Réponse à Ivan Rioufol du Figaro : « l’Apéro Pinard et saucisson » est bien une provocation raciste...

mercredi 23 juin 2010.
 

Le coup de pub a magistralement réussi, il faut bien le reconnaître. Depuis hier, une grande partie de la bulle médiatique s’est emballée à propos de l’affaire de « l’Apéro saucisson et pinard » via Facebook (où j’ai trouvé la photo que je publie ici). Prévu le 18 juin dans une rue du 18e arrondissement, cet apéro est initié par des groupes d’extrême droite. J‘en avais déjà parlé sur ce blog la semaine dernière. Le succès du coup médiatique était prévisible. Le piège, même grossier, était bien tendu et il a reçu rapidement dés son origine, un coup de pouce de quelques médias, de façon logique mais limitée comme Minute et Radio Courtoisie, et d’autres d’une ampleur bien plus importante comme RMC. Attiré par ce début de « buzz », l’édition du Monde.fr, la semaine dernière, publiait un article détaillé, sous la plume d’un excellent journaliste, et la fusée de la provocation pouvait bel et bien décoller. Ainsi, la pelote a grossi, et un rassemblement de groupuscules racistes est devenu un événement quasi national puisque désormais toute la presse en parle. Bien joué.

On me rétorquera que le Parti de Gauche, par le communiqué que nous avons rédigé et envoyé ce week-end , a aussi sa part dans ce « succès » de nos ennemis. Certes. J’assume. Mais, nous ne pouvions rester silencieux, car il fallait mettre de la clarté dans la grande confusion qui s’abattait sur tout cela. Les militants et les responsables du PG Paris 18e, dont mon camarade Antoine Vigot secrétaire du Comité local du PG, ont compris rapidement la dimension nationale que cette « affaire » allait prendre. Ils ont eu du nez. Parce qu’il était un des premiers, notre communiqué de condamnation a été largement repris par la presse (Le Point, France Info, La Tribune, Le Monde, etc…).

Interdit par la Préfecture, le rassemblement raciste n’aura pas lieu

Un éditorialiste du Figaro, M. Ivan Rioufol, consacre même à notre communiqué un billet de réponse d’un mépris assez confondant. Il faut donc apporter quelques éléments de réponse à ce monsieur qui voit dans cet apéro "un acte de résistance", rien que ça. Alors oui, M. Ivan Rioufol, tel que je l’ai écris dans le communiqué du PG, nous considérons que « Ni populaire, ni festif, ni laïque et républicain, ce rassemblement s’annonce comme haineux, violent et raciste. Il ne doit pas être toléré ». Je ne change pas une ligne, n’en déplaise à ce chroniqueur du Figaro. Dans la façon dont il a été conçu, il est exactement ce que l’on nomme une provocation. Depuis plus de 20 ans, les coups d’éclats médiatiques du FN et son Président Jean-Marie Le Pen, fonctionnent exactement de la même façon. Exemple. Plutôt que de dire « les chambres à gaz sont sans importance, et je ne suis pas convaincu de leur existence », Le Pen dit : « les chambres à gaz sont un détail de la seconde guerre mondiale ». Scandale. Réponse de Le Pen : « Pourquoi vous indignez vous ? Un détail est la partie d’un tout. Et la chambre à gaz ne constitue que la partie du « tout » que représente le conflit de 1939 à 1945 ». Et hop, le tour est joué. Ici, pour cet apéro bidon, la méthode est la même. Plutôt que de dire « Allons provoquer les bougnouls à la Goutte d’Or », les organisateurs, qui sont des groupes de nervis Skinhead connus pour leur violence, disent : « Regroupons nous pour un apéro gaulois, au nom de la laïcité ». Et, quand la gauche et les pouvoirs publics empêchent qu’une ratonnade annoncée ait lieu, ils répondent : « Quelle honte ! Nous ne sommes plus chez nous ! On ne peut même plus boire un coup de rouge tranquillement et pacifiquement entre copains dans les rues. C’est bien la preuve ma bonne dame, que ce sont les arabes qui dirigent notre bon vieux pays… ». Ben voyons. L’objet, et le seul but de la provocation, est de produire une réaction de l’adversaire. Classique...

Je caricature à peine dans ma description de la mécanique utilisée par le provocateur, car c’est quasiment ce qui est en train de se produire. Le principal groupuscule politique d’extrême droite qui est à l’initiative de ce drôle d’apéro se nomme Bloc Identitaire. Il n’est ni laïque, ni républicain. Il est la continuité du groupuscule Unité Radicale, dissous il y a quelques années après qu’un de ses membres ait tiré sur Jacques Chirac un 14 juillet. Néo nazis en réalité, ils se disent eux-mêmes « opposés à la France des Lumières » et au « concept de citoyenneté de la république ». Il se réclame de Charles Maurras, l’un des principaux théoriciens de l’extrême droite française, antidreyfusard acharné. Si le rassemblement a lieu, de l’aveu même de l’organisatrice officielle, ce sont les militants de ce groupuscule bien peu sympathique, crâne rasé et rangers, qui doivent en assurer la « sécurité » ! Bigre, autant confier une allumette à un pyromane assis à coté d’une meule de foin. Pour le journaliste du Figaro, pas de problème, rien à redire, cet apéro est seulement organisé dans un esprit « un brin parigot ». Sidérant. L’initiatrice officielle donc, dénommée Sylvie François, dans une interview dit la même chose, en faisant appel « à l’esprit du Front popu, des congés payés ». Mais, avec des groupes comme Bloc Identitaire, années 30 pour années 30, c’est plutôt à l’esprit des Croix de Feu et du 6 février 34 que l’on pense. On revoit ces sordides rassemblements de parisiens qui criaient dans le quartier latin « Dehors les métèques ! La France aux français », et auquel justement la France du Front populaire s’est affrontée.

M. Ivan Rioufol du Figaro devrait avoir honte d’écrire ce qu’il a écris, car, ce que veulent des groupes comme Bloc Identitaire, n’est pas de lever le coude, mais de tendre le bras ! Si, il l’ignore c’est affligeant, et si il le sait c’est inquiétant.

Pour enfumer encore les esprits, ce même journaliste met en avant l’association nommée Riposte Laïque, elle aussi à l’initiative de ce « coup », pour dire que cet apéro est seulement proposé par des gens de « tendance gauche républicaine ». Minable manœuvre. Mais, c’est là peut être, un des éléments les plus graves de cette sordide histoire. Si ce rassemblement n’avait été impulsé que par des débris de la mouvance ultra droite et autres « fascistoïdes », la cause serait entendue pour tout le monde. Il n’y aurait pas eu de débat. Personne n’oserait en prendre la défense. Mais, la présence des exaltés de Riposte Laïque brouille un peu la photographie. L’observateur faiblement averti s’y perd. C’est le but.

En réalité les choses sont d’une grande simplicité. Riposte Laïque est une association aujourd’hui animée par des racistes, obsessionnellement anti-arabe, qui pensent que l’Islam va anéantir la France. Bric à brac idéologique ramenant tous les problèmes du pays à la présence de musulmans en France, leurs théories sont finalement assez pauvres. Sur leur site, on trouve des pensées aussi puissantes que « En défendant notre saucisson, nous défendons notre civilisation ». On est prié de ne pas rire. Certains des fondateurs de cette revue/association viennent effectivement de la gauche, par contre ce n’est plus le cas aujourd’hui. Ils disent eux-mêmes que le clivage droite/gauche n’existe plus, mais, face à la « déferlante islamique » qu’il « est entre ceux qui veulent voir disparaître la France, et ceux qui veulent la sauver ». L’histoire politique de notre pays est emplie de personnages au même profil, ayant eu des trajectoires de la gauche vers l’extrême droite. Je pense à Jacques Doriot, Marcel Déat et beaucoup d’autres encore. L’honnêteté intellectuelle consisterait à prendre acte que Riposte laïque n’a plus rien à voir avec la gauche, et même la laïcité (et ce depuis longtemps déjà). Mais, on ne s’embarrasse pas de ce genre de détail au Figaro, du moins pas M. Ivan Rioufol.

Pauvre mot de laïcité d’ailleurs, embarqué de force et contre son gré, dans les sacoches des filous qui organisent cet apéro. Les voyous veulent salir ce mot et le transformer en un prétexte à "ratonnade". Et pourtant, la laïcité reste indispensable pour vivre ensemble. Malmenée tous les jours par le gouvernement de Nicolas Sarkozy, et l’ensemble des forces religieuses qui veulent pousser l’avantage, elle doit rester un idéal de fraternité. Elle est au fondement de notre projet de République sociale. Et, soyons franc, bien avant cet apéro minable, il est incontestable que la laïcité est perdue de vue dans le 18e quand plusieurs milliers de personnes prient régulièrement dans la rue. Il faut apporter des solutions efficaces dans le respect de la loi. C’est déterminant. A notre connaissance, les pouvoirs publics maintenant s’y emploient. Il était temps. D’ici 2012, des salles pourront être louées (et non mis à disposition gratuitement) par les associations cultuelles, afin que cessent ces prières dans la rue. Nous serons vigilant à ce que les principes laïques sont rapidement respectés, sinon d’autres provocations identiques verront le jour.

En réaction, hier soir, une réunion unitaire, avec toutes les forces de gauche (PG, PCF, NPA, Verts, etc...) et des associations du quartier, s’est tenue dans l’arrondissement. Selon diverses sources d’informations, conformément à notre demande, il semble que la Préfecture va interdire « l’apéro bidon ». C’est une bonne nouvelle. Un rassemblement de protestation politique a été décidé toutefois, devant l’Eglise Saint Bernard, pour ne pas banaliser ce qui vient de se produire. Il devrait se tenir vendredi soir. Mais, toutes les forces présentes ont bien insisté sur le fait qu’elles ne souhaitaient aucun incident à cette occasion. Le PG sera présent à ce rassemblement. Il reste maintenant à la Préfecture de confirmer officiellement que « l’apéro provocateur » est bien interdit. Si c’est le cas, c’est une victoire démocratique à mettre sur le compte de la mobilisation de la gauche parisienne.

Enfin, tel que je l’avais écrit dans mon précédent billet et dans le communiqué du PG, nous considérons que l’affiche collée sur des murs du 18e, reprenant les lettres « SS » de saucisson, avec une typologie proche de celle utilisée par la Waffen-SS, est une provocation supplémentaire qui doit être condamnée pénalement. Nous n’avons pas changé d’idée, les salauds qui banalisent le nazisme doivent être sanctionnés.

Je conclus en disant : non il n’est pas interdit de manger du saucisson et de boire du pinard à la Goutte d’Or. Et, si un jour c’était le cas, ce serait scandaleux. Il est juste interdit d’organiser une bastonnade contre des immigrés. Celui qui ne voit pas la différence entre les deux, peut aller se faire voir ailleurs. Et je rappelle en conclusion deux choses. Premièrement, les mots de Balzac, écrit en 1846 : "Paris est la ville du cosmopolite et des hommes qui ont épousé le monde". Deuxièmement, que le film qui a sans doute fait le plus connaître le 18e arrondissement, Montmartre et la Goutte d’Or, dans le monde, ces 20 dernières années, a pour titre : Le Fabuleux destin d’Amélie Poulain. L’un des rôles principaux, celui de l’épicier aimé par tout le quartier, est tenu par... Jamel Debouzze ! Voilà Paris, voilà la France, voilà la République. A méditer.

Nota Bene : Quelques heures après la publication de cet article, la Préfecture, conformément à notre demande depuis plusieurs jours, a décidé d’interdire ce rassemblement raciste .Vous pouvez trouver la réaction du PG et ses élus parisiens en allant consulter notre site national.


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