Le droit de disposer de son corps et le droit à l’égalité

samedi 28 février 2009.
 

par Françoise Laurant, présidente du Mouvement Français pour le Planning Familial depuis 2000 – maître de conférences à l’université Pierre Mendès-France de Grenoble – adjointe au maire de Grenoble (1995-2001) – chargée de mission au Secrétariat d’État aux droits des femmes (1989-1991)

Le planning familial est connu pour sa lutte pour le droit à l’avortement et plus largement pour le droit à la sexualité libre et responsable pour les femmes comme pour les hommes. Est-il encore nécessaire de se mobiliser pour ces causes en 2009 ?

L’histoire des luttes du Mouvement Français pour le Planning Familial est marquée par la loi Neuwirth, en décembre 1967, sur le droit à la contraception, et la loi Veil, en janvier 1975, sur le droit à l’avortement.

Ces deux lois ont transformé la vie des femmes et des hommes de la deuxième moitié du 20e siècle. Mais l’image du MFPF est encore trop souvent réduite à ces deux luttes, et à ces deux revendications. Pourtant, ses pratiques ont été très rapidement celles d’un mouvement d’éducation populaire. Accueillir le public, l’écouter, l’informer étaient la base de ces activités.

C’est ainsi que l’on trouve dans les statuts du mouvement sa définition de mouvement d’éducation populaire, puis la lutte pour créer les conditions d’une sexualité vécue sans répression ni dépendance, dans le respect des différences, de la responsabilité et de la liberté des personnes. Et ce n’est qu’à la suite que sont inscrits les droits à la contraception et à l’avortement.

Or, la loi sur le droit à l’avortement n’est toujours pas appliquée correctement, toutes les femmes n’ont pas les mêmes droits à l’avortement, l’avortement est toujours tabou. Il faut lutter contre la culpabilisation, explicite ou implicite, des femmes qui demandent une IVG.

Le droit à une sexualité libre et responsable n’est pas reconnu par tous et toutes. De nombreuses recherches démontrent, d’ailleurs, que cette non-légitimité de la sexualité est la cause des difficultés de prévention pour de nombreux pans de la société, tant pour les grossesses non prévues que pour le Sida.

Malgré l’existence de lois, ces droits ne sont pas reconnus par tous et toutes.

À côté des luttes contre les violences de genre, le MFPF se bat, donc, toujours pour les droits fondamentaux de la personne humaine, que sont le droit de disposer de son corps et le droit à l’égalité.

En ce domaine, l’aspect éducation est fondamental ; que diriez-vous de la façon dont la circulaire sur l’éducation sexuelle et affective est appliquée par l’Éducation nationale ?

Le droit à l’éducation à la sexualité pour tous les jeunes est l’un de ces droits fondamentaux. La loi d’août 2001 a fait franchir un saut important au dispositif législatif français, en imposant à tous les établissements scolaires d’organiser trois séances d’éducation à la sexualité par an, des classes élémentaires aux classes terminales.

La circulaire de février 2003 a assez bien défini les contenus et les procédures de ces séances, mais n’a prévu aucun moyen pour la mise en œuvre. Il n’est pas étonnant que seuls quelques établissements organisent de telles séances, et définissent des partenariats intéressants avec des associations comme le MFPF.

C’est pourquoi, notre mouvement propose aux organisations des personnels de l’Éducation nationale qu’une réflexion s’engage ensemble pour mettre au point une stratégie afin de faire avancer l’application de cette loi, que nombre de pays européens nous envient.

L’Éducation nationale prend-elle assez en compte la problématique de l’égalité des genres ?

L’éducation à la sexualité, telle que nous la concevons, doit être bâtie sur un projet de modification des rapports de domination des genres.

Les rapports fille-garçon sont au centre de cette démarche d’éducation et de prévention. Prévenir les comportements sexistes et les comportements violents en sont l’un des volets importants.

C’est pourquoi, la prise en compte de la problématique de l’égalité des genres par l’Éducation nationale nous apparaît comme insuffisante. Elle devrait être partie intégrante du projet éducatif de chaque établissement.

La baisse programmée des subventions pour le planning familial met en danger l’activité de votre association. De la part du gouvernement, c’est un choix politique ou de l’inconséquence ?

L’éducation à la sexualité ne faisant pas l’objet d’un financement de l’institution Éducation nationale, nos associations départementales, en partenariat avec des équipes pédagogiques, ont du mal à trouver des financements pour ces interventions qui devraient être régulières.

La plupart mobilisaient les crédits d’état du « Conseil Conjugal », d’autres moins nombreuses réussissaient à faire prendre en charge les interventions auprès des collégiens par les conseils généraux.

Or, ces crédits, dits du « Conseil Conjugal », sont en forte réduction au budget de l’État pour 2009 et pour 2010, même si les ministres concernés « jurent » qu’ils n’attaqueraient jamais le Planning familial dans le budget 2009 !

La pétition, mise en ligne sur le site du MFPF, par son immense succès montre que les activités mises en œuvre par le Planning Familial sont plébiscitées. Le gouvernement, ayant sûrement voulu affirmer que l’État n’avait pas à se mêler de l’aide aux associations qui jouent un rôle important dans l’information et l’éducation à la sexualité, à la préparation à la vie de couple, est en train de se fourvoyer : c’est la loi Neuwirth qui a décidé que l’information et l’éducation de la population à la vie, à la sexualité, était une responsabilité nationale, et que l’État, pour ce faire, apporterait son soutien financier aux associations qui œuvraient dans le même sens que lui.

Le gouvernement va-t-il faire marche arrière et reconnaître et reconnaître cette mission fondamentales ?

À la veille du 8 mars, que souhaitez-vous pour les femmes en 2009 ?

À l’approche du 8 mars, le MFPF souhaite que des engagements soient pris pour faire reculer les violences de genre, pour que chaque femme puisse exercer son choix dans les domaines de sa sexualité, de la contraception et de l’avortement, et que la loi « bioéthique » fasse avancer les droits des femmes.

Propos recueillis par Thierry Cadart (du SGEN-CFDT)


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