13 janvier 1963 : Assassinat par la France de Sylvanus Olympio (président élu du Togo)

mardi 13 février 2024.
 

La famille du président du Togo tué en 1963 réclame l’accès aux archives françaises

Le 13 janvier 1963, le président du Togo, Sylvanus Olympio, figure de l’indépendance, était assassiné. Il n’y a jamais eu d’enquête sérieuse sur les auteurs et le mobile de ce meurtre. Sa famille souhaite aujourd’hui « connaître la vérité » et demande à avoir accès aux archives officielles de la France, laquelle a été au cœur des événements de cette époque.

1) Les circonstances probables de l’assassinat de Sylvanus OLYMPIO

Dès les années 1940, Sylvanus Olympio apparaît comme le principal initiateur d’un courant autochtone soucieux de l’avenir du Togo qui va devenir indépendantiste.

Le 8 décembre 1946, Sylvanus Olympio est élu député et président (cinq ans durant), de la première assemblée représentative du Togo, après que son parti (CUT Comité pour l’Unité Togolaise) ait raflé la presque totalité des sièges.

Pour contrer l’évolution indépendantiste du CUT, l’administration française :

- fait muter Olympio à Paris par son employeur

- fomente une scission et un concurrent au CUT

- traduit Olympius devant la justice qui lui réclame cinq millions de francs d’amende et lui ôte ses droits civiques

Le 27 avril 1960, l’indépendance du Togo est proclamée.

Le 9 avril 1961, Sylvanus Olympio est élu premier président de la République du Togo.

A Paris, le pouvoir gaulliste craint que l’autonomie politique d’Olympio, peu susceptible de sympathie socialiste mais attaché aux intérêts du Togo lui-même, ne le conduise à mettre en danger les intérêts économiques français.

Le samedi 12 janvier 1963, vers 23 heures, des soldats français démobilisés de la Guerre d’Algérie, pénètrent dans la maison du président. Sa femme ayant entendu le bruit et des tirs ayant raisonné, Sylvanus se cache dans une vieille voiture de l’ambassade américaine, jouxtant sa résidence. Les "soldats" fouillent partout à la recherche du président et emportent tous les objets de valeur. Au petit matin, n’ayant pas trouvé celui-ci, ils en informent l’ambassadeur de France.

En métropole, les medias informés par le pouvoir ont déjà annoncé la mort d’Olympio. Il faut donc le trouver rapidement et l’exécuter sinon le gouvernement va se trouver en position très inconfortable. L’Ambassadeur français appelle son homologue américain pour lui demander si Olympio ne se serait pas réfugié dans ses locaux vu qu’ils jouxtent sa demeure. Les Américains trouvent dans leur ambassade le président togolais et en informent les Français qui envoient aussitôt leurs mercenaires pour récupérer le président, conduit alors dans la caserne du régiment français interarmes où il est rapidement exécuté.

La version officielle impute le meurtre au sous-officier Eyadéma qui remplacera plus tard Olympio comme président.

L’affaire vient de rebondir ce 7 septembre 2011 avec la révélation d’un témoin affirmant que c’est un gendarme français qui a mis fin aux jours du président élu du Togo. Voir ci-dessous...

Jacques Serieys

2) Communiqué d’ATTAC Togo

Les Togolais exigent la vérité sur le rôle joué par la France dans l’assassinat du père de l’indépendance du Togo

Le mercredi 07 septembre 2011 dernier, lors des audiences publiques de la Commission Vérité-Justice-Réconciliation (Cvjr) du Togo consacrées aux événements tragiques de l’assassinat du premier président du Togo, un des intervenants qui répondait au nom de Douti et qui se présentait comme ancien cuisinier du feu Sylvanus Olympio a mis en cause la France dans l’assassinat du père de l’indépendance du Togo. Devant les Commissaires de la Cvjr, M. Douti a déclaré que « c’est un gendarme français qui a abattu S. Olympio en 1963, et non pas Eyadèma Gnassingbé, comme on aime à le dire ».

Ces graves déclarations remettent au goût du jour, le sujet polémique sur le rôle que les autorités françaises ont joué, en janvier 1963, dans le crime odieux et crapuleux du premier président du Togo.

La responsabilité de la France dans cette période douloureuse de l’histoire du Togo n’a jamais été sérieusement envisagée malgré de multiples déclarations qui engageaient la France dans cette affaire. Une vraie omerta ayant été instituée sur l’évocation de ces événements qui ont radicalement changé le cours de l’histoire du Togo.

C’est pourquoi, vu les derniers développements dans cette épisode sombre de l’histoire du Togo, Attac Togo demande :

1 - La mise sur pied d’une commission d’enquête internationale sur l’assassinat du président Sylvanus OLYMPIO.

2 – La mise sur pied d’une commission parlementaire française pour faire la lumière sur l’implication de la France dans l’assassinat du président Sylvanus OLYMPIO

3 – La déclassification de tous les dossiers pouvant permettre à l’établissement de la vérité.

4 – A toutes les associations et ONG internationales de se saisir de ce dossier pour qu’une pression internationale soit menées afin que les autorités françaises puissent accomplir un devoir de mémoire vis-à-vis du peuple togolais.

Seule la recherche de la vérité permettra au peuple Togolais de se réapproprier son destin en sortant de la brume épaisse dans laquelle il a été plongé à partir des faits historiques sciemment tronqués qu’on lui a servi depuis des décennies. Et cette libération doit commencer par la vérité historique sur l’assassinat de Sylvanus OLYMPIO, le Père du Togo libre.

Fait à Lomé le 15 septembre 2011 ATTAC TOGO

3) Assassinat de Sylvanus OLYMPIO le 13 janvier 1963 au Togo

http://lajuda.blogspot.com/

Le 27 avril 1960, le Togo, sous la direction de Sylvanus Olympio, proclama son indépendance après la tutelle française qui a suivi la colonisation allemande. Deux ans plus tôt, les populations du territoire du Togo avaient voté pour l’affranchissement de cette tutelle après une série de tentatives d’étouffement et de trucages électoraux opérés par l’administration française qui ne voyait pas du tout d’un oeil favorable les démarches émancipatrices du peuple du Togo. Pour retarder les choses ou les bloquer, la France avait estimé que le Togo lui devait 800 millions de francs, ce qui, selon les autorités françaises, équivalait aux dépenses que la tutelle aurait coûté. M. Olympio en homme avisé, comprit très tôt qu’un pays qui se proclame indépendant tout en étant "endetté" ne saurait être libre. Ainsi, consacrait-il deux ans avec l’effort du peuple à travailler pour payer ces 800 million de francs et pour doter le pays de quelques infrastructures à la mesure de l’évènement à célébrer en 1960.

Mais la France n’entendait pas laisser faire. Le général De Gaulle au pouvoir dans ces années-là considérait que l’indépendance de ses territoires d’Afrique doit se faire dans le cadre qu’il aura défini. Et ce cadre doit garantir ses divers intérêts coloniaux. Cette vision des choses heurtait les convictions du peuple, de M. Olympio et ses amis pour qui l’indépendance du Togo devrait se caractériser par :

. une vision sociétale qui met les citoyens du Togo au centre de toutes les préoccupations et non les intérêts occidentaux. . la rupture avec le franc CFA (Franc des colonies françaises d’Afrique) et une autonomie de battre monnaie. . la construction d’infrastructures pour rendre viable l’économie togolaise notamment un port autonome à Lomé. . la révision des contrats miniers notamment celui sur le phosphate que la France exploitait gratuitement depuis de longues années déjà. . l’absence de coopération militaire avec la France car le Togo entendait construire une armée faite uniquement de gendarmerie et de police. . le développement accéléré des secteurs clés à savoir : l’agriculture pour nourrir les populations, la santé et l’éducation.

La France voyait là de graves menaces. Après son opposition à la construction d’un port maritime à Lomé sous le prétexte que le Dahomey à côté en avait un en construction, la France voyait un danger encore plus grand qu’elle devrait juguler. Sylvanus Olympio voulait rompre avec le franc CFA et battre sa propre monnaie. A cet effet, il avait donc préparé avec la banque de France un accord de rupture qui devait être signé le 15 janvier 1963. La menace se fit plus précise, lorsqu’après échec de toutes les tentatives françaises de le dissuader allant des propositions les plus mirobolantes à la menace de mort, Sylvanus Olympio lança un appel d’offre d’émission qui fut remporté par l’Angleterre qui émettrait une nouvelle monnaie qui serait garantie par l’Allemagne.

La France voyant que rien n’arrêtait les indépendantistes du Togo a décidé de mettre fin à la vie de l’homme qui pilotait la machine. Car si le Togo réalisait son projet monétaire, la toile de la zone franc que la France avait patiemment tissée autour de ses proies africaines aura cédé et les proies pas totalement mort se seraient libérées. Et le plan de "l’indépendance-collaboration" aura vécu. La France va se servir des seconds couteaux démobilisés en Algérie pour abattre Sylvanus Olympio. Le scénario est simple : la France va pousser ces soldats coloniaux, des tirailleurs sénégalais qui avaient combattu contre leur propre continent pour que vive le pouvoir colonial à aller demander leur intégration dans l’armée nationale du Togo indépendant. La France était convaincue que Sylvanus Olympio qui fut aux antipodes de ces tirailleurs et qui n’entendait pas avoir une armée de militaires, s’opposera à cette demande. Et ce fut le cas. Le prétexte fut ainsi tout trouvé. Sylvanus Olympio était immédiatement dépeint comme un tyran dont la haine est orientée contre les gens du Nord notamment les Kabyè. La nuit du 12 au 13 janvier 1963, la France lâcha ses caniches derrière le président Olympio qui trouva refuge au sein de la résidence de l’ambassadeur des Etats-Unis d’Amérique. Ce dernier, Leon Pollada, informa aussitôt les autorités françaises qui y avaient envoyé les tueurs l’abattre, sous le patronage du commandant de la gendarmerie Georges Maîtrier. Le matin du 13 janvier à 07 h, M. Olympio fut abattu. Eyadéma Gnassingbé revendiqua publiquement l’assassinat (mais Eyadéma dira plus tard que ce n’était pas lui qui avait tiré sur le président laissant croire à l’oeuvre d’une main française directe. Laquelle ? Quelques sources avaient évoqué le nom de Georges Maîtrier lui-même.). Et la France officielle pleura de chaudes larmes de crocodile. Cet assassinat porte la marque de la France car, la mort du président Olympio fut annoncée par la radio France Inter à 06 h du matin, soit une heure à l’avance. Comme ce fut le cas avec le coup d’état contre Mamadou Tandja du Niger en février 2010 qui fut annoncé par Bernard Kouchner avant même sa réalisation sur le terrain.

La parenthèse autonomiste fut fermée ainsi dans le sang. Le 13 janvier 1963 a été décrété le jour de la fête de libération nationale. Cette fête macabre célébrée, jusqu’à une date récente où elle a été ralentie, tous les ans avec faste et grandioses défilés civilo-militaires enregistrait toujours la participation des officiels français et d’autres pays aussi bien de l’Ouest que de l’Est à qui des décorations diverses sont accordées. Le territoire, depuis cette date, est depuis lors plongé sous un régime militaro-policier et remis dans le bain franco-africain. L’assassinat d’un premier président élu africain après l’assassinat un peu plus tôt du premier 1er ministre en la personne de Lumumba au Congo signa ainsi le début de la fin de la marche de peuple africain vers son indépendance.

Le 19 septembre 2009, nous écrivions ceci dans une interview réalisée avec Camus Ali du Lynx : "En procédant à l’assassinat de Sylvanus Olympio, la France et les USA ont installé au Togo par le truchement de soldats anti-indépendantistes, incultes et aliénés pro-colonialistes, le chaos. Ils ont semé le crime qui, en se reproduisant dans une impunité absolue, ne cesse de ronger l’âme de notre peuple. C’est en cela que la lutte pour notre affranchissement reste entière. Nos ancêtres l’ont commencée. Ils ont été écrasés. A nous de reprendre le flambeau en ayant la capacité de ne pas répéter certaines de leurs erreurs."

Pour finir, disons que le meilleur hommage que nous puissions rendre à tous ces martyrs africains, c’est, tout en tirant tous les enseignements de leurs oeuvres, de perpétuer leur combat pour l’avènement d’une Afrique totalement libérée, reconstruite et définitivement protégée contre toute agression coloniale.

Komla KPOGLI


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