas les traités (article 107 TFUE). A moins de l’adapter à la marge sans en remettre en cause les principes, il faudrait donc changer les traités.

• « Lancer une coopération européenne renforcée en matière énergétique ». Le texte du PS ignore visiblement le contenu précis du traité qui conditionne le lancement d’une coopération renforcée à l’accord de la Commission européenne qui est libre de ne pas l’accepter, puis à l’unanimité à 27 pays au Conseil (article 329 TFUE). Une coopération renforcée n’est également possible qu’avec au moins 9 Etats participants, uniquement pour réaliser des objectifs de l’Union (développer un service public de l’énergie n’en fait pas partie par exemple) et ne doit créer aucune distorsion de concurrence (article 20 TUE). Toutes ces conditions rendent donc d’un intérêt très limité la possibilité d’une coopération renforcée en matière d’énergie ! Une fois de plus il faudrait changer les traités pour que cela serve à quelque chose. De plus les parlementaires sociaux-démocrates ont adopté au Parlement européen et dans les parlements nationaux les directives de libéralisation de l’électricité et du gaz.

• « Un nouveau contrat social européen, un véritable gouvernement économique européen. »

Un tel gouvernement économique n’aurait de sens que s’ils étaient souverains pour mener la politique économique. Or toute la politique économique de l’UE est surplombée par l’impératif de libre concurrence comme à l’article 119-1 TFUE qui définit justement cette politique économique. Ainsi que la règle qui confie à la Commission toute l’initiative concernant le marché intérieur. Ce « gouvernement économique » est tout simplement interdit par le Traité de Lisbonne.

• « Il nous faut désormais un véritable budget fédéral appuyé sur un impôt européen et sur une capacité d’emprunt de l’Union. » Le traité impose au budget européen d’être équilibré (article 310 TFUE) et rend très difficile la création de nouvelles ressources propres de l’Union, soumise à l’unanimité à 27 du Conseil puis à la ratification dans chaque Etat (article 311 TFUE) !

• « Une véritable politique industrielle et commerciale européenne » « Nous proposerons au niveau européen une nouvelle politique commerciale de « contributions sociales et environnementales (contributions climat – énergie aux frontières, mesures antidumping)  » Cette volonté, également exprimée par Nicolas Sarkozy avec son projet de taxe carbone européenne, est contredite par les traités qui ne permettent aucune restriction au libre échange et prônent « la suppression des obstacles au commerce international » (article 21 TUE et 206 TFUE). Le Traité affirme même que l’Europe doit non seulement contribuer à la « suppression des restrictions aux échanges » mais aussi « aux investissements directs étrangers, ainsi qu’à la réduction des barrières douanières et autres ». « Et autres » : cela veut dire qu’il est impossible d’imposer des règles sociales ou écologiques aux importations et aux investissements étrangers.

• « La mise en place de tarifs extérieurs communs comme il en existait à l’origine des communautés européennes » Cette proposition se heurte aux mêmes articles du Traité que la précédente. Le traité la rend d’autant plus compliquée à mettre en oeuvre que la politique commerciale est une politique exclusive de l’Union sur laquelle la Commission a la haute main.

Alors que tous ces changements supposent tous de modifier les traités, le PS ose écrire : « sans rouvrir le débat institutionnel, nous proposerons des inflexions importantes et la renégociation de directives contestables ». Une illusion de plus car les directives de libéralisation ne peuvent vraiment être changées qu’en changeant les traités qui constituent leur base légale. Il est dommage d’avoir à le rappeler à un parti qui prétend avoir une « culture de gouvernement ».

Les directives de libéralisation ne peuvent vraiment être changées qu’en changeant les traités qui constituent leur base légale.

SERVICES PUBLICS : L’IMPASSE SUR LA PROPRIÉTÉ PUBLIQUE

Le texte dénonce à de multiples reprises la « marchandisation » dont sont victimes les services publics, mais il ne remet pas en cause le principe de l’ouverture à la concurrence des grands réseaux (transports, énergie, télécoms), ni ne prévoit de mesures ambitieuses pour faire redevenir publics les services privatisés.

Une formule totalement floue n’exclut pas des nationalisations, mais seulement partielles ou temporaires et sans donner plus de précision : « selon les secteurs et les situations, les nationalisations partielles ou temporaires peuvent constituer un levier efficace et juste ». « Selon », « selon », « peuvent ». Rien de plus !

L’eau et l’énergie ne sont abordées que sous l’angle des politiques tarifaires, qui sont pourtant largement conditionnées par la nature de la propriété du service (publique ou privée).

Le texte ne prévoit pas de renationaliser EDF-GDF, ni même d’aller jusqu’à un pôle public de l’énergie incluant Total, comme nous le proposons. Notons qu’il est en recul sensible par rapport au projet socialiste 2006-2007 qui prévoyait : « Nous réintroduirons le contrôle public à 100 % d’EDF et mettrons en place un pôle public de l’énergie entre EDF et GDF –dont nous refusons la privatisation–. »

Seule précision apportée sur les services publics, le PS s’engage toutefois à faire revenir la Poste au statut d’établissement public. Une précision qui ne figurait pas dans l’avant dernière version du projet de texte et qui y a été ajoutée in extremis avant son adoption au Conseil national. Un peu comme si la très grande faiblesse de ce projet sur les services publics avait eu besoin d’être compensée et dissimulée.

Le document ne propose pas non plus de stratégie de reconquête et de renforcement de l’Etat. Ce n’est clairement pas au centre des priorités du « nouveau modèle » du PS. L’objectif fixé d’un « retour à l’équilibre budgétaire en période de croissance » est un voeu pieu en période de récession comme aujourd’hui. Il reste à savoir en quoi cela serait une priorité après une aussi longue période de faible investissement et de dégradation des équipements publics !

• En matière d’université et de recherche, loin de critiquer la loi LRU sur l’autonomie des universités, le PS s’inspire directement du grand emprunt inégalitaire de Sarkozy pour financer la recherche « en concentrant les aides publiques à la recherche vers les centres identifiés comme les plus performants ». Une méthode qui ne peut qu’accroître les inégalités au sein de la recherche et de l’enseignement supérieur. Celle-là même que tout le milieu engagé dans la défense de la recherche a condamnée. Une telle référence souligne l’éloignement du point de vue socialiste d’avec le syndicalisme étudiant et enseignant et son évolution vers une conception « managériale » de l’université très éloignée de la tradition de gauche.

• En matière de santé, on apprend que « l’hôpital public constitue un levier précieux ». Tant mieux. Quoique ce soit, somme toute, fort modeste comme rôle. Mais de toute façon le PS ne propose aucune mesure pour sortir sa gestion de la logique marchande dans laquelle le conduit la loi Bachelot, ni d’ailleurs pour en finir avec les profits indécents des cliniques privées.

• En matière bancaire, là où le projet de 2006-2007 envisageait un « pôle financier public » à vocation généraliste, support d’un service public bancaire, celui-ci s’est réduit comme peau de chagrin en 2010 puisqu’il ne s’agit plus que d’un pôle public dédié à l’« investissement industriel ».

COMMERCE : PAS DE REMISE EN CAUSE DURABLE DU LIBRE ÉCHANGE

L’idée selon laquelle le commerce resterait le moteur du développement et que le libre échange pourrait être bénéfique à l’échelle de la planète n’est pas contestée. La crise écologique et l’explosion des inégalités planétaires n’est pas encore arrivée à la connaissance des théoriciens du PS.

Ainsi en prônant un « juste échange », le texte ne s’oppose pas à la libéralisation des échanges. Il regrette juste pour les « pays les plus pauvres » une « libéralisation trop rapide des échanges ». Il s’agit donc éventuellement de la freiner et pas de la remettre en cause.

Faute de remise en cause frontale du dogme du libre échange, le PS n’envisage pas de relocalisation globale de la production notamment industrielle. La perspective de relocalisation n’est évoquée qu’en matière agricole, sans pour autant en décliner les conséquences du point de vue de la limitation à apporter à la libre circulation des produits agricoles et au modèle dominant d’agriculture d’exportation.

TRAVAIL : DES AVANCÉES A MINIMA POUR LES SALARIÉS

Le document du PS ne prévoit aucune mesure radicale pour stopper l’hémorragie de licenciements collectifs. Il propose juste d’« augmenter le coût des licenciements économiques dans les entreprises florissantes », sans les interdire. Et « dans des cas extrêmes de pratiques manifestement contraires à l’intérêt de l’entreprise », il envisage de permettre aux salariés de saisir la justice… Autant dire qu’il s’agit là de protections de papiers qui n’endigueraient nullement les licenciements de masse si elles étaient appliquées. Alors qu’il faudrait au contraire imposer l’interdiction des licenciements boursiers, instaurer un droit de veto suspensif des représentants du personnel sur les plans sociaux et accorder aux salariés un droit de reprise de l’activité avec un soutien financier public. Tout cela était pourtant en partie inclus dans le document adopté sous la direction de Lionel Jospin en 1996.

• En matière syndicale, le projet du PS prévoit surtout des droits subsidiaires pour les salariés, « droit à s’exprimer », « droit d’être présent » y compris « dans les instances de décision ». Mais le fait de pouvoir parler ou être présent dans une instance ne confère la plupart du temps aucun pouvoir aux salariés pour infléchir la gestion de l’entreprise, en particulier en cas de licenciement.

• En matière de précarité, il est proposé de « majorer les cotisations sociales des entreprises employant un quota trop élevé de travailleurs précaires ». Une formulation qui sous-entend qu’il existerait une forme de précarité acceptable (« pas trop élevée »). Elle est d’ailleurs en recul par rapport au projet socialiste 2006-2007 qui prévoyait : « Pour lutter contre la précarité, nous réaffirmerons la primauté du CDI sur toute autre forme de contrat de travail. »

• En matière salariale, le texte évoque « la revalorisation du SMIC » comme « levier fort »

Encore un levier ! Mais il se garde bien de préciser dans quelle proportion et à quelle échéance il serait revalorisé. C’est encore un recul de plus par rapport au projet socialiste 2006-2007 qui affirmait : « nous porterons le SMIC au moins à 1 500 euros bruts le plus tôt possible dans la législature »

Le PS fait aussi une avancée sur le terrain du salaire maximum. L’affaire a fait quelque bruit dans la mesure où elle est contenue dans la proposition de loi du PG déposée à l’Assemblée et au Sénat. L’examen de près montre une grande timidité. Ce salaire maximum ne s’appliquerait que dans les entreprises publiques (avec une échelle de salaires de 1 à 20). Combien d’entreprises concernées… ? Et il ne craint pas le ridicule quand il affirme que « dans les autres entreprises, l’assemblée générale des actionnaires, sur proposition du conseil d’administration, après consultation du comité d’entreprise, devra fixer ce ratio ». Il s’agit là de donner aux actionnaires un pouvoir qu’ils ont déjà. Une fois de plus on est en plein mirage social-démocrate qui imagine que les conseils d’administration vont proposer de réduire l’éventail des salaires, c’est-à-dire la plupart du temps d’amputer leurs propres salaires. Tant vaudrait confier aux firmes de cigarettes la lutte contre le tabagisme !

Faute de coercition, on imagine aussi à quel avenir peut être promis cet autre poncif du même genre : « il faudra enfin garantir l’égalité salariale entre les hommes et les femmes ». Y a plus qu’à attendre !

• En matière de réduction du temps de travail, le texte propose de « revenir sur les dispositifs ayant dégradé les 35h et sur la remise en cause du repos dominical ». Cette proposition est purement défensive par rapport au projet socialiste 2006-2007 qui prévoyait d’aller beaucoup plus loin en terme de RTT : « Nous relancerons la négociation sur le temps de travail, pour étendre le bénéfice des 35 heures, avec création d’emplois, à tous les salariés. Si la négociation n’aboutit pas, la loi interviendra. » Ce point souligne le recul d’influence de la gauche du parti pour qui cette question des trente-cinq heures a toujours été identitaire !

• En matière de conditions de travail, le PS affirme sans trop se mouiller que « les conditions de travail devront faire l’objet d’une concertation approfondie entre tous les acteurs ». Et il ajoute : « mieux dialoguer permettra de mieux travailler » On croit rêver ! Reste-t-il des syndicalistes au PS ? Ce slogan désuet occulte la responsabilité principale du patron dans les conditions de travail, en faisant comme si employeur et salariés avaient une responsabilité commune et partagée sur le sujet. On baigne ici en plein mirage socialdémocrate qui croit que les firmes du capitalisme de notre époque sont spontanément prêtes à améliorer les conditions de travail de leurs salariés via le dialogue social. Ce texte est donc particulièrement édulcoré, aussi bien dans le détail des propositions que dans les formules générales. Le projet socialiste 2006-2007 assumait au moins de « pénaliser les patrons voyous ».

• En matière industrielle, quand le texte du PS envisage d’« éclairer les choix de la France pour les 20 prochaines années », dans un « comité prospectif », il prévoit d’y « réunir et consulter chefs d’entreprise, universitaires, chercheurs ». Mais ne prévoit pas de syndicaliste représentant les salariés, là où une politique de gauche devrait au contraire s’appuyer d’abord sur la qualification et la volonté de changement du grand nombre des salariés pour penser et mettre en mouvement le changement de modèle productif. L’avenir industriel de la France est ainsi conçu par le PS de manière purement technocratique sans les syndicats. Il méconnaît le travail déjà accompli par de nombreux organismes publics sur le thème et en particulier par le Conseil économique et social… où les syndicats sont représentés.

FISCALITÉ : RIEN DE NOUVEAU À L’HORIZON

Le cap d’un autre partage des richesses est fixé. C’est quand même le minimum pour un document de gauche. Mais, une fois de plus, les moyens envisagés restent très limités. Il est étonnant que la proposition de « fusion entre la CSG et l’impôt sur le revenu » ait été présentée comme une novation du texte socialiste, alors qu’elle figurait déjà dans le projet socialiste 2006-2007. C’est là une triste illustration de la dévaluation des textes écrits qui prévaut au PS.

Cette fusion est une tarte à la crème du débat fiscal depuis 15 ans à droite comme à gauche. Elle ne rendrait pas automatiquement plus progressif le système fiscal. D’autant que le PS n’envisage d’ajouter que 2 tranches supplémentaires d’impositions des revenus (selon les travaux préparatoires supervisés par Moscovici). Cela ne ferait que revenir à la situation d’avant 2006. On était passé à l’époque de 7 tranches à 5 tranches. Mais il est important de rappeler qu’il y en avait 13 jusqu’en 1993. Surtout, faute d’être combinée avec une baisse significative de TVA (non envisagée par le texte du PS), ce nouvel impôt sur le revenu ne peut renforcer que très modestement la progressivité du système fiscal. C’est pourtant là l’urgence !

Enfin, cette fusion CSG-IR présenterait un danger majeur. Il a souvent été évoqué par les syndicats. Le PS n’en souffle mot. Le risque est pourtant de compromettre le financement de la Sécurité sociale en désanctuarisant ses recettes aujourd’hui en partie assurées par la CSG. Une fois la CSG fondue avec l’Impôt sur le revenu, la dépendance de la sécurité sociale serait accrue par rapport à l’Etat. Les milliards de dette que l’Etat accumule déjà chaque année vis-à-vis de la sécu en ne faisant pas ses reversements devraient servir de leçon pour ne pas prendre un tel risque.

Tout aussi dangereux, le PS propose d’« intégrer » dans ce nouvel impôt sur le revenu « le « RSA et la Prime pour l’emploi ». Rappelons qu’il s’agit de deux dispositifs pourtant d’inspiration libérale, dont les effets sur l’emploi sont limités et qui contribuent à bloquer massivement les salaires et à alimenter le temps partiel contraint chez les salariés les plus modestes.

Enfin, le texte du PS n’envisage pas d’aller vers un revenu maximum. Ce serait pourtant la traduction fiscale logique du salaire maximum sur lequel le texte a fait de timides avancées. Pourtant, où est la justice sociale si la loi plafonne les revenus du travail mais laisse illimités les revenus du capital ?

ECOLOGIE : DES INCITATIONS ET ENCOURAGEMENTS SANS CONTRAINTES

Face à la crise écologique, le texte part d’un constat d’urgence : « notre modèle de production conduira à très court terme à des catastrophes sanitaires, environnementales et humaines »

Puis il aligne ensuite un florilège de bonnes intentions sans moyen concret pour contraindre l’économie à s’y plier : « Encourager la mutation écologique de nos sociétés », « nos modes de production et de consommation doivent changer », « accélérer la transition environnementale de notre économie », « s’engager fortement dans la maîtrise de notre consommation et procéder aux investissements nécessaires », « privilégier les circuits courts » etc

On est ainsi dans la même logique que le Grenelle : de grands objectifs généreux, mais des moyens et propositions qui restent cantonnés dans l’incitation molle. Faute d’une véritable planification écologique, toutes ces intentions resteront donc suspendues au bon vouloir des entreprises. Il est frappant de voir que le PS ne reprend pas l’idée de planification écologique alors même que son groupe parlementaire a voté notre proposition de loi sur le sujet !

Sur ce thème, au total, la seule proposition concrète et applicable est de fixer des conditions sociales et écologiques dans l’accès à la commande publique.

Mais c’est précisément une proposition du Front de Gauche que les socialistes ont refusé d’appliquer dans la plupart des régions qu’ils dirigent, à commencer par l’Ile-de-France !!!

Au service de son « nouveau modèle énergétique », le PS se fixe l’objectif d’atteindre une part de 23 % d’énergies renouvelables. Une proposition qui fait flop dans la mesure où elle est identique à l’objectif déjà fixé par le gouvernement dans le Grenelle de l’environnement !

Et le nucléaire est qualifié d’« inévitable aujourd’hui », sans que ce soit abordé la moindre perspective de sortie, ni les problèmes posés en terme de coût et de pollution par les déchets.

Ce « nouveau modèle énergétique » est nettement moins ambitieux que celui du projet socialiste 2006-2007 qui affirmait : « nous réduirons la part du nucléaire en faisant passer à 20% d’ici 2020 et à 50% à plus long terme la part des énergies renouvelables dans la consommation finale d’énergie. » Désormais seul l’objectif de 23 % est donc conservé pour les énergies renouvelables !

LES 7 RECULS DU PS PAR RAPPORT AU PROJET SOCIALISTE POUR 2007

- En matière salariale, le texte 2010 évoque « la revalorisation du SMIC » comme « levier fort » mais se garde bien de préciser dans quelle proportion et à quelle échéance il serait revalorisé. C’est un recul de plus par rapport au projet socialiste 2006-2007 qui affirmait : « nous porterons le SMIC au moins à 1 500 euros bruts le plus tôt possible dans la législature »

- En matière de réduction du temps de travail, le texte 2010 propose de « revenir sur les dispositifs ayant dégradé les 35h et sur la remise en cause du repos dominical ». Cette proposition est purement défensive par rapport au projet socialiste 2006-2007 qui prévoyait d’aller beaucoup plus loin en terme de RTT : « Nous relancerons la négociation sur le temps de travail, pour étendre le bénéfice des 35 heures, avec création d’emplois, à tous les salariés. Si la négociation n’aboutit pas, la loi interviendra. »

- En matière de précarité, il est proposé de « majorer les cotisations sociales des entreprises employant un quota trop élevé de travailleurs précaires ». Une formulation qui sousentend qu’il existerait une forme de précarité acceptable (« pas trop élevée ») et qui est en recul par rapport au projet socialiste 2006-2007 qui prévoyait : « Pour lutter contre la précarité, nous réaffirmerons la primauté du CDI sur toute autre forme de contrat de travail. »

- Le texte 2010 du PS ne prévoit aucune mesure radicale pour stopper l’hémorragie de licenciements collectifs, là où le projet socialiste 2006-2007 promettait au moins de « pénaliser les patrons voyous ». Le projet 2010 souhaite juste « augmenter le coût des licenciements économiques dans les entreprises florissantes », sans les interdire.

- Le texte 2010 ne prévoit pas explicitement de renationaliser EDF-GDF, ni même de remettre en cause l’ouverture du secteur à la concurrence, et encore moins d’aller jusqu’à un pôle public de l’énergie incluant Total, comme nous le proposons. Le texte 2010 est donc en recul très sensible par rapport au projet socialiste 2006- 2007 qui prévoyait : « Nous réintroduirons le contrôle public à 100 % d’EDF et mettrons en place un pôle public de l’énergie entre EDF et GDF –dont nous refusons la privatisation–. »

- Le « nouveau modèle énergétique » proposé est nettement moins ambitieux que celui du projet socialiste 2006-2007 qui affirmait : « nous réduirons la part du nucléaire en faisant passer à 20% d’ici 2020 et à 50% à plus long terme la part des énergies renouvelables dans la consommation finale d’énergie. » Désormais seul un objectif de 23 % est conservé pour les énergies renouvelables (exit la perspective de 50 %) et le nucléaire est qualifié d’« inévitable »
-  En matière bancaire, là où le projet de 2006-2007 envisageait un « pôle financier public » à vocation généraliste, support d’un service public bancaire, celui-ci s’est réduit comme peau de chagrin en 2010 puisqu’il ne s’agit plus que d’un pôle public dédié à l’« investissement industriel ».


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