29 novembre 1802 Pendaison de Solitude, combattante anti-esclavage

jeudi 30 novembre 2023.
 

En 1772, une petite fille conçue au cours du voyage sans retour de Gorée à l’enfer de l’esclavage aux Antilles, vient au monde en Guadeloupe. Un bébé né du viol de sa mère par un marin français.

Rosalie, une petite métisse, bien mal aimée et abandonnée. Mais le désamour souvent forge des caractères trempés.

Rosalie passe de maitre en maitresse. Vendue, revendue, jamais défaite, elle s’invente une identité. Elle devient Solitude.

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Lorsqu’en février 1794, la Convention jacobine vote enfin l’abolition de l’esclavage, son maitre, le chevalier Dangeau, prend la fuite. Les propriétaires blancs n’ont pas tous, c’est peu de le dire, accueilli avec enthousiasme l’idée de voir partir une main d’œuvre si bon marché ! La lutte ne fait que commencer, malgré la force de la loi. Solitude, habitée de rêves de révolte, rejoint la communauté marron des hauteurs de Goyave. Sa liberté et sa citoyenneté française toutes neuves lui donnent même le droit d’aimer Maimouni, un garçon tout juste arrivé d’Afrique.

1802 arrive vite, et Napoléon rétablit la traite et l’esclavage. Un certain général Richepanse est envoyé aux îles pour restaurer l’ordre, mis à mal par tous ces « nègres bien ingrats », lesquels d’ailleurs, ayant goûté à la liberté, n’entendent pas retomber en servitude sans combattre. Louis Delgrès prend la tête de la rébellion. Solitude est de toutes les luttes. Pourtant enceinte, elle se bat avec acharnement. Elle se bat pour que l’enfant qu’elle porte naisse libre. Le 28 mai 1802, les derniers rebelles préfèrent se faire exploser dans le fort Saint-Claude que de capituler devant les soldats français. Solitude s’échappe avant d’être capturée au cours d’une battue. Condamnée à la pendaison, elle ne va être exécutée que le 29 novembre, au grand mât du supplice, en criant : « Vivre libre ou mourir ! ». Au lendemain de la naissance de son fils, aussitôt revendu à un colon. Il aurait été stupide de laisser perdre cette future force de travail…

Aujourd’hui, au Sénat, au-dessus du siège de Victor Schoelcher, qui abolit pour toujours l’ignominie de l’esclavage en France, se trouve une statue. Celle de la Mulâtresse Solitude, une femme de courage, une « fanm doubout », devenue une légende.

Vous connaissez Solitude ?

Esclave d’une plantation guadeloupéenne, elle n’accepta ni son nom de baptême, ni la vie de servitude qu’on lui destinait. Son nom résonne encore comme un symbole de la lutte contre l’esclavage : Solitude, « la fanm doubout », la résistante, la guerrière. Oui, il y a encore plus inconnu que l’esclave qui lutte pour la liberté : sa femme.

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En 1772, sa mère est violée par les marins sur le bateau négrier qui la déporte de son Afrique natale vers les Antilles où elle vivra esclave sous le nom de Babette. Les viols collectifs sont une habitude sur les bateaux négriers, d’autant plus que les nouveaux-nés sont des plus-values pour ce trafic extrêmement rémunérateur.

Une fois en Guadeloupe, sa mère met au monde une petite Rosalie, qu’on surnomme "la Mulâtresse" à cause de sa peau claire.

Rosalie grandit sur une plantation, un système économique né du massacre des tribus amérindien·nes des Antilles par les colons européens pour cultiver des monocultures (canne à sucre, café, tabac, cacao) en important des centaines de milliers d’Africain·es réduit·es à l’esclavage. Une plantation, c’est aussi une organisation sociale très hiérarchisée. Esclave, fille d’esclave, mulâtresse, Rosalie se trouve tout en bas de l’échelle, exclue de tous côtés.

La société de plantation ne se fie qu’aux lois du marché. La violence est un coût nécessaire qu’on inclut au bilan comptable. Le coût d’un esclave est amorti au bout de 4 ans. Après, sa vie n’a de valeur que s’il peut encore travailler. C’est à ce prix que l’on mange du sucre en Europe.

Les premiers soulèvements d’esclaves sont réprimés dans le sang mais font naître les "nègres marrons", des esclaves qui ont fui les plantations pour s’organiser en petites communautés clandestines au cœur des forêts et dans les montagnes. Dans les zones les plus reculées, des résistances s’organisent.

Au début des années 1790, la traite négrière atteint son point culminant. Plus de 100 000 captif·ves sont déporté·es chaque année. On ne peut jamais soumettre un autre humain totalement, on ne peut le réduire à un prolongement de sa propre volonté ; il y a toujours des résistances, toujours des luttes.

Saint Domingue devient une véritable poudrière : l’île est prête à faire exploser tout le système esclavagiste. Les conflits se multiplient sur les côtes africaines et dans les ports de commerce européens. Sur chaque île, des hommes et des femmes se dressent contre leurs oppresseurs. Un vent de liberté souffle. C’est le début d’une grande vague révolutionnaire qui va balayer tout le système des plantations.

A l’époque, la population de Guadeloupe est composée de 100 000 esclaves, 14 000 Blancs, quelques affranchis. Rosalie rejoint la communauté marronne retranchée dans les mornes de Goyave, dirigée par Moudongue Sanga. Ni tout à fait noire, ni tout à fait blanche, elle réussit à y prendre sa place et préfère à son nom de baptême le nom de Solitude.

La Convention décrète finalement l’abolition de l’esclavage en février 1794 - 5 ans après avoir consacré le principe selon lequel "les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit" (et il faudra encore attendre pour que cela s’applique aux femmes)...

Solitude redresse la tête et se met à croire que le temps de la liberté est venu. Les Noir·es, libéré·es de leurs chaînes, vont pouvoir prétendre à une autre vie qu’une vie de servitude.

Lorsqu’en 1802 Napoléon Bonaparte envoie l’armée sur l’île pour rétablir l’esclavage, Solitude se rallie à l’appel de Louis Delgres et prend les armes pour "s’affranchir définitivement de l’esclavage". Le 8 mai, après 18 jours d’un combat inégal, 300 insurgé·es se retranchent dans un manoir. Pour défendre jusqu’au bout cette cause et préférant "la mort plutôt que l’esclavage", ils font exploser ce bastion de résistance à l’approche de l’armée. Solitude survit et est arrêtée. Enceinte, elle bénéficie d’un sursis jusqu’à la naissance de son enfant… destiné à l’esclavage. Elle est pendue le lendemain. Elle avait 30 ans.

On raconte qu’une foule immense l’a accompagné à la potence. On raconte aussi que la répression qui s’est abattue sur l’île par la suite a été particulièrement sanglante. 46 ans plus tard, l’esclavage sera définitivement aboli sur l’île.

Figure historique et emblème de la révolte, Solitude incarne un double combat : celui des esclaves et celui des femmes pour la liberté et l’égalité.


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