La destruction programmée de l’école publique par la Ve République (Chronologie 2002-2011)

mercredi 26 octobre 2011.
 

L’Éducation Nationale est actuellement l’objet d’une série de contre-réformes qui visent à démanteler ce qui restait de l’école républicaine. La logique qui prévaut est uniquement comptable (LOLF), l’ensemble des mesures qui en découlent se fait dans cet esprit de réduction de postes (RGPP) et de casse des statuts des personnels. On tend à faire disparaître tout cadrage national que ce soit au niveau des diplômes ou du fonctionnement des établissements et du statut des enseignants. Ces contre-réformes s’inscrivent dans le processus de Bologne et la stratégie de Lisbonne qui ont pour but de libéraliser ce secteur qu’est l’éducation pour en faire « une économie de la connaissance ».

2002

— Début de la mise en place de la réforme LMD à l’Université (Licence master doctorat), suppression du diplôme du DEUG à bac+2 et de la maîtrise à bac+4. Fin du cadrage national des diplômes et multiplication de l’offre de formation (contenu du diplôme propre à chaque Université, création des bi-licences…). Ouverture à l’entreprise par la mise en place des licence-pro, des stages en entreprise… Les parcours de formations sont découpés en « unités d’enseignement ». Chacune a une valeur définie en crédits européens, les ECTS ( système européen de transfert et d’accumulation de crédits)

2003

— Juin 2003 : réforme du statut des MI-SE qui deviennent AE (assistants d’éducation) : recrutement par le chef d’établissement et non plus par le rectorat, augmentation du nombre de leur mission, annualisation de leur temps de travail, même salaire pour plus d’heures de travail, plus de représentation en CPCA…

2005

Loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école de Fillon du 23 avril 2005 dite Loi Fillon qui prend appui sur la loi d’orientation Jospin de juillet 1989

Principales dispositions :

— Au collège : mise en place du Socle Commun des Connaissances et de Compétences, entraînant la réécriture de l’ensemble des programmes et création du « livret de compétences » destiné à suivre l’élève jusqu’au brevet : « la scolarité obligatoire doit au moins garantir à chaque élève les moyens nécessaire à l’acquisition d’un socle commun constitué d’un ensemble de connaissances et de compétences qu’il est indispensable de maîtriser pour accomplir avec succès sa scolarité, poursuivre sa formation, construire son avenir personnel et professionnel et réussir sa vie en société. » (cf rapport Thélot)

Le Socle commun réduit à un minimum le savoir que doit posséder un élève le réduisant à des compétences minimalistes : « maîtrise langue française », « maîtrise des principes des éléments de mathématiques », « culture humaniste et scientifique permettant le libre exercice de la citoyenneté », « pratique d’au moins une langue étrangère », « maîtrise des techniques usuelles de l’information et de la communication », « acquisition de compétences sociales et civiques », « autonomie et initiative ». Le terme « savoir » a quasiment disparu ; c’est le seul terme de « compétence » qui prévaut (cf le livre A l’école des compétences de Angélique del Rey, « la Découverte »).

Devenu obligatoire à la rentrée 2010 pour l’obtention du brevet, les académies traînent à en donner les résultats, car près de 100 % des élèves l’ont obtenu (dans de nombreux établissements : refus de remplir le livret, possibilité de le valider par bloc en dernier ressort, c’est le chef d’établissement qui valide)

— Réforme des EPLE : développer leur autonomie en prenant appui sur le projet d’établissement « qui vise à mobiliser les équipes pédagogiques pour améliorer la performance des élèves ». Cette disposition prévoit la mise en place dans chaque établissement d’un contrat d’objectifs qui « définit des objectifs à atteindre à une échéance pluriannuelle (de 3 à 5 ans) ».

— Création du conseil pédagogique dont l’application a été fortement contrariée par les appels au boycott lancés par les syndicats, mais il a été mis en place dans la plupart des établissements. C’est le chef d’établissement qui nomme des représentants des disciplines, en théorie volontaires. Il ne fait pas partie des obligations statutaires de l’enseignant ce qui permet de résister à sa mise en place. C’est l’un des leviers pour la mise en place de l’autonomie des établissements (on y débat de la DGH, du projet d’établissement…)

— Rattachement des IUFM aux universités, premier pas vers la Mastérisation. (Les IUFM ont été créés en 1990 remplaçant les écoles normales pour former professeurs des écoles, collèges et lycées. Ce sont les recteurs et les inspecteurs qui font le choix des formateurs- souvent contestés par les enseignants stagiaires pour leurs choix pédagogiques et l’infantilisation qui y règne (cf le livre La ferme aux professeurs de F. Vermorel). Il existe en France 32000 IUFM où y travaillent 4500 formateurs à temps plein et 2000 à temps partiel.

— D’autres dispositions ne seront pas appliquées comme la réforme du bac, contestée par les syndicats et les lycéens, elle sera remise à l’ordre du jour en 2009.

— Création du PPRE (projet personnel de réussite éducative) dans les ZEP : « à tout moment de la scolarité obligatoire, lorsqu’il apparaît qu’un élève risque de ne pas maîtriser les connaissances ou les compétences indispensables à la fin d’un cycle, le directeur d’école ou le chef d’établissement propose aux parents ou au responsable légal de l’élève de mettre en place un PPRE ». Il s’agit d’un contrat signé par l’élève, les parents, le professeur principal, le chef d’établissement qui cible les difficultés de l’élève. Dans les faits, ce contrat n’a rien d’individuel, car le professeur qui a dans son service le PPRE est souvent face à plus d’une dizaine d’élèves, cela revient à un cours de soutien en math ou français, mais demande à l’équipe enseignante une paperasse lourde et inutile.

— loi Montchamp qui prévoit la scolarisation des enfants handicapés dans l’école de leur quartier. Sous couvert d’intégration de ces nouveaux publics, on supprime les classes à effectifs réduits dans les écoles spécialisées, de postes d’enseignants spécialisés itinérants, disparition programmée des médecins scolaires. En parallèle, les EVS pour la maternelle et les AVS pour le primaire sont chargés de l’insertion des enfants (ce sont en réalité des contrats précaires, appelés « contrat d’avenir », CDD de 26h payés au SMIC soit environ 700 euros). Nombreux de ces postes sont réduits d’année en année, ce sera aux professeurs des écoles d’assumer cette mission

— multiplication des partenariats entre les établissements scolaires et les entreprises (cf circulaire du 28 mars 2001 « Code de bonne conduite des entreprises en milieu scolaire »)

— remplacement des professeurs absents pour une durée inférieure ou égale à deux semaines par les collègues. Il existe un protocole propre à chaque établissement. Cela a pour conséquence l’allongement du temps de travail, une atteinte au statut national et permet de masquer la pénurie de remplaçants)

2006

Loi organique relative aux lois de finances (LOLF) -68 articles au lieu de 45 de l’ordonnance du 2 janvier 1959- adoptée au 1er janvier 2001, entre en vigueur dans l’Éducation Nationale, dans un premier temps sous forme expérimentale pour les académies de Bordeaux et Rennes, puis pour l’ensemble des académies. Avec l’entrée de la LOLF c’est désormais 100 % du budget de l’Éducation Nationale qui est voté au parlement au lieu de 6 % auparavant (le reste étant reconduit annuellement). C’est la nouvelle politique budgétaire en matière d’Éducation adoptée par le ministre de l’Économie de l’époque L. Fabius

Le vote du budget s’accompagne de la définition d’un projet annuel de performances à atteindre sur cinq ans.

La LOLF par les contrats d’objectifs essentiellement comptables qu’elle impose aux services publics à tous les niveaux de leurs interventions, réduit de fait la portée de leurs missions et place les personnels et les établissements dans une logique de concurrence permanente, désastreuse et bien plus coûteuse pour la collectivité que les économies qu’elle est censée réaliser.

Elle a trois objectifs affichés :

— réformer le cadre de la gestion publique pour l’orienter vers les résultats,

— assurer la transparence des informations budgétaires et le contrôle parlementaire,

— favoriser le débat stratégique sur les finances publiques (source Minefi, direction du budget, février 2002).

L’application de cette loi a commencé le 1er janvier 2002 et sera achevée au 1er janvier 2006 On organise le « passage d’une culture de moyens à une culture de résultats » (source Minefi) (culture du résultat, management appliqué aux services publics -déconcentration, contractualisation, démarche qualité, contrôle de gestion, pilotage de la performance, évaluation sur objectifs définis et engagement sur les résultats…-.)

Les chefs d’établissement deviennent des « gestionnaires » et les enseignants des « salariés »>

Elle oblige à utiliser des Indicateurs de performances (ex : ISA indice synthétique d’activité) (cf les hôpitaux), des points par élève (ISQ indice synthétique de qualité : écart entre résultats attendus et constatés, des indices de performance (croisement ISA et ISQ : efficience des établissements). À terme, elle vise à créer une concurrence entre les établissements publics et entre les établissements publics et privés.

Autre nouveauté la « fongibilité » : caractéristique de crédits dont l’affectation dans le cadre du programme n’est pas déterminée de manière rigide, mais simplement prévisionnelle, elle laisse la faculté de définir l’objet et la nature des dépenses dans le cadre du programme pour optimiser la mise en œuvre. C’est un nouveau pas vers l’autonomie des établissements.

En résumé, la LOLF a pour objectif la baisse des dépenses publiques comme objectif en soi, on ne réfléchit plus aux objectifs que l’on assigne à des services publics, ni aux besoins de la population ; elle conduit à éliminer la dépense publique et à terme le service public

— mise en place des établissements RAR (Réseaux, ambitions réussite, à la rentrée 2011, les établissements primaires RAR sont entrés dans le dispositif ECLAIR (cf plus bas)

— circulaire sur méthode de lecture de Robien

— en langues vivantes, application des nouveaux programmes CERL (Cadre européen des références des langues)

— Loi de rénovation du dialogue social dans la fonction publique qui menace de disparition les syndicats obtenant moins de 10 % aux élections professionnelles et tend vers un moindre pluralisme syndical.

2007, arrivée au pouvoir de N. Sarkozy

— Gratuité des lycées français et baisse en parallèle de la contribution des entreprises, qui sont pourtant souvent des grands groupes. (ce qui représente 100 millions d’euros en 2010, 700 millions en 2007 pour toutes les classes depuis la maternelle et concerne 100000 expatriés).

La RGPP : C’est la Révision Générale des Politiques Publiques (RGPP) qui met en place le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux. Elle concerne à la fois tous les ministères et leurs opérateurs et les services rendus aux usagers et sur les fonctions de support au sein de l’État. Elles fondent les économies structurelles de la loi de programmation des finances publiques 2009-2011 (LOLF) En mai 2009, un rapport d’étape sur la RGPP présenté par le ministre des finances met en évidence « la transformation profonde et visible de l’État par la RGPP ». Elle vise à réduire drastiquement la dépense publique en matière d’Éducation, à partir de là découle une série de réformes qui n’ont que ce but inavoué sous couvert de réformes pour la réussite des élèves, enfin pour garantir sa mise en place, elle a besoin d’un autre levier : celle de la casse des statuts de mai 1950 des enseignants qui définissent leurs droits et obligations.

Dans l’Éducation Nationale, ce sont 8700 postes supprimés en 2007, 11200 en 2008, 13500 en 2009, 16000 en 2010. Soit 50 000 depuis 2007 et 30 000 de 2003 à 2007 soit 80 000 depuis 2002. (Voir articles dans A Gauche n° 1183, 1217) dont 25000 dans le premier degré. À la rentrée 2011, ce sont encore 16000 postes supprimés dans l’Éducation nationale. En parallèle, le ministère se gausse d’avoir embauché 16000 nouveaux agents, on se souvient du recrutement très médiatisé organisé par Pôle emploi en juin dernier.

Les services administratifs sont aussi touchés par la RGPP et se retrouvent dans une situation impossible pour faire appliquer les nouvelles réformes. Les mesures de suppressions de postes, la politique de déconcentration et de décentralisation de la gestion produisent des effets alarmants sur les personnels : « en difficulté psychologique, voire en souffrance », une « fragilisation croissante des personnels »… (cf Rapport de l’Inspection Générale de l’Administration de l’Éducation nationale et de la recherche de juin 2010)

— Deuxième volet de cette politique : l’Autonomie des établissements réalisée dans le supérieur avec la loi LRU, en germe au lycée avec la réforme Darcos, elle se met également en place au primaire avec les EPLE pour lesquels les regroupements de classes et d’écoles sont légion. C’est ainsi que l’on fabrique des écoles primaires de plus de 700 élèves.

LRU à l’Université : loi du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités (dite loi LRU ou loi Pécresse, communément appelée loi d’autonomie des universités. La loi LRU prévoit principalement que, d’ici au 1er janvier 2012, toutes les universités accèdent à l’autonomie dans les domaines budgétaire et de gestion de leurs ressources humaines et qu’elles puissent devenir propriétaires de leurs biens immobiliers. Les Universités gèrent leur budget, la dotation de l’État comporte trois masses : la masse salariale, les autres crédits de fonctionnement, les crédits d’investissement. Le montant global est prévu dans le contrat pluriannuel d’établissement. Elles peuvent faire appel à des fonds privés par la création de « fondations ». Elles ont la possibilité de recruter en CDI et CDD, elles sont mises en concurrence et peuvent organiser des regroupements d’établissements, modifier le recrutement des enseignants, avec des présidents d’Université aux prérogatives élargies, aux CA siègent un nombre élargi de représentants extérieurs nommés par le président de l’Université. Depuis sa mise en place, certaines Universités ont augmenté fortement leurs frais d’inscriptions, mais ils restent fixés par l’État.

— Mise en place de la commission sur la condition d’enseignant par X. Darcos avec à sa tête Marcel Pochard

— 7 juin 2007 : comité de pilotage de la conférence nationale sur les rythmes scolaires, mais qui ne verra pas le jour avant 2013 (cf plus bas).

— Juillet 2007 circulaire accompagnement éducatif élargi en 2008 au primaire pour les ZEP puis généralisé en 2009, en réalité il n’est pas mis en place partout et s’il l’est, c’est de manière différente.

— Fin de la carte scolaire : assouplissement lancé à la rentrée 2007, il a ensuite été poursuivi et accéléré par Xavier Darcos. Le ministre de l’époque, présente cette disposition comme « une mesure de justice sociale ».

— juin 2007 : décret instituant le « Livret de compétences » de l’école primaire au collège. Depuis la rentrée 2009, il est généralisé à tous les collèges. Il est utilisé à l’école primaire depuis 2008. On individualise les parcours, on raisonne en fonction de l’employabilité des élèves, à terme ce sera la fin des diplômes (comme le brevet) reconnus par les conventions collectives. Ce livret informatisé participe au « fichage des élèves ».

2008

Publication du livre vert sur la condition enseignante : Rapport Pochard remis à X. Darcos le 4 février 2008. Présidée par M. Pochard, la commission se composait de personnes issues du monde universitaire, de la recherche, du monde politique, de la fonction publique, de représentants du monde économique.

Le rapport comprend deux parties : 1ere partie : « les enseignants à l’aube du 21ème siècle », 2ème partie : » quelles perspectives pour les enseignants ? ».

Ces propositions prônent une autonomie plus grande des établissements, une annualisation des horaires des élèves, une définition locale des missions des enseignants dans le cadre d’un contrôle renforcé du chef d’établissement et d’une promotion au mérite, une individualisation des profils de poste, l’imposition aux professeurs d’un temps obligatoire à passer dans l’établissement, la mise en place d’une évaluation standardisée des savoirs et des compétences définies dans le socle commun mis en place en 2005. Ces orientations seront des références incontournables pour les réformes qui suivront.

Loi Carle : (10 décembre 2008 prise sur la base de la loi sur la décentralisation du 13 août 2004)

— Elle met en place le financement des écoles primaires privées par les communes de résidence des élèves même si ceux-ci sont scolarisés dans une autre commune. Un recours a été déposé devant le Conseil d’État. À rapprocher de la fin de la carte scolaire (Voir articles dans A Gauche n° 1185). L’article 89 de la loi Carle aggrave la loi Debré du 31 décembre 1959

— Elle reconnaît les diplômes de l’enseignement supérieur catholique puis protestant : accords Vatican-Kouchner de décembre 2008 puis annonce par Sarkozy de l’équivalent pour l’enseignement supérieur protestant le 27 mai 2010. (Voir article dans À GAUCHE n°1216).

— Elle permet la formation des enseignants du public dans le privé : via la mise en place des PRES (pôles de recherche et d’enseignement supérieur), des instituts confessionnels privés vont délivrer des diplômes permettant, en complément du concours, de devenir enseignant. De même, des instituts privés se proposent de se substituer aux IUFM pour aider les futurs enseignants à prendre en charge une classe, eux qui n’auront plus de formation pratique.

— Un accord signé le 18 décembre 2008 entre la République française et le Saint-Siège sur l’enseignement supérieur : donne au Vatican, le droit de délivrer des diplômes sur le territoire de la République dans toutes les disciplines. C’est la fin du monopole des universités publiques en matière de la collation des grades.

Il s’agit d’une véritable alliance objective entre l’enseignement privé catholique et les partisans d’une politique néolibérale : pour le privé, c’est la possibilité de scolariser le plus grand nombre d’élèves possibles, de l’autre côté, c’est intérêt à libéraliser tous les biens et les services publics (cf Accord Général sur le commerce des services)

— La réforme de l’enseignement primaire

Parmi les principales dispositions :

C’est la « réorganisation du temps scolaire : le temps annuel d’enseignement est abaissé de 936 h à 864h »

C’est « la suppression des cours le samedi matin qui fera passer la durée hebdomadaire des enseignements de 26 à 24h ce qui doit permettre de dégager du temps au profit de l’accompagnement éducatif pour les enfants en difficulté »

En 2009, une évaluation sera mise en place au CE1 et en CM2. Elles auront pour rôle de repérer et mesurer les progrès de l’élève. » Ces diverses dispositions ont eu pour conséquence :

— La suppression des cours le samedi entraînant la perte de 72h de cours sur l’année (c’est la semaine de 4 jours), 2h par semaine soit l’équivalent d’un trimestre sur une scolarité. Pour compenser cette réduction, les enseignants doivent assurer 60 h d’aide individualisée et consacrer 12h à leur formation.

— La mise en place d’une base de données nationale nommée « Base élève » comprenant notamment de nombreuses informations relatives au contexte familial de l’élève

— La réforme de l’enseignement professionnel :

La réforme de l’enseignement professionnel lancée en décembre 2007 par X Darcos aboutit à un protocole d’accord signé par 6 syndicats.

Les principes du protocole sont :

— « D’assurer aux jeunes une formation de niveau 5 et leur offrir un parcours allant du CAP au BTS, de créer un cadre de référence pour un baccalauréat professionnel en 3 ans, développer les passerelles entre les filières professionnelles, technologiques et générales »

— « D’améliorer l’orientation dès le collège avec des parcours de découverte des métiers dès la classe de 5e »

— « D’accompagner les personnels pour faciliter la mise en œuvre de cette réforme »

Le bac professionnel en 3 ans était déjà expérimenté depuis 2003 : disparition du BEP, donc d’un niveau de qualification, au profit d’un bac pro en trois ans.

— Cette réforme marque la perte d’une année de formation (Bac pro sur 4 ans) et une réforme des programmes (apprentissage de compétences, de savoir-faire et savoir-être au détriment de la transmission d’une culture solide).

— Les LEP deviennent EPLP (Établissements publics Locaux d’Enseignements) : leur fonctionnement dépend des orientations pédagogiques d’une administration aux prérogatives élargies jusqu’au pouvoir de noter les enseignants.

— C’est la fin du diplôme professionnel national par l’évaluation des connaissances au niveau local et inégalité face au diplôme puisque sa valeur dépend désormais en grande partie de la renommée de l’établissement qui le délivre.

— On crée les « lycées des métiers » dans lequel il est question d’introduire des structures semi-privées de type CFA ou GRETA.

— Cette réforme met en péril la filière professionnelle par la déprofessionnalisation, la réduction de la formation générale, un accroissement des périodes de formation en entreprise, une extension du CCF, la mise en difficulté des élèves les plus faibles. Son principal objectif : une gestion comptable et financière du système éducatif.

2009

— Jusqu’en 2009 : liste complémentaire de recrutement au concours maintenant supprimée.

— Rentrée 2009 : création d’internats d’excellence. Il s’agit de la poursuite de la discrimination positive initiée dès 2001 avec par exemple le Concours IEP Paris pour les milieux défavorisés par R. Descoings : sur critères sociaux, certains bons élèves sont retirés de leur établissement réputé « difficile » afin de suivre leur cursus scolaire dans un internat d’excellence, c’est une chance pour eux, mais quid des autres ?

— Rentrée 2009 généralisation : parcours de découverte des métiers de la cinquième à la terminale

— La réforme du lycée :

La réforme du lycée est mise en place par L. Chatel après avoir été soumise au vote du CSE (cf le rapport Apparu et le rapport Descoings).

Les principaux points de la réforme reposent sur trois objectifs :

— « Mieux orienter chaque lycéen pour en finir avec l’orientation-couperet, avec le délit d’initié, avec une voie exclusive d’excellence »

— « Mieux accompagner chaque lycéen pour éviter les décrochages, pour développer l’autonomie, pour permettre d’atteindre l’excellence »

— « Mieux adapter le lycée à son époque ».

En réalité, ces dispositions redéfinissent le métier d’enseignant, encore une fois le gouvernement ne s’en prend pas frontalement aux statuts, mais il tente de les contourner en dénaturant les fonctions de l’enseignant et en multipliant ses tâches :

— les tâches non pédagogiques se multiplient : réunions diverses, orientation, accompagnement scolaire s’ajoutent au temps nécessaire pour la préparation des cours, l’actualisation des connaissances

— la « liberté pédagogique » est de plus en plus encadrée par l’accroissement des pouvoirs des chefs d’établissement, notamment avec la création du Conseil pédagogique (cf plus haut)

— les suppressions de postes, les classes plus chargées, les emplois du temps de plus en plus compliqués viennent alourdir le travail de correction des copies et aggraver la fatigue de la journée

— les programmes s’élaborent dans des commissions fermées, sans véritable consultation des enseignants et de leurs syndicats.

— mise en place de l’accompagnement personnalisé, du tutorat et des stages, sans moyen supplémentaire.

— on va vers la fin du redoublement comme c’est déjà le cas dans le primaire et au collège par des parcours à la carte (60 % de tronc commun et 40 % de modules complémentaires choisis par l’élève.

— on réduit le nombre d’heures de cours (un lycéen français avait entre 28 h et 35 h de cours par semaine, après la réforme ce chiffre sera réduit à 27 h de cours).

En résumé, cette réforme a surtout permis de supprimer des milliers de postes.

— enfin, elle renforce l’autonomie des établissements, les CA disposent d’un nombre d’heures qu’ils sont libres d’utiliser pour renforcer tel ou tel choix pédagogique : demi-groupe, langues… L’enseignement commun à tous les établissements est réduit à un minimum puis chaque établissement est libre d’organiser ses enseignements. En seconde par exemple, elle instaure une flexibilité dans les enseignements en mettent en place des passerelles entre les disciplines ainsi que la semestralisation de certains enseignements. Le ministre L. Chatel le dit lui-même : « mais je ne peux pas à la fois donner leur autonomie aux établissements et exiger que les pratiques soient partout identiques » (entretien du 4 novembre 2010 dans le livre Le pacte immoral de S. Coignard…)

— La réforme de la formation des enseignants dite « Mastérisation » :

Cette réforme vise plusieurs objectifs :

— « élever le niveau de qualification des personnels enseignants au moment du recrutement »

— « intégrer la formation des maîtres dans le dispositif LMD : à terme les enseignants qui seront recrutés disposeront d’un master »

— « préserver les possibilités de réorientation pour les étudiants qui ne seraient pas recrutés »

— « préparer progressivement au métier avant les concours. Les étudiants pourront suivre des stages d’observation et de pratique accompagnée et des stages en responsabilité dans des classes »

— « offrir des mécanismes d’encouragement et de promotion sociale pour ceux qui se destinent à l’enseignement »

Dans le même temps, il est prévu via la mise en place des PRES (pôles de recherche et d’enseignement supérieur de recourir aux instituts confessionnels privés pour délivrer des diplômes permettant, en complément du concours de devenir enseignant.

L’application de ces dispositions a surtout permis une restructuration en profondeur des universités en relation avec la loi LRU, la mise en cause des masters et du lien entre enseignement et recherche.

Dans les faits :

— cette réforme met en péril l’existence même des concours nationaux et fragilise ainsi le statut d’enseignant-fonctionnaire, statut indispensable à l’autonomie des professeurs les protégeant des éventuelles pressions de leur hiérarchie. Pouvant relayer des intérêts locaux de toute nature (économiques, idéologiques…)

— c’est la disparition de l’année de formation « pratique », l’année de « stage ». Déjà les enseignants recrutés en 2010 ont été envoyés à temps plein dans les classes. Dans le secondaire jusqu’alors, les enseignants assuraient au maximum 6h de cours devant les élèves et suivaient en parallèle une formation en IUFM. Cette année d’enseignant-stagiaire permettait une entrée dans le métier « en douceur », bien que les IUFM soient très controversés, ils avaient au moins le méritent de se faire rencontrer de nouveaux enseignants qui pouvaient échanger sur leurs pratiques. Dorénavant, ils sont envoyés 18h devant les classes pour les certifiés et 15 heures pour les agrégés (temps plein), sans formation. Nombreuses ont été les démissions. Enfin, les stagiaires ne connaissent pas la même organisation de leur formation d’une académie à l’autre puisque les dispositifs de formations sont désormais « pilotés » localement, on assiste à la disparition d’un cadre national organisant la formation initiale et définissant le statut du professeur-stagiaire.

Encore une fois, l’occupation de postes à 18h par ces stagiaires permet de réduire le nombre de postes puisqu’ils occupent dorénavant des temps pleins.

2010

— Conséquences des réformes précédentes : septembre 2010 : 16000 professeurs sans formation

— Été 2010 : suppression des allocations familiales en cas d’absentéisme selon une grille.

— Rentrée 2010 recrutement sur master professionnel

— Pénurie de remplaçants. Les TZR (titulaires zone de remplacements) sont de plus en plus affectés sur des postes à l’année. En cas d’absence d’un enseignant, les rectorats peinent à trouver des remplaçants autrefois souvent TZR (multiplication des contractuels, des vacataires remplacement par des étudiants en Master pro…). Les TZR peuvent maintenant être nommés sur trois établissements différents et on a élargi la zone géographique sur laquelle ils peuvent être nommés.

— Multiplication au collège et lycées de l’expérimentation (ex. : cours le matin et sport l’après-midi…) Cela permet d’augmenter encore davantage l’autonomie des établissements et de désorganiser encore un peu plus leur fonctionnement au niveau national. À terme ; autant de fonctionnements différents que d’établissements. Quid de l’égalité républicaine en matière d’enseignement sur le territoire français ?

— Avril 2010 : États généraux de la sécurité à l’école :

Son but officiel est « d’apporter un éclairage sur les causes, les définitions et les évolutions de la violence en milieu scolaire et permettre de proposer des réponses multiformes sur ce sujet complexe. Des professionnels de l’éducation et des partenaires institutionnels et associatifs sont rassemblés pour échanger et présenter des mesures concrètes afin d’endiguer ce phénomène ».

Face à la multiplication des intrusions, agressions et meurtres durant l’année scolaire 2009-2010, Luc Châtel a convoqué au printemps les états généraux de la sécurité à l’école. Au programme, portiques de sécurité, liaison avec la police…

— Poursuite de la réforme des lycées : La réforme du lycée a également porté sur les programmes. En terminale S l’histoire et la géographie sont supprimés et deviennent optionnels (voir communiqué : « La peur du citoyen » et article dans A Gauche n°1194). En seconde la réorganisation de l’enseignement des SES conduit l’APSES à parler de dénaturation de cette matière. En terminale, en dépit d’un vote négatif au CSE, les contenus de cette matière sont revus dans le sens d’une plus grande adéquation avec les nouvelles théories de management et les épreuves du bac réduites à un contrôle de connaissances. Ces évolutions sont aussi perceptibles dans d’autres matières avec la mise en place du LPC.

— Juin 2010 : installation du comité de pilotage de la conférence nationale sur les rythmes scolaires :

Le ministre a fixé deux objectifs à la conférence :

— « remettre à plat la question des rythmes scolaires »

— « améliorer les conditions de vie et d’apprentissage des élèves ».

Le 4 juillet 2011, le comité de pilotage rendu son rapport au ministre qui a indiqué qu’il allait engager des « concertations afin de décider concrètement des mesures qui pourraient entrer en vigueur en 2013. La présentation du ministère revient sur certains acquis (utilité de la baisse des effectifs par classe, prise en charge spécifique de la grande difficulté) et fait craindre un recentrage sur les savoirs fondamentaux au détriment des apprentissages culturels, artistiques et sportifs. (Voir A Gauche n°1215).

— 2010-2011 : mise en place du programme CLAIR (collège et lycées pour l’ambition, l’innovation et la réussite) et ECLAIR dans les écoles primaires (écoles, collèges et lycées pour l’ambition, l’innovation et la réussite.

Le programme CLAIR a été mis en place dans une centaine d’établissements en 2010-2011 ; il est étendu à la rentrée 2011 à la plupart des écoles et des collèges des réseaux « ambition réussite » devenant le programme ECLAIR.

Les objectifs affichés sont :

— « améliorer le climat scolaire et faciliter la réussite de chacun »

— « renforcer la stabilité des équipes »

— « favoriser l’égalité des chances »

— « ce programme prévoit des innovations en matière de pédagogie, de vie scolaire et de ressources humaines ».

En réalité, les objectifs principaux du dispositif étant le contournement de nombreuses dispositions statutaires :

— recrutement des enseignants par les chefs d’établissement sur entretien professionnel (contournement du dispositif de mutation des enseignants en vigueur au niveau national)

— poste à profil et lettre de mission (les enseignants sont recrutés sur lettre de missions pour trois ans et doivent respecter le projet pédagogique de l’établissement, cela permet encore une fois de contourner les statuts)

— expérimentations qui dérogent aux programmes nationaux, autonomie pédagogique des établissements, le conseil pédagogique jusqu’alors « coquille vide » prend sa pleine place dans le système.

— nomination d’un préfet des études au sein des enseignants ou des CPE, chargé de veiller à l’application de la lettre de missions.

Treize syndicats ont lancé une pétition « NON aux ECLAIRS, OUI à une éducation prioritaire ».

- Mise en place des jardins d’éveil : privatisation de l’éducation de la petite enfance, recul de la scolarisation dès 2 ans. Réforme Morano. (Voir articles dans A Gauche n° 1186, 1214) Un nouveau décret relatif aux établissements et services d’accueil des enfants de moins de six ans a été publié le 8 juin 2010 au Journal officiel. Il assouplit les conditions de diplômes pour les professionnels encadrant les enfants. Il prévoit des règles spécifiques pour les microcrèches (dix places maximum) et les jardins d’éveil (enfants de plus de deux ans). Les professionnels du secteur ont multiplié les mobilisations contre ce texte depuis l’automne 2009. Dans la continuité du précédent décret sur le secteur, datant de 2007, le nouveau texte assouplit les règles concernant l’encadrement et les qualifications des professionnels présents auprès des enfants. Et il officialise, au-delà de l’expérimentation prévue par le décret de 2007, l’existence des microcrèches.

2011

— Avril 2011 : consultation ministérielle sur un projet de réforme de l’évaluation des enseignants visant à mettre en application dans l’Éducation nationale le décret de juillet 2010 stipulant le remplacement de la notation par un entretien individuel dans la fonction publique.

— Rentrée 2011 : mise en place du dispositif ECLAIR dans le primaire. Face à la résistance des établissements au dispositif CLAIR, le Ministère met cette année l’accent sur le primaire. Dans certaines communes, les établissements secondaires sont cernés par des établissements ECLAIR, premier volet à leur généralisation. Quant aux personnels de ces établissements, ils sont pour le moment dans « le flou » en ce qui concerne les conséquences de ce passage dans ce dispositif. Tous les établissements RAR (primaires et secondaires) passent en CLAIR et ECLAIR

— Les conséquences de la RGPP se poursuivent, fermeture de classes, augmentation des effectifs (16000 postes supprimés à la rentrée)…

— Mise en place d’une épreuve « d’Histoire des Arts » au collège pour l’obtention du DNB (aucun cadrage national, absence de rémunération pour le jury, interdisciplinarité forcée, risque pour l’art plastique et la musique puisque d’autres disciplines sont à même de s’en occuper…)

— Progressive disparition des RASED mis en place en 1990. Les RASED ont pour mission de fournir des aides spécialisées à des élèves en difficulté dans les classes ordinaires des écoles primaires, à la demande des enseignants de ces classes, dans ces classes ou hors de ces classes. Ils comprennent des enseignants spécialisés chargés des aides à dominante pédagogique, les “maîtres E” (difficultés d’apprentissage), des enseignants spécialisés chargés des aides à dominante rééducative, les “maîtres G” (difficultés d’adaptation à l’école), et des psychologues scolaires.

— réforme de la STI, devenue STI2D (postes menacés, absence de définition des nouvelles épreuves du baccalauréat…)

— Le RIME (Répertoire interministériel des Métiers de l’État) appliqué à l’Éducation nationale a été présenté par le Ministre au Comité Technique Paritaire Ministériel en juillet 2011. Il s’agit de renommer les fonctions des personnels dans l’Éducation nationale afin de détruire leur statut actuel. Par exemple, les COP deviendraient « Conseiller d’orientation » afin de permettre la mise en place de leur polyvalence dans les CIO labellisés Pôle Emploi ; le CPE serait « responsable des activités éducatives », il pourrait alors compléter ses missions en dehors de ses missions statutaires…)

2012

— Loi Cherpion : Ce dispositif pourrait être appliqué dès la prochaine rentrée scolaire. Il remet en cause le droit à la scolarisation des élèves (réduction à 15 ans voire 14 ans de l’âge minimum d’entrée en apprentissage, des parcours dits d’alternance personnalisée dès la 4ème ou la 3ème, ouverture de l’apprentissage aux entreprises de travail temporaire). Il s’agit donc aussi d’une attaque contre les lycées professionnels.

— Circulaire de rentrée 2011 : Stages de remise à niveau des élèves de CM2 à la fin du mois d’août au collège pour préparer « l’école du socle » ; au lycée, stage de remise à niveau pendant les vacances ; EIST -enseignement intégré de science et technologie- dans les ECLAIR -un même enseignant pour la SVT, la physique et la technologie- ; le PDMF -le parcours de découverte des métiers et des formations- pour tous les élèves de la 5ème à la Tale doit se concrétiser dans les enseignements disciplinaires et dans le temps spécifique d’information sur les métiers ; ATP généralisé à la rentrée 2013 pour toutes les classes. ; réduction des redoublements ; « contrat d’objectif » pour les établissements dans le cadre du projet d’établissement…)

— Menace sur le statut des COP par la labellisation dans le cadre de « l’orientation tout au long de la vie » et l’accueil dématérialisé par la plate-forme ONISEP, la labellisation permettrait la fusion et la fermeture de dizaines de CIO remettant en cause la proximité voulue par le décret de 1971)

— Arrêt des contrats des CUI (contrat unique d’insertion) de la région parisienne, dont le non-renouvellement des CAE aussi appelé « médiateurs de réussite éducative (contrat de 2 ans 20 heures payées au SMIC)

— Menace sur le Baccalauréat (cf. polémique sur la fraude cet été)

L’ensemble de ces réformes constitue un vaste puzzle dont les objectifs sont fixés depuis plusieurs dizaines d’années que ce soit en France, au niveau européen ou encore de l’OCDE : l’État se désengage pour laisser la place à un vaste marché de l’éducation. On peut conseiller la lecture de trois livres fondamentaux pour comprendre les rouages de ces contre-réformes :

La revanche du parti noir — la lente mise à mort de l’école publique, M. Eliard, M. Godicheau, P. Roy, édition abeille et castor, 2011 De l’école, JC. Milner, 1984 (réédité récemment) Quelle République sauvera l’école républicaine ?, M. Sérac, PIE, 1985 Ainsi que la lecture d’un rapport qui permet de mieux comprendre la manière dont les gouvernements s’y prennent pour parvenir à leurs fins sans susciter de conflits :

— La faisabilité politique de l’ajustement, C. Morrisson, Cahier de politique économique, n°1, OCDE, 1996


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