Dette publique : quelle réponse ? par Christophe Ramaux (Economiste, Maître de conférences à l’Université Paris I)

lundi 9 novembre 2009.
 

En France, la dette publique, est de l’ordre de 1 500 milliards d’euros, avec 80 % pour l’Etat, les collectivités locales et la Sécurité sociale – en comptant la Cades – pesant chacune 10%.

Comment appréhender la dette publique ? Un essai de réponse en onze points.

Il faut la relativiser

1/ La dette publique française n’a rien d’exceptionnelle. A 77,1% du PIB fin 2009, elle est dans la moyenne de la zone euro (77,7%), et inférieure à celle des Etats-Unis (84%) ou du Japon (200 % prévu pour 2010).

2/ Les libéraux clament qu’elle représente 22 000 euros par personne. Ils omettent qu’elle a pour contrepartie des titres d’emprunt (obligations) détenues par certains. On ne lègue pas une dette aux « générations futures » : les enfants de salariés risquent en revanche, ce qui est effectivement problématique (cf. ci-dessous), de devoir payer aux enfants de rentiers.

3/ La dette évoquée ici (dite dette « brute ») ne prend pas en compte les actifs publics (routes, écoles, etc.). Avec eux, le solde (ce qu’on appelle la « valeur nette ») est largement positif : près de 600 milliards d’euros en 2008 (30 % du PIB), soit un legs (sans parler du « non monétaire » : connaissance, espérance de vie, etc.), de 9 000 euros par personne (et 20 000 euros par personne si on ajoute le patrimoine « privé »).

4/ On parle toujours du « trou du public », mais pas de celui du privé. La dette privée des ménages et des entreprises (sans parler des institutions financières), qui vient d’exploser, est pourtant plus conséquente : 120% en France, en 2008, ce qui d’ailleurs assez faible comparé à d’autres pays (175% aux Etats-Unis, environ 200% en Espagne et au Royaume-Uni).

Il faut ensuite saisir la dynamique de la dette

5/ La dette publique était de 25 % du PIB en 1982. Elle a plus que triplé depuis. Les libéraux pointent l’excès des dépenses comme si l’austérité budgétaire n’avait pas prévalu. Le « solde budgétaire » dépend en fait principalement des recettes. L’optique keynésienne est ici précieuse : en cas de décroissance, on a du chômage, mais aussi une dégradation des comptes publics, à la fois parce que des dépenses augmentent (prestations chômage, etc.), mais surtout parce que les recettes fiscales chutent. Le déficit public est passé de 3,4% en 2008 à 8,2% du PIB en 2009. Cela ne s’explique pas par la « relance » Sarkozy, l’une des plus piteuse au monde, mais par la chute des rentrées fiscales . La dette publique a bondi de 20 points de PIB avec la récession du début des années 1990 (de 36 % en 1991 à 58% en 1996). Elle va bondir à nouveau d’au moins autant. Entre 1997 et 2001, avec la croissance et les créations d’emplois, elle avait baissé de 2,4 points de PIB.

6/ La focalisation sur la dette du public et non du privé renvoie au discours libéral selon lequel le public est improductif et « pèse » sur le privé. Si on considère qu’il crée de la richesse monétaire (ce qui est le cas), il est clair que le déficit public n’est pas en soi un mal : il peut soutenir et lancer des activités.

7/ Il importe finalement de distinguer deux types de déficits. Les déficits expansionnistes : les dépenses publiques soutiennent de façon cumulative la croissance , ce qui permet un surcroît de recettes (c’est l’« effet cagnotte » : l’Etat « gagne ce qu’il dépense » ). Les déficits récessifs : les politiques libérales (dont l’austérité budgétaire), plombent l’activité ce qui creuse les déficits par défaut de recettes.

Reste trois points

8/ La dette publique s’est aussi creusée en raison des cadeaux fiscaux aux riches, lesquels ont fait d’une pierre deux coups : ils payent moins d’impôts, ce qui oblige l’Etat à emprunter auprès d’eux.

9/ Les politiques monétaires sont aussi responsables : taux d’intérêt réels élevés en particulier dans la zone euro (au début des années 1990 surtout et peut être demain), interdiction (inscrite dans les traités européens) de « monétiser » la dette publique , etc.

10/ Au final, la dette publique, à l’instar de celle du privé, a été un levier de la financiarisation.

C’est le grand retour des rentiers.

La solution coule de source

11/ Il faut rompre avec les politiques libérales à tous les niveaux, ce qui passe notamment par une autre politique monétaire, le retour à une fiscalité progressive (la décroissance des hauts revenus donc) et par une relance budgétaire, ciblée pour certains besoins : l’éducation, la santé, mais aussi l’écologie, qui exige d’abord cela (croissance des transports collectifs, du fret ferroviaire, des énergies renouvelables, rénovation thermique des bâtiments...), bien plus que le leurre-arnaque de la taxe carbone.

Pour aller plus loin : Vive la dette de Marc Bousseyrol (ed. Thierry Magnier, collection Troisième culture, 2009).


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