LE SABBAT DU CAPITALISME DANS LES RUINES
... Tout un monde s’effondre sous nos yeux : une page de l’histoire se tourne, qui avait commencé après la chute du mur de Berlin. Il y a vingt ans ou presque, le capitalisme, désormais libéré de la menace permanente de l’Est, annonçait qu’on allait voir ce qu’on allait voir : sous les pas triomphants du marché, le règne de la démocratie éternelle et de l’opulence, pour tous et pour chacun, était en marche… On a vu. Et c’est tout vu !
Pendant que quelques poignées d’hommes s’affichent bruyamment et sans vergogne au sommet de l’énorme tas d’ordures - pardon, au sommet de l’énorme montagne de la richesse et de l’argent - , le système s’acharne à sa propre perte. Il est devenu fou. Nous vivons désormais la phase de la maladie sénile du capitalisme.
Depuis quelques semaines, tout l’édifice craque : les institutions, les idées, les politiques, les hommes, les forces, les mots sont sens dessus dessous. Tout est cul par-dessus tête. Un jour, Mme Lagarde déclare qu’il ne s’agit « ni de la crise du libéralisme ni de la crise du capitalisme » (la crise de quoi alors ? La crise de foie du président américain ?) ; mais hier François Fillon assurait que « nous sommes au bord du gouffre » par la faute du « capitalisme dévoyé ». Un jour, le milliardaire George Soros accuse : « Les intégristes du marché ont cru que les marchés allaient s’autoréguler. Erreur ! » Et monsieur s’y connaît…
Les intégristes du marché ? Des noms, des noms ! M. Devedjian, par exemple, chef de l’UMP ? Eh bien le voilà « révolutionnaire » à fond la caisse : « Le système économique mondial est à réinventer. » Mon Dieu, on va avoir des vapeurs dans les salons de Neuilly… D’ailleurs tout cela plonge M. Devedjian dans la stupeur : « Même les Américains nationalisent » !
Et l’État, ce pelé, ce galeux d’où venait autrefois tout le mal et qui entravait la belle foulée du marché : eh bien le voila caressé dans le sens du poil, pour « corriger » tout ce joli monde du capital, et surtout pour cracher au bassinet et boucher les trous qu’ont faits ces messieurs dans les banques…
Quant aux nationalisations à la sauce américaine, elles laissent tout le monde baba : on n’osait même plus utiliser le mot, il était devenu obscène, surtout à gauche, et il suffisait d’un rien pour qu’un dirigeant socialiste, sur un plateau de télévision, vous mette le revolver sur la tempe et vous somme de renoncer à ces vieilleries « collectivistes » et « marxistes ». Ne parlons pas des « idéologues » de droite qui, pour ce péché-là, n’auraient pas hésité à vous exiler en Corée du Nord.
Et pourtant, il faudra bien, pour sortir de l’abîme, reconquérir sur le marché un grand territoire public…
« Rarement la confusion des esprits a atteint un tel niveau », diagnostique M. Devedjian, encore lui, décidément en pleine forme. On ne saurait mieux dire. Les prophètes et les champions du libéralisme manient désormais le concept avec des pincettes : « Nous sommes libéraux et sociaux en même temps », glisse le ministre Xavier Bertrand. À croire qu’il s’inspire du livre de Bertrand Delanoë…
Quant à l’Europe, elle se divise et se déchire. Les fameux critères de Maastricht (que nous avons combattus avec ardeur) sont sur la sellette. Le président en exercice, Nicolas Sarkozy, rame. Pardi : le coeur de la philosophie des dirigeants européens, c’est la liberté de mouvement absolu des capitaux… On voit ce que cela a donné.
Et le symptôme modeste du grand chambardement est peut-être contenu dans les données de ce sondage pour le Figaro : 59 % des Français estiment qu’« il faut changer profondément le système capitaliste ». : En somme, il faut une révolution…
Autre article sur un sondage du même type :
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