Cancun : Le réchauffement climatique se poursuit. Le rôle essentiel est joué par les émissions de gaz à effet de serre (par le vice-président du GIEC)

mardi 30 novembre 2010.
 

À quelques jours de la conférence de Cancun au Mexique, le vice-président du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat, Jean Jouzel, se montre assez pessimiste.

Quel est l’état de la connaissance scientifique du réchauffement climatique  ?

Jean Jouzel. Le groupe de travail du Giec sur l’état des connaissances scientifiques devrait achever son rapport d’ici à fin 2013. De premiers enseignements peuvent déjà être tirés. Les émissions de gaz à effet de serre continuent de progresser. La crise économique a provoqué un léger recul en 2009 mais depuis elles sont reparties à la hausse de façon importante. Deuxième enseignement : le climat continue de se réchauffer même si, comme l’a montré le plateau du début des années 2000, le phénomène n’est pas linéaire. La première décennie de ce siècle est la plus chaude que nous ayons connue. Nous sommes sur une tendance de progression située entre 0,1 et 0,2 degré par décennie conformément aux prévisions du premier rapport.

Concernant les causes du réchauffement, rien dans l’état des connaissances scientifiques ne m’apparaît de nature à remettre en question son caractère anthropique et le rôle essentiel joué par les émissions de gaz à effet de serre. À mon avis, rien ne permet non plus de réévaluer l’impact de causes naturelles comme le forçage solaire.

Concernant, l’évolution à venir du climat, des simulations sont en cours. Leurs résultats seront connus à partir de l’année prochaine. Quoi qu’il en soit, nous constatons que le réchauffement climatique se poursuit et il pourrait être très important d’ici à la fin du siècle. Je rappelle que pour le contenir dans la limite de 2 degrés, il faut diviser par deux, voire trois, le volume des émissions d’ici à 2050 par rapport à leur niveau de 1990. Cet objectif sera d’autant difficile à atteindre que nous ne sommes toujours pas parvenus à stabiliser les émissions.

Le Giec a décidé de modifier son fonctionnement. Quelles corrections seront apportées  ?

Jean Jouzel. L’audit sur les procédures de fonctionnement du Giec est une demande du Giec lui-même et de l’ONU. Il a été réalisé par le conseil interacadémique qui regroupe les académies des sciences de plusieurs pays. L’audit est accompagné de trois types de recommandations. Les premières qui sont d’ores et déjà mises en œuvre visent à rendre encore plus rigoureuses les procédures d’écriture des rapports pour s’assurer que les commentaires des relecteurs soient intégrés correctement ou pour, au fur et à mesure des étapes de rédaction, mieux débusquer les erreurs et les corriger.

Le Giec va aussi se doter d’outils de communication et d’information, peu efficaces jusqu’à présent, ce qui aboutissait à des simplifications ou à des déformations outrancières de ses travaux.

Le troisième type de recommandations porte sur la gouvernance du Giec et vise à introduire encore plus de transparence. Un groupe de travail a été désigné pour faire des propositions afin de les mettre en œuvre dans un avenir proche.

Qu’attendez-vous de Cancun  ?

Jean Jouzel. Je reste assez pessimiste. Je crains que ce sommet ne suffise pas à relancer le processus pour aboutir à l’accord de réduction des émissions dont nous avons besoin pour contenir le réchauffement dans la limite de 2 degrés d’ici à la fin du siècle. Les négociations achoppent sur les intérêts contradictoires d’États comme la Chine et les États-Unis. Enfin, la récente victoire des républicains au États-Unis, qui sont en grande majorité hostiles à tout effort de leur pays en faveur du climat, vient encore plus compliquer les négociations.

Entretien réalisé par Pierre-Henri Lab


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