Après Jaurès... Ils insultent Salengro pour salir toute la gauche !

samedi 18 avril 2009.
 

Et de deux… Le clan des Le Pen père et fille continue ses basses œuvres

Il y a quelques semaines, dans la région Sud-ouest, en riposte à un meeting du « Front de Gauche » à Carmaux avec Jean-Luc Mélenchon, le FN avait réalisé une affiche honteuse qui affirmait que « Jaurès aurait voté Front national ». Rebelote, cette fois ci dans la région Nord-ouest, où une autre affiche assure : « Roger Salengro aurait voté Front national ».

Bien sûr, le procédé est d’une grossièreté confondante. Toutefois, je m’étonne que le PS n’ai, à ce jour, pas jugé utile de publier le moindre communiqué de réaction. Peut être ses responsables nous répondront-ils qu’il ne faut pas réagir aux provocations ? Certes. Mais gare, car le malaise dans le peuple de gauche est sans doute bien plus profond que certains le croient rue de Solférino. Cette campagne engagée par le parti d’extrême droite n’est pas anecdotique. Je la crois symptomatique d’une période où il est possible, après leur mort, de détourner de grands noms de la gauche française, pour leur faire dire exactement l’inverse de ce qui a été le sens de l’engagement de leur vie, sans que cela ne suscite de grandes réactions. Et ce n’est pas la première fois, puisque notre actuel Président de la République avait déjà utilisé le même artifice durant sa campagne électorale en se revendiquant lui aussi de Jaurès et de Blum.

Alors, une grande formation de gauche ne peut laisser ce type d’attaque sans réponse. Sans quoi, c’est toute la gauche qui devient suspecte. Avouons-le, récemment les trajectoires d’ex socialistes participant au gouvernement de M. Sarkozy ont rendu ces calomnies crédibles. Ils ont montré que les parcours les plus stupéfiants étaient possibles. N’est-ce pas M. Eric Besson, dirigeant socialiste jusqu’en 2007, qui est désormais le Ministre de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité nationale, poste central dans l’injuste répression contre les étrangers en situation irrégulière ? Et quand la cible est un ancien Maire de Lille socialiste, on est en droit d’attendre mieux, notamment de la part de la première des socialistes, dont on sait qu’elle occupe aujourd’hui les mêmes fonctions que Roger Salengro. Je ne réclame pas un travail d’historien pointilleux en direction de quelques initiés. Je dis qu’il y a un enjeu politique à répondre publiquement, à expliquer, à éclairer, sans quoi les frontières entre droite et gauche se brouillent.

La loi Salengro de 1932 n’existe pas

Dans les périodes de grande confusion intellectuelle, il faut savoir rétablir quelques vérités. Dans le cas présent, en voici quelques unes. Le communiqué de Marine Le Pen justifiant sa campagne d’affiche explique que : « Le 10 aout 1932, Roger Salengro, dirigeant et député actif de la SFIO faisait adopter la « loi Salengro » instaurant « la préférence nationale » ». Cette affirmation est fausse. La loi Salengro de 1932 n’existe pas. Inventée de toutes pièces, cette mystification procède du collage de plusieurs éléments historiques. Pour comprendre, remontons d’abord à août 1931. Le groupe socialiste (dont est membre Roger Salengro) dépose une proposition de loi qui, dans son premier article, interdit durant une période limitée l’entrée des étrangers en France. Pour une grande partie de la gauche, l’immigration est alors un moyen pour les patrons d’exploiter à bas prix des ouvriers étrangers et donc de faire baisser le coût de la main d’œuvre. L’article 2 fixe un seuil maximal de 10 % de travailleurs étrangers dans les entreprises (les étrangers sont alors évalués de 5 à 8 % de la main d’œuvre globale). La loi prévoit des amendes pour les patrons contrevenants.

Tout en réduisant l’accès au marché de l’emploi des travailleurs étrangers, le projet de loi socialiste de 1931 souhaitait étendre leurs droits sociaux en obligeant tout chef d’entreprise à payer les ouvriers étrangers qu’il emploie, « un salaire normal égal pour chaque profession, et dans chaque profession pour chaque catégorie d’ouvriers au taux couramment appliqué dans la ville ou la région où le travail est exécuté. » (art.7) ou même en prévoyant, pour la première fois en France, que « les travailleurs étrangers admis à travailler en France percevront les secours du chômage dans les mêmes conditions que les travailleurs français » (art. 9).

Soyons clair, ce projet de loi aurait été sur plusieurs aspects défavorables aux travailleurs étrangers, mais il n’est en rien comparable à la « préférence nationale » défendue par la FN. Si cette loi avait été adoptée, la grande majorité des étrangers vivant en France auraient vu leurs conditions de travail et d’existence très sensiblement améliorées. Quoiqu’il en soit, les socialistes sont alors minoritaires à l’Assemblée nationale et ils ne feront pas adopter leur loi qui sera combattue par la droite et l’extrême droite car trop favorable aux travailleurs étrangers.

Par contre, un an plus tard, le 10 août 1932, une autre loi est votée, à l’initiative du gouvernement du radical Herriot dont les socialistes ne font pas partie même s’ils le soutiennent sur de nombreux votes. Dans ce texte, des quotas dans certaines branches d’industrie sont fixés à 5 %. On a « oublié » de prévoir l’égalité entre français et étrangers face au salaire et au chômage. Cette loi sera votée par 435 députés de droite et radicaux, les socialistes (dont Roger Salengro) s’abstiendront.

Donc je résume, la prétendue « loi socialiste Salengro de 1932 » de Marine Le Pen, est en réalité une loi Herriot, que Salengro refuse de voter, contradictoire sur beaucoup de points essentiels avec une proposition de loi de 1931 soutenue par Roger Salengro.

Défendre le Front populaire

Si l’on est en droit d’être critique vis-à-vis de la gauche et en particulier des socialistes en matière de politique d’immigration, faisant eux aussi parfois de l’étranger un bouc émissaire (et franchement, pas la peine de remonter aussi loin qu’aux années trente), il n’en reste pas moins qu’il est abject de faire croire qu’un des principaux ministres du gouvernement du Front populaire, voterait FN à présent. Malgré toutes ses insuffisances, la grande œuvre du Front Populaire (photo Blum, Thorez et Salengro), fruit de la combinaison d’une victoire électorale et d’une puissante grève, avec ses augmentations de salaires, ses congés payés, ses réductions de temps de travail, doit rester pour toute la gauche une source d’inspiration. L’extrême droite l’a toujours violement combattu.

Sordide exemple de « l’humour » du FN, en 1936 la plus célèbre « loi Salengro » est celle qui organisa la dissolution des ligues d’extrême droite. Pour se venger, ces dernières menèrent une violente campagne, si calomnieuse contre lui que cela aboutit on le sait, à son suicide le 17 novembre 1936.

Petit détail révélateur, parmi les plus excités qui hurleront quotidiennement dans l’hémicycle contre Salengro, on verra souvent Tixier-Vignancour, dont Jean-Marie Le Pen sera plus tard, le directeur campagne lors de l’élection de 1965 (voir photo). Ne dit-on pas que l’assassin revient toujours sur les lieux de son crime ?

Tout ceci illustre enfin qu’en cette période de crise sociale, il est plus aisé pour le FN d’afficher de grandes figures de la gauche que d’assumer celles des théoriciens racistes et ultra libéraux dont ils sont les héritiers. Le programme économique et social du parti d’extrême droite c’est plus de facilité pour les patrons pour licencier, moins de droits pour les syndicats, suppressions d’emploi dans la fonction publique, la fin des 35 heures, la suppression de l’ISF, l’expulsion massive d’étrangers… Bref, on l’aura compris, une politique qui ressemble plus à celle menée par le gouvernement actuel, qu’à celle de la gauche de Jaurès et du Front populaire.

Jaurès, Salengro… Y aura-t-il une nouvelle provocation ? C’est à craindre. Il se dit qu’un ancien dirigeant du PCF pourrait en faire les frais. Nous verrons.

Idée de campagne pour le FN

Mais, si les Le Pen cherchent une prochaine idée, j’en ai une. La voici. Un maquettiste taquin en a déjà réalisé un projet d’affiche. Elle est prête à l’emploi.

Elle rappelle le visage de celui qui, durant le régime de Vichy, a mis en place une politique appliquant vraiment la "préférence nationale". Elle peut même être suivie par d’autres utilisant les noms de Pierre Laval, Jacques Doriot ou encore les écrivains antisémites Céline et Brasillach dont les ouvrages sont vendus lors des fêtes Bleu-blanc-rouge du FN.

A la différence des deux précédentes, cette nouvelle campagne aurait au moins le mérite d’être dans le vrai.


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message