HUCHON INSULTE MELENCHON ET BANALISE LE PEN (28 octobre 2010)

lundi 5 décembre 2016.
 

La veille d’une journée de mobilisation sur les retraites voilà que sur le site internet de l’Express, Jean-Paul Huchon,président PS du Conseil régional d’Ile de France, se lâche... « Son langage (celui de Jean-Luc) est proche de celui de l’extrême droite, mais c’est plus grave que Le Pen ! Il incarne le populisme d’extrême gauche. »

On a beau s’habituer à tout, j’en ai eu le souffle coupé. Si énorme que j’en suis vraiment à espérer qu’à la demande d’explication officielle que notre groupe Front de Gauche & alternatifs lui a fait parvenir dès le 2 novembre par lettre, il nous répondra qu’il s’agit là d’une affabulation du journaliste. Nous attendons un démenti de ces propos ou, au pire, des excuses publiques de Jean-Paul Huchon. Et par la même occasion nous espérons évidemment des réactions solidaires des autres groupes de la majorité dont nos alliés du Front de Gauche, PCF et Gauche unitaire.

Car si ces propos rapportés sont exacts, ils inquiètent à plus d’un titre. Ils sont tout d’abord lourds d’une dérive révisionniste. Dire qu’un homme condamné pour des propos négationnistes est moins dangereux qu’un républicain attaché aux principes de liberté, d’égalité et de fraternité, c’est évidemment relativiser le danger que constituent les actes et idéologies du premier. L’homme dont le parti a accueilli des personnes condamnées pour fait de collaboration serait donc moins dangereux que le président d’un parti dont quatre des conseillers régionaux siègent dans la majorité de Jean-Paul Huchon ? Ce dernier voit-il à quelle logique aberrante peut l’amener de telles grossièretés ? Car s’il a mené une liste de fusion au 2ème tour des Régionales incluant des candidats du parti présidé par un homme plus grave que Le Pen, s’il considère aujourd’hui que sa majorité englobe le groupe Front de Gauche & Alternatifs où siègent les quatre élus du PG (François Delapierre, Audrey Galland, Pascale Le Néouannic et moi-même), comment pourrait-il refuser de faire de même avec des élus du Front National !

J’exagère ? Alors à Huchon d’expliquer pourquoi des élus du FN dont le discours du Président est moins grave que le notre, seraient moins fréquentables que nous ? A cause du clivage gauche/droite ? Mais justement JP Huchon travaille à l’effacer en reprenant le vieux couplet rance, et de droite, sur les extrêmes qui se rejoignent. Il fait même pire puisque pour lui le populisme d’extrême gauche serait pire que celui d’extrême droite… On y reviendra plus loin. En passant il répond implicitement à la question que nous posons au PS : si au 2ème tour de la Présidentielle, le candidat du Front de Gauche est en tête de la gauche, appellerez vous à voter pour lui face à la droite ? Manifestement si c’est Jean-Luc Mélenchon, Jean-Paul Huchon pourrait lui préférer la droite, voir l’extrême-droite si le FN était son opposant ou tout au moins s’abstenir ! Les démocrates de tout bord apprécieront sûrement cette banalisation des idées de Jean-Marie Le Pen ! Quand au peuple de gauche il sera sûrement étonné de cette leçon d’unité contre la droite.

LES DIVISEURS

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DERRIERE LA CRITIQUE DU POPULISME, UNE FRACTURE DE CLASSE

Mais revenons à l’autre partie de l’accusation de Huchon : le populisme. A force, l’accusation portée à notre encontre, renseigne surtout sur ceux qui la portent. D’autant que la plupart la font avec cette morgue aristocratique qui caractérise la caste de ceux qui estiment n’avoir même pas besoin d’argumenter face à la « populace ». C’est d’abord venu de certaines rédactions. La palme revient à Ruth Elkrief, peut-être l’inspiratrice de Jean-Paul Huchon. Dans un débat qu’elle organisait sur BFM-tv, Ruth Elkrief déclarait en effet au sujet de JL Mélenchon « c’est du populisme, c’est la même chose que Le Pen ». Et comme Philippe Cohen, de Marianne, stupéfait lui demandait sur le plateau « Vous êtes sûre que c’est la même chose ? », elle répondait « Oui je ne choisis pas entre les deux ». Voilà qu’elle a remis cela vendredi sur BFM avec cette fois pour invitée Marine Le Pen. La « journaliste » n’a eu de cesse d’interroger la fille du chef sur les similitudes entre son discours et celui de JL Mélenchon. Tout ça parce que sur les retraites, Marine Le Pen rompt sensiblement avec le programme du FN (on a vu plus haut qu’il est en réalité sur cette question proche de Sarkozy et de l’UMP) en s’opposant avec la réforme et, sans rentrer dans détail, en expliquant qu’on devrait taxer les revenus du capital. Si elle faisait son métier et non de la propagande, Elkrief lui aurait alors demandé pourquoi sur cette question, elle évoluait sur la logorrhée habituelle du FN pour, au final, reprendre ce qu’ avancent les syndicats et une bonne partie de la gauche (il n’y a heureusement pas que nous à gauche qui parlons de taxer le capital !) mais puisque Mme Elkrief a décidé que « c’est la même chose que Le Pen », mieux vaut entretenir cette propagande nauséabonde en rapprochant Mme Le Pen de Jean-Luc. Cette fois c’est une autre référence à Sartre qu’il convient d’utiliser : la nausée…

Ce week-end c’était autour de Daniel Cohn Bendit d’entamer le même air dans le JDD : « c’est du populisme de gauche réactionnaire. Mélenchon fait du Chavez alors que ce dernier est déjà une catastrophe au Venezuela ». Au moins on ne pourra pas reprocher à Dany de ne pas mettre du contenu à sa critique. Il donne même la clef pour comprendre l’ire de tous ceux qui vont bêlant : « populisme ! ». Avec sa dénonciation de Chavez, il indique en effet sa cible : les révolutions citoyennes d’Amérique latine et la lutte sans compromis qui y est menée contre les oligarchies. Au passage on pourrait sourire de cette leçon faite à Chavez qui préside un pays où le peuple est amené à voter plus que partout ailleurs alors que le grand démocrate qu’est Cohn Bendit, n’a pas hésité à soutenir le contournement du suffrage universel qu’a constitué le Traité de Lisbonne après le non référendaire au TCE. Le futur consultant de foot (le JDD lui prête cette reconversion) a, lui, suffisamment de culture politique pour savoir que le titre « Qu’il s’en aille tous » du livre de Jean-Luc Mélenchon est la traduction du « que se vayan todos » du Président équatorien Rafael Corréa. En associant dans la même critique le président du PG et Chavez, Cohn Bendit est cohérent avec la politique menée concrètement par les socio-libéraux de tout poil et plus précisément la social-démocratie en Amérique latine. Partout ils choisissent en effet de soutenir ou même de représenter directement le camp de la réaction face à la gauche latino-américaine. Y compris au Brésil où leur candidat José Serra, soutenu à la fois par le Parti Vert, les milieux financiers et le pape, s’est fait balayer dimanche par Dilma Roussef, la candidate du PT au 2ème tour de l’élection présidentielle par 58 à 42 % ! 9a Dany c’est un score qui nous plait vois-tu…. Comme quoi finalement cette polémique sur le populisme révèle une fracture de classe qui se lit même à l’échelle internationale. Car c’est bien de cela qu’il s’agit et que la période de crise du capitalisme révèle toujours plus crument.

Du côté de la droite, Sarkozy applique, dans ses déclarations et sa politique, une politique de droite, une politique de classe froide et brutale. Le problème c’est que la gauche n’assume pas pareillement son héritage et son rôle historique. Engluée dans l’accompagnement du libéralisme qui marque la social-démocratie depuis trop longtemps, elle n’oppose pas au système en crise la cohérence d’une alternative radicalement différente. Qu’un ancien ministre, responsable d’un parti qui prétend gouverner ce pays, dise vouloir faire à gauche ce que Sarkozy a dit et est en train de faire à droite et tous ceux qui se satisfont en réalité très bien de la marche du monde capitaliste se déchaînent. Veulent-ils battre la droite et Sarkozy ou défendre leur rente électorale ? S’ils veulent nous convaincre de la première option alors qu’ils laissent l’anathème méprisante et qu’ils débattent sur notre programme que Jean-Luc rappelle dans son livre : une constituante pour une 6ème république parlementaire, sociale et laïque, le partage des richesses, la sortie du traité de Lisbonne, la planification écologique et une politique étrangère tournée vers le respect du droit international, la paix et l’indépendance vis-à-vis de l’impérialisme américain ce qui implique la sortie de l’Otan et de nos troupes du bourbier afghan. Car pour l’heure ils nous persuadent un peu plus toujours que ce n’est pas le populisme qu’ils rejettent mais sa racine : le peuple.

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