Des fonctionnaires dont ce n’est pas le travail ont dénoncé une famille de sans-papiers à Paris… Comment jugez-vous ce phénomène ?
Jean-Pierre Dubois. Il s’agit d’un signe supplémentaire d’une tendance que nous constatons depuis déjà un moment. C’est-à-dire des pressions sur les fonctionnaires dans certains cas, des gens qui collaborent à des actions qui nous apparaissent inacceptables dans d’autres, plus rares heureusement… C’est un climat qui ne sent pas très bon, dans lequel il n’est plus impensable de dénoncer. Nous considérons que la délation n’est pas compatible avec un climat civique sain. Il y a probablement un dérapage personnel, mais aussi une certaine atmosphère : pressions, circulaires, consignes adressées à des directeurs d’école, des travailleurs sociaux ou des inspecteurs du travail… Ces exemples ne sont pas nouveaux et s’accumulent depuis 18 mois.
Y a-t-il un point commun entre ces actes et le renforcement du contrôle social ?
J.-P. D. Le point commun, c’est que des personnes appartiennent à des groupes, stigmatisés et surveillés ou discriminés, avec des formes différentes. Il y a un aspect du contrôle social qui passe totalement inaperçu, et qui le renforcement du contrôle des chômeurs. Notamment certains éléments du contrôle du train de vie, qui sont absolument scandaleux. Si vous êtes au chômage et propriétaire de votre voiture, vous êtes quasiment considéré comme un faux chômeur. Il s’agit vraiment d’un dérapage. Le point commun, c’est aussi une sorte de nouvelle classe dangereuse. Si vous êtes sans papiers, chômeur, en situation sociale fragile, vous êtes quelqu’un de dangereux qu’il faut surveiller de près.
Pensez-vous que cette surveillance accrue s’inscrive dans une construction politique d’un « ennemi intérieur » ?
J.-P. D. Je ne crois pas qu’il y ait un complot politique… Je pense simplement que la régression de l’État social, les discours populistes et xénophobes finissent par créer des logiques de dégradation de la démocratie. Au bout d’un moment, à force de remplacer le social par le pénal, des personnes qu’il faudrait aider sont au contraire pointées du doigt. À partir de là, toute une série de mécanismes se met en place. Pour ma part, la « construction politique » de « l’ennemi intérieur » appartient à une vieille phraséologie... En revanche, il est vrai que l’on remplace de plus en plus le social par du pénal. Et du coup, nous avons un ensemble de gens qui sont traités comme un ennemi intérieur.
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