26 mars 1871 Elections à La Commune de Paris. La démocratie dans toutes ses dimensions

jeudi 28 mars 2024.
 

Du 18 mars 1871 au 29 mai 1871, le peuple de la capitale, ouvriers, artisans, artistes, intellectuels mêlés, a tenu le pouvoir. Une courte période durant laquelle un nombre considérable de mesures ont été prises. Elles visaient à mettre fin à l’exploitation et donnaient à la démocratie des dimensions inédites.

Le 18 mars 1871, le peuple de Paris s’insurge contre la tentative du gouvernement monarchiste de Versailles de reprendre aux Parisiens les canons de la garde nationale entreposés à Montmartre, canons qu’ils avaient payés de leurs propres deniers pendant le siège. Bien sûr, l’insurrection ne procède pas de cette seule cause immédiate. Un fossé s’est creusé entre le peuple de Paris, et de nombreuses autres villes de province, et le gouvernement de Thiers  : capitulation face aux Prussiens, menace contre la République, mesures sociales antipopulaires font l’objet de manifestations du mécontentement de la population. Le soir du 18 mars, l’insurrection s’est étendue, plus ou moins spontanément, plus ou moins organisée, dans tout Paris. Et le comité central de la garde nationale fait occuper à 22 heures l’Hôtel de Ville sur lequel flotte désormais le drapeau rouge.

Dès les jours qui suivent, le comité central prend trois grandes séries de décisions  : les premières visent à assurer le pouvoir populaire dans et autour de Paris (occupation des bâtiments officiels, des fortifications et des forts, sans toutefois organiser une action contre Versailles)  ; les secondes donnent une réponse concrète, immédiate, à des exigences sociales urgentes (prorogation des échéances, suspension des ventes des objets gagés au mont-de-piété, interdiction de toute expulsion de locataire)  ; les troisièmes visent à organiser rapidement des élections qui donneraient toute sa légitimité à la Commune (amnistie des condamnés politiques, totale liberté de la presse, organisation du scrutin de listes par arrondissement…). Il n’était en effet pas question pour le comité central de s’installer au pouvoir. Les élections furent finalement fixées au 26 mars.

Contrairement à ce qu’affirmèrent les versaillais, le vote eut lieu avec une entière liberté. Il y eut des candidatures politiquement diverses et dans les arrondissements les plus bourgeois de la capitale, les adversaires de la Commune l’emportèrent. La participation, dans des conditions très particulières, fut finalement importante puisque 230 000 citoyens votèrent. Elle fut massive dans les quartiers populaires  !

C’est que les élus sont eux-mêmes des hommes du peuple, choisis sur des bases qui sont indiquées dans un appel de la garde nationale le 25 mars  : « Ne perdez pas de vue que les hommes qui vous serviront le mieux sont ceux que vous choisirez parmi vous, vivant de votre propre vie, souffrant des mêmes maux. » « Cherchez des hommes aux convictions sincères, des hommes du peuple, résolus, actifs, ayant un sens droit et une honnêteté reconnue. Portez vos préférences sur ceux qui ne brigueront pas vos suffrages  ; le véritable mérite est modeste, et c’est aux électeurs à connaître leurs hommes, et non à ceux-ci de se présenter. » Ainsi les 90 élus de la Commune sont bien les représentants, comme jamais en France, de la diversité populaire. Les ouvriers, qui forment le plus gros bataillon, les employés, les artisans, les artistes, les intellectuels y sont représentés. Seule la grande bourgeoisie est absente.

Parmi ces élus, un ouvrier bijoutier hongrois, Léo Frankel, dans le 13e arrondissement, dont la Commune valida l’élection lors de sa première réunion car la citoyenneté ne devait pas être liée à la nationalité. Première décision de la Commune élue, ô combien symbolique et d’avant-garde  !

Mais la démocratie communarde ne saurait se résumer en aucun cas à l’élection libre, si importante soit-elle. La démocratie communarde, c’est aussi une démocratie permanente, implicative et sociale. Permanente, car aux yeux des communards, la souveraineté du peuple (vraie définition de la démocratie) ne peut jamais être abdiquée, elle ne peut être épisodique, d’élection en élection. L’élu est un mandataire du peuple qui doit être contrôlé par lui  ; la première forme du contrôle étant sa possible révocation par un vote citoyen. Implicative, car la Commune ne prend les si formidables mesures que l’on connaît que parce que les forces populaires sont constamment impliquées dans la vie de la cité  : par les clubs, par les associations, par les syndicats, par la presse, par les manifestations, une pression s’exerce sur la Commune élue qui elle-même associe, en permanence, ces forces aux prises de décision. On le voit bien avec l’action de l’Union des femmes. Alors non électrices, les femmes jouent pourtant un rôle décisif dans la Commune par cette formidable implication populaire où elles sont au premier rang.

Sociale, enfin. La Commune ne veut pas séparer le citoyen du travailleur. Quelle démocratie serait-ce que celle où le citoyen dispose de tous les droits et le travailleur d’aucun  ? La Commune ouvre ainsi des avancées vers des formes de contrôle et d’autogestion dans les ateliers. En 2011, nous célébrerons le 140e anniversaire de la Commune. Et ce sera encore pour nous l’occasion de nous rappeler que les idéaux et l’œuvre de la Commune restent d’une brûlante actualité.

Jean-Louis Robert, président de l’association les Amis de la Commune

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