Capitalisme, abominations et autodestruction

mercredi 7 février 2018.
 

- 3) La Société autophage. Capitalisme, démesure et autodestruction

- 2) Karl Marx – Pourquoi le capitalisme est voué à l‘autodestruction

- 1) L’autodestruction du Capitalisme

3) La Société autophage. Capitalisme, démesure et autodestruction

A lire La Société autophage. Capitalisme, démesure et autodestruction Anselm Jappe La Découverte, 246 pages, 22 euros

La société autophage part de l’analyse de la valeur de la marchandise formulée par Marx. Le philosophe Anselm Jappe privilégie sa dimension subjective.

Selon le philosophe Anselm Jappe, c’est la dimension économique qui a été privilégiée par les «  marxistes traditionnels  » dans l’analyse de la valeur de la marchandise. L’auteur poursuit son étude dans le prolongement de celles de Guy Debord et de l’école de Francfort en confrontant la pensée de Marx à celle de philosophes, de sociologues (Descartes, Kant, Hobbes, Rousseau, Sade, Schopenhauer, Marcuse…) et notamment aux écrits de Freud et des diverses écoles de la psychanalyse.

Il étudie plus particulièrement le concept de narcissisme. Pour Freud, le narcissisme – «  l’amour de soi, de son corps  » – est une pathologie inhérente à la nature humaine. Pour d’autres penseurs, c’est la société qui forge l’être humain.

Anselm Jappe affirme que «  chacune des deux hypothèses a conduit historiquement à la violence et jusqu’au totalitarisme  ». Il partage la démarche de Christopher Lasch, qui considère certes que «  les pulsions agressives et libidinales se retrouvent en tout lieu et à toute époque, en toute culture et société  », mais que «  l’environnement favorise une direction ou une autre  ». Or «  la soumission toujours croissante de la vie à la tyrannie économique (…) », « l’esprit de concurrence et l’affirmation du moi isolé au détriment de ses liens sociaux caractérisent toute la modernité capitaliste  ». Le narcissique «  reproduit cette logique dans son rapport au monde  ».

À son stade actuel, «  le capitalisme a entraîné une véritable régression anthropologique  ». Pour Jappe, on assiste à une «  infantilisation  » des individus (avec l’image qui se substitue à l’écrit), à «  une standardisation de l’imaginaire  », à une «  décivilisation  », à une «  barbarisation  » de la société. Les viols, les incestes, les massacres collectifs se multiplient, révélateurs de cette «  pulsion de mort  » qu’entraînent le règne de la concurrence et sa disposition à détruire «  l’autre  ». «  La nouvelle économie psychique est l’idéologie de marché  ». «  Que faire de ce mauvais sujet  ?  »

Pour l’auteur, le «  mauvais sujet  » n’est pas tel ou tel individu, tel ou tel patron. Il précise  : «  Nous avons refusé l’idée d’une société marchande nettement divisée entre dominants et dominés, coupables et victimes.  » Le mauvais sujet, c’est le «  sujet de la société marchande  », sa loi de la valeur «  qui préformate ce que l’individu peut faire  ». Selon lui, tous les individus. Les «  patrons  » n’étant que les fonctionnaires de ce système qui enferme les individus dans une «  servitude volontaire  ». c’est la nature même du système capitaliste qu’il faut changer et non tel ou tel dirigeant

Ici pointe ce qui constitue un des aspects discutables du raisonnement d’Anselm Jappe. Il faut, certes, comme il le préconise, travailler les consciences, informer, montrer que c’est la nature même du système capitaliste qu’il faut changer et non tel ou tel dirigeant, mais négliger la dimension économique et faire l’impasse sur les luttes mêmes partielles, c’est sous-estimer la mal-vie et se condamner à l’échec. C’est en effet dans les luttes que progressent le plus les consciences et non dans la seule pédagogie.

Il ne faut pas sous-estimer les effets corrupteurs de la société marchande et Anselm Jappe a raison de nous mettre en garde contre ses pièges, mais de là à considérer que nous avons tous intériorisé les contraintes imposées par le capitalisme et que nous sommes tous «  intégrés  », il y a un pas. Enfin, contrairement à ce qu’affirme l’auteur, il y a des exploiteurs, qui possèdent les moyens de production et d’échange, et des exploités. Ces derniers sont même de plus en plus nombreux. Ne pas s’appuyer sur les classes et couches sociales exploitées, c’est se condamner à l’impuissance. Par-delà ces réserves, cette étude est stimulante.

Bernard Deschamps, L’Humanité

2) Karl Marx – Pourquoi le capitalisme est voué à l‘autodestruction

Source : https://info.arte.tv/fr/karl-marx-p...

Karl Marx était un ardent défenseur du communisme. Ce qu’il a vu dans les usines de Manchester à l’époque de l’industrialisation de l’Angleterre l’a convaincu de la chute inéluctable du système capitaliste. Toutefois, lorsqu’on lit ses écrits de l’époque, on constate qu’il se consacrait moins au communisme qu’à ce système économique capitaliste qu’il méprisait tant. Avec précision et méthode, Karl Marx explique comment le capitalisme génère pauvreté et détresse sociale – et pourquoi ce système est voué à disparaitre.

Tout comme Adam Smith et David Ricardo, Karl Marx considère que la valeur d’une marchandise se mesure à la quantité de travail nécessaire pour la produire. La force de travail investie dans la production d’un bien est rétribuée par l’employeur sous forme d’un salaire. A l’époque de l’industrialisation, de nombreux ouvriers étaient en recherche d’embauche et la concurrence entre les demandeurs d’emploi était telle que les ouvriers devaient se résoudre à accepter des salaires à la limite du seuil de pauvreté. Les ouvriers étaient placés devant un choix simple : soit un travail mal payé, soit le chômage. Et quand un ouvrier produit plus que la valeur du salaire qui lui est versé en Le profit dont il est question ici n’est rien d’autre qu’une désignation différente de la valeur ajoutée.

rétribution de son travail, l’ouvrier ne réalise pas de plus-value. Cette plus-value, ce que l’on appelle aussi la valeur ajoutée, c’est l’employeur qui en profite. Cette notion du profit est essentielle dans le système capitaliste : sans profit, l’employeur ne ferait pas d’affaires et renoncerait à la production.

Or, on sait que le profit ne peut être réalisé que grâce au travail réalisé par l’homme. Par contre, une machine ne peut réaliser de valeur ajoutée. La performance productive d’une machine est transmise telle quelle sur le produit. En outre, on ne peut exploiter une machine. L’équivalent du salaire pour un ouvrier, c’est le prix d’achat ou de location de la machine. Mais nous n’obtenons pas là un mécanisme qui permet au travail salarié de réaliser chaque jour une valeur ajoutée. La machine est vendue ou louée au propriétaire de l’usine à un prix qui correspond exactement à la valeur qu’elle est en mesure de produire.

Les coûts de production d’une marchandise résultent exactement de ces deux composantes : les coûts salariaux d’une part et les coûts fixes générés par les matériels et machines. Au cours du processus d’industrialisation, la répartition des coûts évolue : les machines reprennent progressivement le travail aux ouvriers. Cela nécessite des investissements supplémentaires, la part des coûts fixes augmente donc pour représenter un pourcentage très important des coûts totaux. Dans une entreprise artisanale, on compte 70% de coûts pour le matériel, auxquels s’ajoutent 30% de coûts salariaux. Dans une entreprise hautement mécanisée, 90% des coûts sont des coûts fixes alors que les coûts salariaux ne représentent que 10% des coûts de production. Sachant toutefois que le travail est le seul facteur à même de réaliser de la valeur ajoutée, le capitalisme scie lui-même la branche sur laquelle il est assis : l’entreprise investit de plus en plus dans des machines pour rester concurrentielle, alors que ces machines sont incapables de produire de la valeur ajoutée. En conséquence, l’entrepreneur voit son profit se réduire au fur et à mesure que la part des coûts fixes augmente dans ses coûts de production.

1) L’autodestruction du Capitalisme

Après le renversement des gouvernements communistes de l’Europe de l’est, le capitalisme a été brandi comme l’invincible système qui apporte prospérité et démocratie, le système qui allait s’imposer jusqu’à la fin des temps.

Cependant, la crise économique actuelle a fini par convaincre même quelques éminents partisans du libre marché qu’il y a quelque chose qui cloche sérieusement. En vérité, le capitalisme n’a pas encore réglé ses comptes avec plusieurs forces historiques qui le gênent en permanence : la démocratie, la prospérité, et le capitalisme lui-même, cette entité que les dirigeants capitalistes prétendent promouvoir.

Ploutocratie contre Démocratie

Commençons par la Démocratie. Aux Etats-Unis on nous dit que capitalisme et démocratie sont étroitement liés, d’où le terme « démocraties capitalistes ». En fait, tout au long de notre histoire les rapports entre démocratie et capitalisme ont été largement antagonistes. Il y a environ 80 ans, le juge de la Cour Suprême Louis Brandeis faisait le commentaire suivant : « Dans ce pays, nous pouvons avoir soit la démocratie, soit une grande concentration de richesse entre les mains d’une minorité, mais pas les deux. » Les intérêts d’argent ont été des adversaires et non des partisans de la démocratie.

La Constitution elle-même a été rédigée par des hommes de bonne famille influents qui se sont réunis à Philadelphie en 1787 pour répéter leurs mises en garde contre les effets néfastes et égalitaires de la démocratie. Le document qu’ils ont rédigé était lui-même loin d’être démocratique, rempli de contrôles, vetos et exigences requis auprès de majorités supérieures artificielles, un système destiné à étouffer la volonté populaire.

Au début de la République, les riches et l’élite ont imposé la condition d’être propriétaire pour avoir le droit de vote ou d’être élu. Ils s’opposaient à l’élection directe des candidats (notez que leur systède Collège Electoral est encore en place - (Rappel : le président US des US est élu par un suffrage indirect - NdT). Et pendant des décennies, ils ont résisté à l’extension de ces droits aux groupes moins favorisés tels que les travailleurs sans propriété, les immigrés, les minorités raciales et les femmes.

Les forces conservatrices d’aujourd’hui continuent de rejeter des modes de scrutin plus équitables tels que le proportionnel, le mode de scrutin préférentiel ainsi que le financement public des campagnes électorales. Ils continuent de dresser des barrières au vote, soit par des procédures d’inscription sur les listes électorales qui sont exagérément sévères, par les radiations d’électeurs des listes, par des bureaux de vote inadaptés et des machines à voter électroniques qui n’arrêtent pas de se « tromper » en faveur des candidats les plus conservateurs.

Il arrive que les classes dirigeantes censurent les publications radicales et répriment les manifestations populaires, en recourant aux descentes de police, aux arrestations, aux emprisonnements - sévèrement appliqués récemment contres les manifestants à St Paul, Minnisota, lors de la Convention Nationale Républicaine.

La ploutocratie conservatrice tente aussi de saper les avantages sociaux de la démocratie, tels l’éducation nationale, les logements aux loyers modérés, le système de santé, les conventions collectives, les salaires décents, la sécurité au travail, un environnement sain ; le droit à la vie privée, la séparation de l’église et de l’état, le droit à l’avortement, et le droit de se marier avec tout adulte consentant de son choix.

Il y a environ cent ans, le dirigeant syndical Eugène Victor Debs avait été jeté en prison pendant une grève. Depuis sa cellule il n’a pas pu s’empêcher d’arriver à la conclusion que dans les conflits entre deux secteurs privés, le capital et le travail, l’état n’était pas un arbitre neutre.

La force de l’état - avec sa police, ses milices, ses tribunaux et ses lois - était sans équivoque du côté des patrons. A partir de là , Debs a conclu que le capitalisme n’était pas seulement un système économique mais tout un ordre social qui faussait le jeu de la démocratie pour favoriser les riches.

Les dirigeants capitalistes se posent en promoteurs de la démocratie même lorsqu’ils la subvertissent, non seulement ici mais à travers l’Amérique latine, l’Afrique, l’Asie et le Moyen Orient. Toute nation qui ne propose pas un « cadre favorable aux investissements », qui tente de consacrer ses terres, sa main d’oeuvre, son capital, ses ressources naturelles et ses marchés à son propre développement, en dehors de la domination des multinationales, court le risque de se voir diabolisée et ciblée comme « une menace pour la sécurité nationale des Etats-Unis ».

La Démocratie devient un problème pour l’Amérique des multinationales non pas quand elle échoue mais quand elle fonctionne trop bien, permettant à la population d’avancer vers un ordre social plus juste et supportable, en réduisant le fossé, même modestement, entre les super riches et le reste de la population. Alors la démocratie doit être détournée et subvertie, entachée de désinformation, d’hyper médiatisations, (media puffery), par des sommes exorbitantes dépensées lors des campagnes électorales ; par des résultats de scrutins truqués, un public plus ou moins impuissant et par de pseudo victoires électorales attribuées à des candidats plus ou moins politiquement acceptables.

Capitalisme contre Prospérité

Les grands capitalistes n’encouragent pas la prospérité pas plus que la démocratie. La majorité de la planète est capitaliste, et la majorité de la planète n’est ni prospère ni particulièrement démocratique. Il suffit de penser au capitaliste Nigeria, capitaliste Indonésie, capitaliste Thaïlande, capitaliste Haïti, capitaliste Colombie, capitaliste Pakistan, capitaliste Afrique du Sud, capitaliste Latvia, et divers membres du Monde Libre ou, plus être plus précis, du Marché libre.

Une population qui serait prospère, politiquement éduquée et très exigeante quant à son niveau de vie, qui défendrait ses droits et pousserait à l’amélioration des conditions sociales n’est pas exactement l’idée que les multinationales se font d’une main d’oeuvre idéale et corvéable. Les investisseurs capitalistes préfèrent les populations pauvres. Plus elles sont pauvres, plus elles travailleront dur pour gagner moins. Plus elles sont pauvres, moins elles sont capables de se défendre contre les abus.

Dans le monde du « libre commerce » des multinationales, le nombre de milliardaires augmente à une vitesse jamais connue jusqu’à présent tandis que le nombre de personnes dans la misère augmente plus vite que la population mondiale. La misère se répand lorsque la richesse s’accumule.

Prenons les Etats-Unis. Au cours huit dernières années seulement, tandis que des vastes fortunes ont surgi à une vitesse record, six millions d’Américains supplémentaires sont tombés en dessous du seuil de pauvreté ; le revenu moyen par foyer a baissé de plus de 2.000 dollars ; l’endettement des ménages a plus que doublé ; plus de sept millions d’Américains ont perdu leur assurance santé, et plus de quatre millions ont perdu leur retraite ; pendant ce temps, le nombre de SDF a augmenté et les saisies de maisons pour défaut de paiement se sont généralisées.

Il n’y a que dans les pays où le capitalisme a été quelque peu bridé par une social-démocratie que la population a pu se garantir une certaine prospérité ; les pays du nord de l’Europe comme la Suède, la Norvège, la Finlande, le Danemark viennent à l’esprit. Mais même dans ces social-démocraties, les avancées sociales courent le risque d’une remise en cause.

Attribuer au capitalisme le génie de la prospérité économique constitue une ironie, alors que la plupart des tentatives d’améliorer le bien-être matériel ont été combattues avec acharnement par la classe capitaliste, et parfois avec violence. L’histoire des luttes sociales nous fournit d’innombrables exemples.

Si la vie est encore supportable sous l’actuel ordre économique US, c’est parce que des millions de gens ont mené d’âpres luttes de classe pour améliorer les conditions de vie et obtenir leurs droits en tant que citoyens, distillant ainsi une certaine dose d’humanité dans un ordre politico-économique par ailleurs insensible.

Un monstre qui s’autodétruit.

L’état capitaliste remplit deux fonctions reconnues depuis longtemps par les politologues. Premièrement, comme tout état, il doit fournir des services qui ne peuvent être fournis de manière fiable par le secteur privé. Deuxièmement, l’état capitaliste protège les possédants contre les démunis, garantissant la poursuite du processus d’accumulation de capital au profit des intérêts financiers tout en étouffant les exigences de la population, ainsi que Debs l’avait observé dans sa cellule.

Il y a une troisième fonction dévolue à l’état capitaliste qui est rarement évoquée. Elle consiste à empêcher le système capitaliste de s’autodétruire. Karl Marx avait souligné cette contradiction fondamentale : la tendance à la surproduction et aux crises des marchés. Une économie qui va de plus en plus vite, qui réduit de plus en plus les salaires, qui fait travailler plus pour gagner encore moins (tiens, tiens… Ndt), va droit dans un mur. Afin de maximiser les profits, les salaires doivent être compressés. Mais il faut bien que quelqu’un achète les biens et les services produits. Et pour cela, il faudrait maintenir le niveau des salaires. Il existe une tendance chronique - comme aujourd’hui - à la surproduction des biens fabriqués par le secteur privé et une sous-consommation des biens de nécessité par la population salariée.

De plus, ce qu’on ignore souvent, l’autodestruction du système est l’oeuvre des capitalistes eux-mêmes. Laissé sans surveillance, le secteur le plus actif du système financier s’empresse de dévorer les secteurs moins organisés.

Au lieu de tenter de gagner de l’argent par un travail de production et de commercialisation de biens et services, les maraudeurs se branchent directement sur les flux monétaires de l’économie elle-même. Pendant les années 90, nous avons assisté à l’effondrement total d’une économie en Argentine lorsque des capitaliste sans entraves ont dépouillé les entreprises, empoché de vastes sommes d’argent, et quitté le pays en laissant derrière eux une industrie en lambeaux. L’état argentin, gavé d’idéologie libérale, a failli à son devoir de protéger le capitalisme des capitalistes.

Quelques années plus tard, aux Etats-Unis, on a assisté à un pillage multimilliardaire perpétré par les conspirateurs de chez Enron, WorldCom, Harkin, Adelphia et des dizaines d’autres compagnies géantes. Des joueurs comme Ken Lay ont réussi à ruiner des entreprises jadis florissantes et rayer les emplois et les économies de milliers d’employés afin d’empocher quelques milliards supplémentaires.

Ces escrocs ont été jugés et condamnés. Ne serait-ce pas la démonstration que le capitalisme est capable de s’autoréguler ? Pas vraiment. Ces procès - qui sont arrivés trop tard de toute façon - sont à mettre au compte de la démocratie et non du capitalisme. Par essence, le marché libre est un système amoral, sans foi ni loi à part celle de « caveat emptor » (expression latine signifiant « que l’acheteur soit vigilant »- NdT).

Lors de la crise de 2008-2009, le surplus financier a crée un problème pour la classe fortunée : il n’y avait plus assez d’opportunités pour investir. Les grands investisseurs avaient de l’argent à ne plus savoir qu’en faire. Ils ont alors versé d’immenses sommes sur des marchés immobiliers fictifs et autres aventures hasardeuses, dans les rusés hedge funds, dans des produits dérivés, dans du leveraging, que sais-je encore.

Parmi leurs victimes, on comptait d’autres capitalistes, de petits investisseurs et les nombreux travailleurs qui ont perdu des milliards de dollars d’économies et de retraites. Le prince des voleurs était probablement Bernard Madoff. Décrit comme « un des plus brillants depuis longtemps dans le domaine de la finance », Madoff avait monté un fonds d’investissement frauduleux qui a prélevé 50 milliards de dollars chez de riches investisseurs, qu’il payait avec de « l’argent qui n’existait pas », selon ses propres termes. La ploutocratie dévore ses propres enfants.

Au sein de la crise, lors d’une audition devant le Congrès (US) en octobre 2008, l’ancien président de la Réserve Fédérale et adepte du libéralisme Alan Greenspan a avoué qu’il s’était trompé en pensant que le système - soumis aux énormes tensions d’un immense capital accumulé qui ne cherchait qu’à être investi - finirait par s’autodiscipliner.

La théorie classique du laisser-faire est encore plus ridicule que ne le laisserait entendre les propos de Greenspan. En fait, cette théorie dit que tout le monde devrait agir selon ses propres intérêts et sans entraves. Cette compétition débridée est censée générer un maximum de profits pour tous parce que le marché libre est gouverné par une douce et magique « main invisible » qui optimiserait le résultat collectif. (« La cupidité est une chose positive »)

La crise de 2008-2009 a-t-elle été provoquée par la tendance à la surproduction et l’hyper accumulation financière, comme aurait dit Marx ? Ou est-elle le résultat de la cupidité de certains individus tels que Bernard Madoff ? En d’autres termes, s’agit-il d’un problème de système ou d’individus ? En réalité, les deux à la fois. Le capitalisme génère ses prédateurs et récompense ceux qui ont le moins de scrupules. Les crimes et les crises ne sont pas les dérapages absurdes d’un système qui serait rationnel, mais l’inverse : ce sont les conséquences logiques d’un système fondamentalement absurde et amoral.

Pire encore, les sauvetages en cours de plusieurs milliards de dollars versés par le gouvernement sont en train d’être à leur tour transformés en opportunités pour un nouveau pillage. Non seulement l’état échoue dans son rôle de régulateur, mais il devient lui-même la source du pillage en extirpant de vastes sommes des caisses de l’état, en saignant au maximum les contribuables.

Ceux qui critiquent « l’état providence » sont les premiers bénéficiaires de la providence de l’état. Les grandes sociétés américaines ont toujours bénéficié d’aides, de prêts avantageux et autres subventions d’état et fédéraux en tous genres. Mais l’opération de « secours » de 2008-2009 a constitué un pillage de l’argent public comme on n’en avait jamais connu. Plus de 350 milliards de dollars ont été distribués par un Ministre des finances de droite en fin de mandat aux plus grandes banques et sociétés financières et sans aucun contrôle - sans parler des 4 mille milliards sortis de la Réserve Fédérale. La plupart des banques, dont LPMorgan Chase et Bank of New York Mellon, ont déclaré qu’elles n’avaient aucune intention de divulguer la destination des sommes perçues.

Ce que l’on sait, c’est que les grandes banques ont utilisé une partie des sommes pour racheter de plus petites banques et créer des banques à l’étranger. Les PDG et hauts cadres sont en train de dépenser l’argent dans de fabuleuses primes et des séjours luxueux de thalasso. Pendant ce temps, les gros bénéficiaires des aides comme Citigroup et Bank of America ont licencié des dizaines de milliers d’employés, ce qui nous fait poser la question suivante : pourquoi leur a-t-on versé ces sommes ?

Tandis que ces centaines de milliards sont en train d’être distribués aux auteurs de la catastrophe, le marché de l’immobilier continue de s’effriter, le crédit de se paralyser, le chômage d’augmenter et la consommation des ménages de plonger vers de nouvelles profondeurs.

En résumé, le capitalisme libéral est par nature synonyme de désastre à venir. Il est dans sa nature profonde que de transformer la nature vivante en un tas de biens de consommation et les biens de consommation à leur tour en un tas de capital inerte. Sans contrôle, le capitalisme déverse ses surplus et ses déchets sur le public et l’environnement - et tôt ou tard commence à s’autodétruire.

Dans une société capitaliste, les immenses inégalités en termes de pouvoir économique se répercutent en immenses inégalités en termes de pouvoir politique, ce qui rend la mise en place de régulations de plus en plus difficile.

Si les preux chevaliers du Capitalisme veulent vraiment savoir ce qui menace « notre mode vie », c’est leur mode de vie à eux, leur braconnage de leur propre système, leur destruction des fondations sur lesquelles ils reposent, c’est-à -dire la communauté sur le dos de qui ils se gavent.

Michael Parenti

http://civillibertarian.blogspot.co....

Traduction Le Grand Soir

URL de cet article 9859

https://www.legrandsoir.info/L-auto...


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message