Caucase : la guerre du gaz

jeudi 21 août 2008.
 

Je n’ai étudié la situation au Caucase qu’au début des années 90 quand la version française des Nouvelles de Moscou arrivait jusque dans les kiosques de notre pays. Ce que j’ai appris alors m’incite à partager totalement le point de vue de Denis Collin. Je voudrais simplement, à travers l’œil latino-américain que j’ai adopté depuis les années 2000, apporter un complément d’informations. Au Mexique, dans la Jornada du 13 août, l’économiste Alfredo Jaime-Rahme peut logiquement s’insurger contre le fait que son pays a vendu à Gas Natural (entreprise espagnole) la maîtrise de son gaz, alors que la Russie, en gardant le contrôle de cette source d’énergie peut mieux défendre son pouvoir.

Il se trouve qu’en ce mois d’août Gas Natural a passé un accord avec Gazprom pour contrer les prétentions de la Sonatrach algérienne (prétentions en matière de prix). Les Espagnols, qui importent plus de 34 % de leur gaz de l’Algérie recherchent la diversification de leurs sources d’approvisionnement et Gazprom leur en offre l’opportunité. Au contraire, l’Allemagne cherche en Algérie, à réduire sa trop grande dépendance à l’égard de Gazprom. Au même moment, le président de l’Algérie était en Iran pour, non seulement confronter leurs forces économiques en matière de gaz, mais aussi pour que Bouteflika puisse dire grand bien de l’islam politique (même si peu de temps auparavant il avait changé nommé un premier ministre moins islamiste que le précédent). Rares sont les visiteurs en Iran qui vont sur la tombe de Khomeiny pour qualifier l’homme de « lumière pour les hommes épris de justice et d’équité ». Il loin le temps (1993) où l’Algérie rompait toute relation avec l’Iran accusé de financer le FIS ! Cette opération politique de Bouteflika entrait en concordance avec la volonté toute nouvelle des USA de signer une entente... avec l’Iran. Les évolutions des gardiens religieux de Téhéran, et d’une partie des pouvoirs US, font que ce rapprochement est devenu plus crucial. Il suffit qu’Israël obtienne quelques garanties et le renversement d’alliance devient possible. Après tout, les USA ont débarrassé l’Iran de deux adversaires proches : Saddam Hussein et les Talibans ! Quand nous nous souvenons qu’au même moment, en France, GDF tombe dans les bras de Suez avec des augmentations répétées du tarif du gaz pour les consommateurs , que l’Autriche et la Suisse viennent d’acheter du gaz à l’Iran malgré le boycott, il est facile de comprendre que la guerre du gaz est en cours. Les USA veulent à tout prix empêcher la naissance d’une « OPEP » du gaz sauf à en devenir maître, ce qui est impossible puisqu’il faudrait un accord avec Moscou !

Pour le moment, dans la zone du Caucase, les USA ont comme allié solide l’Azerbaïdjan et comme allié plus fragile la Georgie. De son côté, Moscou, avec Gazprom, a mis la main sur le gaz du Turkménistan et à présent l’essentiel est le contrôle du gazoduc qui apportera cette richesse sur la Mer noire.

Arrêter les prétentions du président « nationaliste » de Géorgie devenait un impératif pour les dirigeants russes. Si je mets entre guillemets, le lieu commun sur le nationalisme de ce président, c’est pour confirmer avec Denis Collin que le nationalisme est ailleurs. On ne défend pas la Géorgie en exacerbant les différences connus, et avec le soutien des USA qui ne rêvent partout que de l’atomisation du monde. J’insiste, c’est du Mexique que l’on se pose toutes ces questions. Quand les rapports de force changent en Orient, le souffle en arrive jusqu’aux Amériques. Et Chavez, récemment à Moscou, approuva des deux mains la création d’une éventuelle OPEP du gaz ! Le vingtième siècle fut celui du contrôle global du pétrole par les anglo-saxons (avec en face les premières nationalisations au Mexique). L’actuel siècle pourrait être celui du contrôle global du gaz par la Russie (malgré les privations au Mexique). L’Iran tient la clef de la réponse.

Jean-Paul Damaggio


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