La Fédération Hospitalière de France dénonce la campagne mensongère des cliniques privées sur les tarifs

lundi 13 juillet 2009.
 

COMMUNIQUE DE PRESSE de la Fédération Hospitalière de France

Comparaison des hôpitaux et des cliniques : pas les mêmes missions, pas les mêmes prestations, pas les mêmes tarifs

La Fédération Hospitalière de France dénonce la campagne de communication organisée par les cliniques commerciales pour obtenir une hausse de leurs tarifs. Elle tient à souligner que les exemples avancés démontrent clairement l’inanité des arguments employés :

1. Un écart de tarif de 398 euros en matière d’obstétrique... sans tenir compte bien-sûr des dépassements d’honoraires facturés par les libéraux qui ont dépassé l’an dernier deux milliards d’euros, contre environ cent millions dans les établissements publics. Pour les Français, qui y seront soignés quel que soit leur revenu, c’est l’hôpital public qui est la solution la moins coûteuse.

2. Un écart de tarif de 1351 euros pour une embolie pulmonaire... sans préciser l’importance pour cette pathologie des services d’Urgences et Réanimation dont seuls disposent les hôpitaux publics. Pour les Français, qui auront accès à un plateau technique de pointe, c’est l’hôpital public qui est la solution la plus sûre.

3. Des écarts de tarif pour des actes comme les drains transtympaniques qui mettent surtout en lumière l’importance des différences de pratique médicale entre les secteurs. Ce n’est pas la multiplication des actes médicaux, mais leur pertinence, qui permettra à la Sécurité Sociale de retrouver l’équilibre. Pour les Français, c’est à l’hôpital public que l’on trouvera l’application la plus rigoureuse des référentiels de qualité.

4. Des écarts imaginaires dans de nombreux autres cas car, contrairement aux affirmations, ils ne tiennent pas compte des honoraires médicaux (ainsi des soins palliatifs où l’écart est de 302 euros et non de 1585 euros) ou des examens d’imagerie ou de biologie dont le coût doit être ajouté aux tarifs des cliniques .

Les cliniques commerciales choisissent les pathologies les plus rentables.

Dès qu’une activité est déficitaire (Réanimation, unité neurovasculaire, pédiatrie, soins aux diabétiques...), c’est en effet l’hôpital public qui l’assume, comme il est le seul à accueillir les patients les plus fragiles et ceux qui ont besoin des soins les plus lourds, comme il sera le seul à faire face demain aux risques de pandémie.

En cette période de crise, l’urgence est bien de conforter les structures qui accueillent tous les patients, vingt-quatre-heures sur vingt-quatre, sans discrimination, pas d’augmenter la rémunération des actionnaires des cliniques. Le seul actionnaire des hôpitaux publics, c’est le patient.

Claude Evin, Président

Gérard Vincent, Délégué Général

1. Des comparaisons tronquées, des tarifs faussés

Un périmètre de tarifs tronqué

- Les tarifs des cliniques ne comprennent pas les examens biologiques et d’imagerie :

Les coûts des hôpitaux publics intègrent de nombreux actes externalisés par les cliniques commerciales… mais facturés à la Sécurité Sociale. Ces examens sont donc réalisés « autour  » du séjour, dans des cabinets de radiologie et dans des laboratoires. Ils ne pèsent donc pas sur les coûts des cliniques. Les coûts du secteur privé pour l’Assurance Maladie sont donc sous-évalués. En effet, ces actes représentent 10 à 15 % des coûts des séjours du secteur public, alors qu’ils ne sont pas comptabilisés dans les coûts du secteur privé.

L’hostocomparateur prend l’exemple des prélèvements d’ovocytes et fait apparaître un écart apparent au bénéfice du secteur privé de 714 euros. Or, cet écart disparaît si l’on tient compte des prestations de biologie et imagerie facturées en sus en clinique.

- Les tarifs publiés par les cliniques ne comprennent pas les dépassements d’honoraires :

Une proportion croissante de praticiens libéraux exerçant dans les cliniques pratiquent des dépassements d’honoraires. Selon l’IGAS, en 2005, les praticiens exerçant en clinique ont facturé 470M€ de dépassement, et 66 % des dépassements d’honoraires ne sont pas remboursés par les assurances complémentaires. Certes il existe également une activité libérale de secteur 2 à l’hôpital, mais elle est exercée par seulement 5 % des médecins publics.

- Les tarifs des cliniques ne comprennent pas les suppléments hôteliers :

Aux dépassements d’honoraires, s’ajoutent, pour les patients, les suppléments hôteliers presque systématiques, et en forte progression. Ceux-ci dépassent parfois en région parisienne 100 euros par jour pour une chambre. Pour le patient, l’hôpital est toujours moins cher que la clinique.

- Les tarifs des cliniques s’appuient sur des activités programmées :

L’hôpital public représente la quasi-totalité des Services d’accueil des urgences. Ceci pèse sur l’optimisation de l’activité en engendrant de nombreuses activités non programmées.

Ainsi 88 % des passages aux urgences, soit 13 millions de passages, et près de 2,7 millions d’opérations non programmées, sont pris en charge par le service public hospitalier Pour les séjours d’hospitalisation complète, cela engendre un surcoût de 63 %1 par rapport aux activités programmées. Ces surcoûts pour l’hôpital public ne sont pas financés.

Des tarifs faussés

L’étude publiée sur l’ « hostocomparateur » évoque un écart apparent de 40%. Ceci est statistiquement faux comme le relève le Ministère de la Santé dans son Rapport au Parlement.

Selon la méthodologie arrêtée par la DHOS et l’ATIH, l’écart apparent est compris entre 17 et 24%. Encore cet écart doit-il être corrigé par des éléments actuellement non financés, qui ont été présentés plus haut.

Elle comporte par ailleurs des erreurs grossières : oubli des honoraires pour les soins palliatifs, tarifs erronés pour les accouchements par voie basse avec complications. En outre, et contrairement aux affirmations du site, elle ne tient pas compte des dépassements d’honoraires.

- Les tarifs des hôpitaux ne tiennent pas compte des niveaux de sécurité : l’exemple de l’obstétrique

Le secteur public assure plus des deux tiers de l’obstétrique en France, mais une part beaucoup plus importante du suivi des grossesses à risque. 78% des maternités de niveau II, disposant d’une unité de néonatalogie, et 100% des maternités de niveau III, disposant d’une unité de réanimation néonatale dépendent du service public.

A ces différents types de maternité correspondent des coûts différents : ainsi, par exemple, le plateau technique et le nombre de personnels qualifiés présents en permanence sont liés à la nature de la structure. Or, la Tarification à l’Activité ne tient pas compte de ces coûts de structure mais des seuls actes effectués : accouchement par voie basse, avec complications…

Un accouchement, qu’il se déroule en maternité de niveau I ou III est donc rémunéré par le même tarif alors qu’il bénéficie de conditions de sécurité bien supérieures, et donc de coûts supplémentaires non pris en compte. Ainsi, un accouchement sans complications par voie basse d’une grossesse à risque qui aura été très bien suivi dans un CHU sera t’il moins rémunéré qu’un accouchement avec césarienne dans une clinique, alors même que le taux de césariennes dans certains établissements privés est très débattu… (enquête novembre 2008)

Cet effet structure ne pose pas de problèmes quand on compare deux maternités comparables, par exemple deux maternités de CHU en niveau III. En revanche, et du fait de la concentration des structures lourdes à l’hôpital, il fausse au bénéfice des cliniques la comparaison des coûts.

A nouveau, la seule comparaison des tarifs n’a aucun sens statistique, et elle est absurde du point de vue de la santé publique.

2. Des conséquences désastreuses pour l’accès aux soins

Pour les activités les plus couramment pratiquées, les tarifs des hôpitaux sont « gonflés » par les surcoûts qu’engendrent les missions de service public qui devraient être financées par l’enveloppe MIGAC. Procéder à un alignement impliquerait donc que ceux-ci en tirent les conséquences en abandonnant les activités non financées. Ceci ne manquerait pas de remettre en cause l’accès aux soins pour certaines activités

Par contre, de nombreuses activités qui sont essentiellement réalisées par l’hôpital public (réanimation, néonatalogie, soins intensifs, médecine légale, unités neurovasculaires…) sont nettement sous-tarifées. Malgré les déficits que ces activités génèrent dans les hôpitaux, si ceux-ci ne prenaient pas en charge ces patients, elles ne pourraient être maintenues alors qu’elles sont essentielles pour la santé publique ou même le bon fonctionnement de la Justice (Médecine légale).

En outre, le maintien de ces activités conditionne la qualité de l’enseignement et de la recherche. Les cliniques ne participent effectivement pas aux missions d’enseignement et de recherche, alors que l’hôpital public consacre plus de deux milliards d’euros par an à celles-ci. Les CHU ont été ainsi à l’origine depuis leur création de cinquante premières mondiales, et ils sont le creuset de la formation initiale et continue de tous les professionnels de santé.

Pour maintenir cette réputation justifiée d’excellence de la médecine française et continuer à offrir aux Français des soins de qualité, ils doivent bénéficier non seulement des financements appropriés - les dotations MERRI – mais aussi d’une activité médicale et chirurgicale importante dans tous les domaines. Cela leur interdit, à la différence des cliniques commerciales, toute concentration sur les seuls domaines « rentables ».

L’exemple des unités neuro-vasculaires

La prise en charge des accidents vasculaires cérébraux est une priorité de santé publique, dont la responsabilité incombe essentiellement aux hôpitaux publics (66689 patients traités contre 2724 dans le secteur privé). Or, on observe que les tarifs fixés sont inférieurs aux coûts nécessaires à leur fonctionnement comme le montre le tableau suivant, notamment pour les AVC les plus sévères.

Les hôpitaux publics doivent donc assurer le fonctionnement de structures déficitaires, mais essentielles à la santé publique. La modification de leurs tarifs doit tenir compte des données de l’Etude Nationale de Coûts.

Pour les patients les plus fragiles

Alors que les cliniques sélectionnent les seules activités rentables au plan économique, les hôpitaux publics prennent en charge tous les patients, même les plus fragiles.

90 % des enfants de moins de 15 ans sont accueillis en médecine à l’hôpital public, car l’activité de pédiatrie est fluctuante au cours de l’année, ce qui empêche de la rentabiliser.

De même, plus de 80 % des plus de 75 ans sont pris en charge en médecine à l’hôpital, car une personne âgée souffrant de multiples pathologies est soignée malgré les difficultés d’organisation que son séjour entraîne.

Enfin, les patients en situation précaire (CMU, SDF, personnes en situation irrégulière etc.) nécessitent des traitements moins prévisibles et souvent plus longs. Leurs séjours coûtent 30% plus cher, et cet écart n’est que très partiellement compensé.

Pendant certaines périodes de l’année

Pour pouvoir répondre aux pics d’activité saisonniers et assurer la continuité du service hospitalier toute l’année, les hôpitaux publics doivent adapter leurs capacités d’accueil. Ceci représente une forte contrainte pour les équipes hospitalières, mais aussi pour le maintien d’activités difficiles à organiser au mois d’août ou pendant les fêtes de fin d’année, contraintes que refusent une grande part des cliniques.

De même, dans les situations exceptionnelles, les hôpitaux qui ont maintenu des capacités d’hospitalisation de recours sont indispensables à la gestion des crises sanitaires et à l’accueil des victimes des catastrophes. Ce fut le cas lors de la canicule de 2003, et cela permettra de gérer à l’avenir de possibles pandémies (SRAS, H1N1…), mais cette capacité de recours n’est actuellement pas financée… Tant que l’on n’aura pas identifié et financé ces capacités de recours, tout alignement des tarifs serait lourd de conséquences en cas de crise sanitaire.

Dans certains territoires

Le service public de santé doit être accessible à tous les citoyens, sur l’ensemble du territoire.

Ceci implique que soient maintenues certaines activités de soins jugées essentielles, même si les volumes d’activité réalisés ne permettent pas leur rentabilité. Seuls les hôpitaux acceptent cette situation. Ils ont donc des contraintes géographiques fortes et les surcoûts associés ne leur sont pas compensés. Les cliniques, elles, sont toujours implantées à proximité d’un hôpital public dont elles se posent en concurrentes pour assurer les activités les plus rentables.

Ceci est d’autant plus important que, dans certains territoires, les cliniques ont déjà des monopoles sur certaines activités, qui conduisent leurs praticiens à multiplier les dépassements d’honoraires. Ainsi par exemple, à Carpentras ou Chateaubriand, toute la chirurgie est réalisée par le secteur commercial. A Nevers, les deux urologues qui exerçaient à l’hôpital sont partis en clinique. Une personne souhaitant se faire opérer doit donc aller dans le secteur commercial, où les dépassements d’honoraires peuvent aller de 100€ à plus de 400€. En tout, ce sont plus de 70 villes dans lesquelles des chirurgiens de secteur 2 (c’est-àdire autorisés à demander des dépassements d’honoraires) sont en situation de quasi monopole. Dans ces villes, l’égalité d’accès aux soins est d’ores et déjà menacée, et cette situation s’aggraverait en cas de baisse des tarifs hospitaliers.

L’exemple de la Cataracte

Cette activité est très majoritairement exercée dans le secteur privé. Les tarifs payés par la Sécurité Sociale sont sensiblement égaux aux tarifs publics. Mais les coûts sont nettement moins élevés dans les cliniques commerciales, qui participent peu à la permanence des soins et aux missions d’enseignement et de recherche. Cela permet aux cliniques privées de réaliser des bénéfices très importants et non justifiés, comme le montre l’écart tarif-coût qui dépasse 292 euros sur ce GHM !

La Sécurité Sociale, contrairement aux apparences, rémunère bien davantage les actes réalisés en clinique. En outre, en offrant aux praticiens des rémunérations élevées, elle empêche le recrutement des ophtalmologues par les hôpitaux, qui éprouvent beaucoup de difficultés à assurer la permanence des soins la nuit et le week-end.

L’analyse ne tient ici pas compte des dépassements d’honoraires imposés aux patients, qui exacerbent ces différences en générant des situations quasi-monopolistiques au bénéfice du secteur privé lucratif :

Sous prétexte de convergence tarifaire, on voit donc se cumuler :

- Une rémunération indue des actionnaires des cliniques

- Une explosion des dépassements d’honoraires

- L’affaiblissement des seules structures publiques qui assurent la permanence des soins

- Des inégalités entre territoires qui menacent l’accès aux soins (étude CNAM)

CONCLUSION

En cette période difficile pour les finances publiques, les hôpitaux publics ont conscience qu’ils doivent gagner en efficience, et ils ont déjà engagé les réorganisations nécessaires et continueront de le faire.

Mais faire converger les tarifs du public et du privé suppose donc que leurs missions et leurs contraintes de fonctionnement soient les mêmes, ce qui n’est pas le cas.

L’alignement des tarifs du public sur ceux du privé, qui entrainerait une baisse de près de 30% des budgets hospitaliers, provoquerait un véritable démantèlement du service public et des suppressions massives d’emplois dans les établissements : pour les seuls services de médecine, chirurgie, obstétrique 150 000 emplois seraient menacés.

Ceci aboutirait à augmenter les bénéfices des cliniques privées. Une étude publiée par la DREES3 montre que les cliniques commerciales avaient eu un taux de rentabilité financière de 16 % en 2005, qui avait doublé en trois ans. Cela signifie qu’au moment où l’Assurance Maladie essaie de faire des économies, des actionnaires augmentent les profits, payés par l’argent public.

A l’hôpital public, le seul actionnaire c’est le patient.


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message