Messages récents sur notre site concernant les bombes nucléaires d’Hiroshima et Nagasaki

jeudi 12 août 2010.
 

1) Message de Karel Kostal

Réponse à l’article 7 août 1945 En confrontant les archives japonaises, américaines et russes, l’historien américain Tsuyoshi Hasegawa démontre que « rien ne justifiait le recours à l’arme nucléaire »

Le passage suivant me laisse incrédule : « Staline avait de grandes visées en Asie. Truman lui avait fait des promesses territoriales. Mais le maître du Kremlin voulait plus. Il entendait mettre la main sur Hokkaido, la deuxième île du Japon. Pour cela, il lui fallait le temps d’acheminer vers le Pacifique les troupes qui s’étaient battues en Europe. Alors pendant la durée de ce transfert, il a fait capoter toutes les initiatives diplomatiques japonaises visant à faire la paix avec l’Amérique ».

Staline pouvait acheminer ses troupes par voie terrestre, c’était pour lui la seule possibilité, à travers la Sibérie, jusqu’à Vladivostok, le seul port disponible dans cette partie du monde. Tâche difficile, s’il en est, entre Berlin et Vladivostok, c’est la distance entre Berlin et l’Alaska, dans l’autre sens. Et les troupes soviétiques étaient fatiguées. Et après ? Comment s’emparer de l’Ile Hokkaido, comment débarquer sur les côtes japonaises, à 1000 km à l’Est de Vladivostok, comment franchir la Mer du Japon ? L’Union Soviétique n’avait pas de flotte de combat dans le Pacifique, juste quelques navires, aucun véhicule amphibie.

Les Etats-Unis alignaient dans les parages en permanence 10 000 navires de guerre, dont 35 porte-avions, opérationnels jour et nuit. Staline n’avait aucune possibilité de mettre la main sur une île japonaise.

Staline le savait, Truman et Hirohito le savaient également. Staline a certes ordonné à son armée d’attaquer début août 1945, par voie terrestre, l’armée japonaise qui occupait la Mandchourie, de mettre un terme à l’existence du gouvernement fantoche Mandchoukouo, mais la marche de l’Armée Rouge s’est arrêtée sur les rivages de l’Océan Pacifique, forcément.

Karel Kostal

2) Message reçu le 11 août 2010 et justifiant le largage des bombes nucléaires par les USA contre plusieurs articles de notre site

Lorsque l’on visite le parc de la Paix à Hiroshima en prenant son temps et en étant un peu curieux, on remarque dans un endroit assez écarté au bord d’une allée un modeste monument, colonne de section triangulaire de 2 m de haut environ : sur chaque face est gravé un texte, le même en 3 langues (anglais, coréen et japonais), la face visible de la colonne étant celle revêtue de la version en anglais, langue que — contrairement à ce qu’on croit souvent — un grand nombre de Japonais ne comprend pas ou mal : cette orientation ne doit rien au hasard.

Que dit en effet ce texte ? Que, parmi les victimes de la bombe, 10% étaient des Coréens souvent brutalement déportés et devant travailler dans des conditions atroces, etc. Le positionnement de ce monument révèle le minutieux souci des autorités japonaises d’occulter le terrible passé criminel de ce pays et fait partie de cette pénible mentalité "négationniste" contre laquelle une petite et très courageuse minorité se rebelle. Mais, exploitant cyniquement la mauvaise conscience des "Occidentaux" (cf. Le sanglot de l’Homme blanc, livre essentiel de Pascal Bruckner), le Japon entretient cette vision unilatérale de l’Histoire.

Évoquer un fait historique en dehors de son contexte est presque toujours une erreur : le cas de Hiroshima et Nagasaki en constitue une illustration exemplaire.

Or il s’agit d’un cas de conscience particulièrement douloureux et complexe. Quelques éléments vont le faire comprendre.

Ayant perdu toute chance de gagner la guerre dès la fin de 1942, le Japon a totalement perdu en juillet 1945. Toutefois, la dictature militaire au pouvoir continue de vouloir combattre malgré des souffrances croissantes (le bombardement le plus meurtrier de la seconde guerre mondiale fut celui de Tokyo le 10 mars 1945 : largement plus de 100’000 morts le jour même). Et des dizaines de millions de personnes continuent de subir une occupation japonaise de plus en plus féroce en Chine agressée au moins depuis 1931 (cf. les épouvantables massacres de Nankin en 1937, les expériences médicales de l’Unité 231 en Mandchourie, etc.), en Corée (50 ans d’occupation marquées par l’esclavage, la prostitution forcée massive, la volonté de détruire la civilisation et la langue coréennes), l’Indochine (famine au Vietnam due à la conversion de nombreuses rizières en plantations textiles, abominable massacre des Français depuis mars 1945, ...). Chaque jour de guerre supplémentaire signifiait la mort de dizaines de milliers de gens.

Alors que faire ? En gros voici quelles étaient les options envisageables pour les États-Unis :

Option 1 - Poursuivre leur avance, c’est-à-dire, après la conquête de l’île d’Okinawa, débarquer au Japon : en extrapolant les pertes à Okinawa (12’500 tués étasuniens, 110’000 soldats japonais tués, entre 50’000 et 150’000 civils tués), on arrivait à une estimation d’au moins 125’000 morts du côté étasunien (alors que la guerre était déjà gagnée)... et de pertes civiles et militaires 50 à 100 fois supérieures du côté japonais.

Option 2 : "assiéger" le Japon en limitant les pertes étasuniennes en évitant des combats terrestres massifs comme à Okinawa ; en clair, soumettre le Japon à un blocus et à des bombardements massifs, aériens (il n’y a jamais eu de DCA redoutable au Japon : en 1945 les bombardiers pouvaient voler à moins de 1’000 mètres alors qu’ils restaient presque toujours à 5’000 m au-dessus de l’Allemagne à cause de la terrible "Flak") et navals (depuis juillet 1945 les cuirassés étasuniens bombardaient impunément toutes les villes côtières lesquelles regroupaient la majorité de la population). Un vrai massacre : là aussi, il faut parler de dizaines de millions de morts.

Option 3 : signer une paix de compromis, en imaginant que cela ait été possible à des conditions acceptables (notamment l’évacuation immédiate de tous les territoires occupés, Corée et Mandchourie comprises) ; qui peut croire que le régime militariste du Japon l’aurait accepté ? Et combien de temps les négociations auraient-elles duré ?... pendant lesquelles le martyre des pays occupés aurait continué.

Option 4 : sommer le Japon de cesser le combat en le menaçant d’utiliser l’arme nucléaire, quitte à procéder à une "démonstration" (bombardement d’un site inhabité avec ou sans annonce préalable sur le type d’arme employé). Tout d’abord, les États-Unis pouvaient détruire le Japon sans cette arme (cf. supra), cela aurait simplement pris plus de temps : or cette perspective ne faisait pas fléchir le régime japonais. Ensuite, presque personne ne savait ce qu’était une bombe nucléaire ni sa puissance : croit-on que les dirigeants japonais auraient baissé les armes sur menace d’une arme quasi-inconnue ? Enfin, on oublie presque tout le temps que les 2 bombes de 1945 (et il n’y avait plus assez d’uranium ni de plutonium pour en refaire avant plusieurs semaines ou mois) étaient des engins expérimentaux (1 seul essai — réussi — le 16 juillet 1945 pour le type employé à Nagasaki) : pas moyen de procéder à une "démonstration" quelconque et encore moins d’annoncer à l’avance l’emploi de ces armes (imagine-t-on l’effet si l’une, voire les deux, n’avait pas fonctionné ?).

Option 5 : utiliser l’arme nucléaire sans avertissement et plus d’une fois pour faire croire que ce n’était que le début d’une longue série (et les dirigeants japonais le crurent logiquement) et n’annoncer la nature nouvelle de cette arme qu’après et seulement en cas de succès, bien entendu. Ce fut l’option retenue par Truman.

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Même si ce qui précède est un peu long (quoique fort sommaire), on comprendra aisément que le choix était difficile pour les dirigeants étasuniens. Truman a fait le "pari de la bombe" pour essayer de mettre fin rapidement à la guerre : quel dirigeant n’en aurait pas fait autant ? Bien sûr, l’avancée rapide de Staline (qui avait scrupuleusement respecté jusqu’en juillet 1945 le traité soviéto-nippon de non-agression signé en 1940 : il n’eut pas ce genre de délicatesse avec d’autres, demandez aux Polonais) déplaisait terriblement aux États-Unis et seul une capitulation très rapide du Japon limiterait l’expansion soviétique (espoir en grande partie déçu après la victoire de Mao en 1949).

Si on fait abstraction de la Realpolitik et que l’on se place sur le terrain de la morale, laquelle des options précitées fallait-il choisir, sachant que l’inaction condamnait à mort des millions de personnes opprimées par les Japonais ? Personnellement, même si je n’oublie pas les victimes de Hiroshima (ni toutes les autres, même sileur mort fut moins "médiatique"), je pense sincèrement que le choix de Truman fut le moins meurtrier... quelles que soient les raisons que l’on veuille en donner. En tous cas, on est vraiment dans un cas terrible où les "Yaka" sont particulièrement mal venus et même indécents.

Chanteclerc


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