Chasse Nature Pêche et Traditions va aider l’UMP à enterrer les restes moisis du Grenelle de l’Environnement et régler son compte à la biodiversité (par Claude-Marie Vadrot, Politis)

vendredi 28 août 2009.
 

La fusion imminente de l’UMP avec les chasseurs fous de CPNT, Chasse Pêche Nature et Traditions, ne présage rien que bon pour la nature et les espèces sauvages. Il y a quelques semaines j’écrivais que « La biodiversité, tout le monde s’en fout ». A commencer par le CPNT, évidemment. Il ne considère l’espace naturel que comme la gestion d’un gigantesque terrain de chasse au sein duquel il faut privilégier la présence des cerfs, des chevreuils, des sangliers, des lièvres et des lapins pour que les chasseur, majoritairement citadins, aient une petite chance d’atteindre leurs gibiers. Plus est la densité d’animaux est importante à l’hectare, plus la (grande) partie des chasseurs maladroits et ignorants de la nature venus de la ville, ont des chances de faire mouche. Certains gibiers deviennent tellement abondants qu’ils remettent en cause la régénération naturelle des forêts en dévorant les arbustes, dévastant les cultures et se promenant sur trop de routes en provoquant de graves accidents. Sans oublier tous les animaux d’élevage que des spécialistes vont commencer à relâcher dans quelques jours pour que les sociétés de chasse, publiques ou privées, puissent offrir de « beaux tableaux » à leurs actionnaires.

Dans la Sologne voisine de mon jardin, il est plus facile d’attraper un faisan avec le contenu d’un sac de maïs qu’avec un fusil : quelques graines suffisent pour attirer l’animal alourdi par l’engraissage et incapable de fuir après avoir été « imprégné » de l’homme qui le nourrit. Cela doit s’appeler, selon le code rural, « chasse avec un engin prohibé ». Mais comment s’appelle le plaisir de flinguer des animaux apprivoisés avant de les étaler sur la pelouse devant un château ou un manoir ? Et comment qualifier des gens qui ne se sentent virils qu’avec un fusil et un treillis ? Dans quelques semaines, les campagnes vont retentir de coups de feu puisque la loi prévoyant une journée de « non chasse » par semaine a été abrogée par l’UMP sous la pression des chasseurs qui font la loi alors qu’ils ne sont plus guère de 1,2 millions. Donc le CPNT sera en bonne compagnie pour enterrer les restes moisis du Grenelle de l’Environnement.

Mais revenons à CPNT qui, en parfait accord depuis des années avec une partie des parlementaires UMP, ne pense qu’à élargir les périodes d’ouverture de la chasse au mépris des directives européennes et à augmenter le nombre des espèces chassables. En éliminant, illégalement ou par le biais d’arrêtés discrets, tout les « nuisibles ». Pour un chasseur est « nuisible » tout ce qui représente une (supposée) concurrence. De la même façon que les pêcheurs de ce parti politique, avec la complicité de leurs (nouveaux) amis de l’UMP, écument les zones humides en détruisant les loutres. Ce qui entraîne, autre exemple, le déclin de nombreuses espèces d’oiseaux migratrices. Et sous le mot « tradition » du sigle se cachent des méthodes de chasses dites traditionnelles qui sont soit cruelles soient dévastatrices.

Depuis des années, y compris du temps de la gauche au pouvoir et de Dominique Voynet, les chasseurs et leurs complices font pression sur le législateur pour refuser les limitations à leurs « droits » et grignoter les espaces protégés comme les réserves naturelles et les parcs nationaux. Grâce à l’action de Fédérations de chasse richissimes qui se gèrent sans le moindre contrôle de la loi et dans la plus grande opacité grâce au système électoral particulier utilisé pour « l’élection » de leurs responsables ; un véritable déni démocratique soutenu par l’UMP et quelques parlementaires socialistes. Au nom d’une imposture : le « droit de chasse » serait, selon eux, un acquit de la Révolution. Ce qui est parfaitement faux : la Révolution n’a élargi le droit de chasser exclusif de la noblesse qu’aux « propriétaires » et il faudra plus d’un siécle pour qu’il soit étendu à tous les manants. Je conserve encore le souvenir cuisant des remontrances et des menaces, dans les années 60, au coeur du Morvan, quand le garde-chasse du chatelain-propriétaire des terres surprenait mes oncles, qui n’avaient que le statut de métayer, à poser des collets ou à poursuivre des lièvres dans la neige avec un gourdin. J’ai même gardé son nom en mémoire : de Fontenay.

Les fous de CPNT, et je laisse de côté leurs penchants ultra-réactionnaires de la droite la plus extrême, sont aussi ceux qui animent la bataille contre les loups et les lynx dont la fonction de prédateurs, comme celles des ours dans une moindre mesure, est indispensable à l’équilibre de ce qui reste de biodiversité. Ils retrouveront dans le gouvernement et à l’UMP des gens comme Christian Estrosi qui bataillent depuis des années pour l’élimination totale du loup. Il n’est pas le seul et à chaque fois que ce sujet revient à l’Assemblée nationale, se succèdent à la tribune les parlementaires, imbéciles ou opportunistes, qui réclament les mêmes mesures en assénant des contre-vérités. La plus classique : les loups (comme les vipères....) auraient été rè-introduits en France avec une camionnette conduite par une ancienne directrice du Parc National du Mercantour ou relâchés grâce au va et vient d’un hélicoptère depuis l’Italie ! Que ceux qui doutent de la réalité de ces discours consultent les comptes-rendus analytiques des débats à l’Assemblée nationale depuis 1998. Ces parlementaires répètent stupidement les anathèmes de l’Eglise qui, du Moyen Age au XIX éme siécle, a condamné le loup parce qu’il représentait le diable. Les textes anciens que je suis en train de relire pour la rédaction d’un prochain livre sur Canis Lupus sont édifiants : ils sont parfois repris mot pour mot par les membres de CPNT et des parlementaires.

Mais j’entends déjà une remarque : les loups tuent des brebis. C’est exact : entre 2500 et 3000 moutons par an. Alors que les chiens errants ou fugueurs, d’après la FNSEA, en tuent et blessent plus de 100 000 chaque année. Avec une différence importante : depuis 1993 toutes les brebis tuées ou blessées par les loups sont remboursées après (indulgente...) expertise alors que nul ne paie les dégâts des chiens. Dernière observation : ce n’est pas agréable de voir son troupeau attaqué mais tous les bergers qui, ne cédant pas aux pressions excités de CPNT et de certains chambres d’agricultures, prennent des mesures de gardiennage et de surveillance, avec enclos et chiens patous échappent aux attaques du loup. Ce que font 95 % des éleveurs italiens des Abruzzes et les éleveurs espagnols cohabitant avec un peu plus de 2000 loups.

Voici donc quelques traits de l’idéologie prédatrice des gens qui vont rejoindre l’UMP pour avoir le droit, électoral, de s’installer avec eux dans les Conseils Régionaux. Ce qui risque évidemment de réduire à néant les (maigres) avancées du Grenelle de l’environnement. Comme vont le montrer les discussions parlementaires de la rentrée qui risquent de réduire la petite efficacité des réserves et des parcs nationaux. Tout cela n’est guère surprenant, mais le cynisme de la droite et de ses colistiers d’extrême-droite n’a plus de limites.

Une précision pour conclure : je ne suis pas chasseur mais ne suis pas adversaire de la chasse lorsqu’elle est pratiquée dans le respect des lois, françaises ou européennes, et d’une éthique adaptée au XX1 éme siécle. Chacun son plaisir. Et les écologistes qui veulent interdire la chasse sont aussi stupides que leurs adversaires : sur un territoire d’où l’on élimine systématiquement les prédateurs, elle est absolument nécessaire. Je pense en outre que la petite partie des chasseurs qui battent la campagne en compagnie d’un chien à la recherche d’un animal qu’ils mangeront ensuite, connaissent, respectent et aiment bien le milieu naturel. Ils ne sont hélas plus la majorité, il s’en faut de beaucoup. Le congélateur a fait des ravages et incite aux massacres collectifs.

L’admiration pour ceux qui chassent en sachant chasser parce qu’ils savent humer le vent, repérer des traces infimes, deviner les habitudes des animaux, mène à une autre réflexion : je suis pour la protection des derniers braconniers ; pour les descendants de Raboliot, pas pour ceux qui tirent sur tout ce qui bouge juchés sur des 4 X 4 ; de préférence de nuit. Soit pour la viande qu’ils revendent discrètement à des restaurateurs, soit pour le plaisir de faire des cartons. Le vrai « braco », celui de Corse ou d’ailleurs, est un homme qui connaît intimement la nature, qui a suffisamment de talents et de savoirs pour trouver l’endroit où il peut à coup sur le piége ou le collet. Dans mon esprit, les derniers braconniers constituent une espèce à protéger, au même titre que le loup, l’ours, le lynx, le chat sauvage, la genette, la loutre, la fouine, la belette et la marte...


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