Portrait de militant de gauche en Israël : Ibtisam Mara’ana

mardi 20 janvier 2009.
 

Ibtisam Mara’ana est une cinéaste arabe-israélienne originaire du village arabe de Phardis, en Israël.

Ses documentaires se concentrent sur la condition des femmes arabes en Israël et plusieurs ont déjà été primés. A son retour du festival d’IDFA d’Amsterdam (l’un des plus prestigieux), où elle présentait son dernier film, Lady Kul el Arab, elle a été approchée par le parti Meretz pour intégrer leur liste électorale qui tâche de rassembler la gauche en vue des élections. Meretz est un parti de gauche sioniste. Pendant des années, il fut celui qui rassemblait la jeunesse israélienne artiste et bourgeoise-bohème. Meretz a aujourd’hui 5 sièges sur 120 à la Knesset, et cherche à se renouveler.

Comment en êtes-vous arrivée à accepter la proposition de Meretz ?

Je n’avais jamais voté avant pour un quelconque parti à la Knesset... A mes yeux, leur position sur la question des femmes était toujours insuffisante. Meretz m’a demandé de les rejoindre comme femme, comme cinéaste, comme arabe-israélienne. J’ai pensé que j’aurais l’occasion de faire entendre ces voix au parlement, alors j’ai accepté d’être la douzième sur leur liste. Ils ont un programme très fort du point de vue social et économique, ils veulent en finir avec l’occupation, veulent l’égalité entre Arabes et Israéliens... D’après moi, la gauche en Israël doit d’abord mettre en avant ces valeurs de dialogue, qui sont celles de la paix. La guerre n’est jamais bonne pour les pauvres. Quand l’argent part pour l’armée, il n’est pas investi dans l’éducation ou les plans sociaux. Alors leur programme me plaisait. Et oui, beaucoup d’Arabes-Israéliens étaient furieux que je rejoigne un parti sioniste. Mais moi, les bannières je m’en fiche. Les partis arabes manifestent sous le drapeau palestinien mais ne manifestent jamais pour dénoncer les crimes contre les femmes.

Pourquoi avez-vous depuis quitté le parti ?

Quand la guerre a commencé, Meretz s’est prononcé pour la guerre. Et une fois la guerre commencée, Mertz est resté silencieux quand l’armée a tué des civils. Ensuite, quand des gens dans la droite israélienne ont dit que les Arabes-Israéliens étaient des traîtres, ils n’ont rien dit non plus... Qu’est-ce que je peux dire aux Arabes-Israéliens ? Comment je peux me faire la porte-parole d’un parti pareil ? Je les croyais à gauche, ils sont le centre sioniste. Ils m’ont montré leur vrai visage et je ne pouvais pas en faire partie. Où étaient-ils depuis huit ans que les roquettes tombent sur le sud d’Israël ? Avant, tout le monde s’en fichait pas mal, du Sud. Mais voyez, grâce à la guerre, Barak grimpe dans les sondages ! Aujourd’hui, s’il y avait des élections, il aurait 18 sièges au Parlement, au lieu des 12 que les sondages d’avant la guerre lui prévoyaient.

Pourquoi est-ce si difficile d’exprimer une opinion contre la guerre ?

Le pays est de plus en plus à droite. La propagande des médias ne dit qu’une chose : la guerre est la solution, pas le dialogue. Et pourtant l’organisation terroriste du Hamas est montée au pouvoir parce que personne ne voulait parler avec le Fatah. Moi, ils m’ont appelé de la radio et de la télévision pour que je leur donne mon opinion, qui est à la fois contre la guerre et contre le Hamas. Et puis ils ont dit qu’ils rappelleraient, qu’ils n’avaient pas le temps d’antenne, puis ils n’ont pas rappelé, et enfin ils se sont excusés : pas le temps... C’est si sexy de parler de la guerre, des victimes du Sud et de l’effort national ! Beaucoup plus qu’une pensée contestataire et complexe. J’aimerais qu’il y ait en Israël un parti vraiment de gauche, qui représente toutes les minorités israéliennes que les ashkénazes blancs regardent en silence : les femmes, les séfarades, les Arabes... Nous avons besoin d’une alternative.


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