En grève de la faim en Espagne, la militante sahraouie Aminatou Haidar se dit décidée à « aller jusqu’au bout »

vendredi 11 décembre 2009.
 

Son corps est affaibli par trois semaines de grève de la faim, mais sa détermination reste intacte. La militante indépendantiste sahraouie Aminatou Haidar, bloquée sur l’aéroport de Lanzarote (Canaries) après avoir été refoulée du Sahara occidental par les autorités marocaines qui lui ont retiré son passeport, a refusé, lundi 7 décembre, l’assistance médicale proposée par les autorités espagnoles.

Madrid craint pour la vie de cette femme de 42 ans, dont la santé est fragilisée par ses séjours dans les prisons marocaines. Un responsable du Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) l’a implorée de cesser son jeûne : « Nous comprenons qu’elle veuille continuer à lutter, mais nous lui demandons de ne pas le faire via la grève de la faim parce que c’est préjudiciable à sa santé. » Le juge chargé de veiller à sa survie a cependant décidé, lundi, qu’il n’y avait « pas lieu de procéder à (son) hospitalisation forcée pour que soit évalué son état de santé ni pour qu’elle soit soumise à un traitement médical contre sa volonté ».

« Attitude constructive »

Mme Haidar, qui a déjà refusé l’asile politique et un passeport offerts par Madrid, stigmatise l’attitude du gouvernement espagnol qu’elle accuse, dans un entretien à l’Agence France-Presse, « de faire prédominer ses intérêts économiques au Maroc sur les droits de l’homme ». La militante sahraouie est décidée à « aller jusqu’au bout » pour obtenir le droit de rentrer au Sahara occidental, une ancienne colonie espagnole annexée en 1975 par le Maroc pour laquelle le Front Polisario, soutenu par l’Algérie, revendique l’indépendance.

« Le gouvernement espagnol n’a pas encore utilisé ses moyens de pression sur le Maroc, affirme-t-elle. Au lieu de cela, il est en train de faire pression sur moi ». José Luis Rodriguez Zapatero a reconnu « des difficultés » avec les autorités marocaines, qui refusent de se plier à ce qu’elles appellent « le chantage » de Mme Haidar. Soucieuse de ne pas dégrader les relations avec un partenaire important, l’Espagne doit aussi composer avec Alger. Le ministère des affaires étrangères espagnol a loué, lundi, « l’attitude constructive et la collaboration des autorités algériennes », démentant « des tensions supposées » entre les deux pays.

Faute de convaincre directement Rabat de faire un geste, la diplomatie espagnole multiplie les contacts, notamment avec l’émissaire spécial de l’ONU pour le Sahara occidental, l’Américain Christopher Ross. Lundi, le secrétaire d’Etat espagnol aux relations extérieures, Angel Lossada, s’est également entretenu avec des représentants du Front Polisario.

Au fil des jours, la frêle silhouette d’Aminatou Haidar, enveloppée dans de grands châles colorés, s’est imposée sur l’avant-scène politique en Espagne. Le ministre des affaires étrangères a demandé l’appui de tous les partis politiques. Des intellectuels et des artistes se mobilisent pour soutenir la jeune femme.

Profitant des Journées portes ouvertes organisées au Congrès des députés à Madrid, une vingtaine de militants ont occupé l’hémicycle, lundi, en brandissant le portrait de l’activiste marocaine et aux cris de « Sahara libre ».

Jean-Jacques Bozonnet

* Article paru dans le Monde,


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