Pour 2012, les enseignants reviennent à leurs premières amours : la gauche

samedi 22 octobre 2011.
 

Ils ont longtemps formé un électorat acquis au Parti socialiste. C’est dans leurs rangs que se recrutaient souvent les militants de ce parti, actifs aussi dans les syndicats et les réseaux d’éducation populaire. Le PS les pensait définitivement de gauche et, de préférence, à ses côtés.

En 2007, pourtant, les enseignants avaient été nombreux à choisir François Bayrou. A sept mois de la présidentielle de 2012, les candidats à la primaire socialiste, mais aussi les écologistes et la gauche radicale tentent de les séduire en soutenant leurs revendications et en participant aux manifestations organisées par leurs syndicats.

Sont-ils réceptifs à ces sirènes ? Les enseignants qui ont répondu à l’appel à témoignages du Monde.fr ont surtout une envie, qu’ils crient presque : en finir avec le sarkozisme.

Ces internautes disent qu’ils n’en peuvent plus de la "destruction programmée du système scolaire". Ils se révoltent contre la redéfinition des tâches des enseignants et contre la surcharge des classes.

Ils utilisent des mots crus pour exprimer leur ras-le-bol de la droite au pouvoir : "dégager" Sarkozy, "tout sauf l’aut’con", "Sarkozy dehors !". "Parce que le quotidien devient insupportable", explique Serge M. professeur de 60 ans, dont "trente-cinq (...) d’enseignement". " J’AI VU L’EFFET SARKO DÉTRUIRE CE EN QUOI JE CROYAIS" Théodoric D., 51 ans, professeur de lettres, assure que "l’actuel président a fait détruire la formation des professeurs et encourage le mépris des professions intellectuelles". Ce sont surtout les "dégâts" dans l’éducation nationale, dont ils disent avoir été les témoins directs depuis près de cinq ans, qui les font réagir. "J’ai vu l’effet Sarko, ces dernières années, détruire ce en quoi je croyais : une école laïque, ouverte à tous, qui s’occupe des plus démunis et des plus faibles", dit Anne G. jeune professeure de SVT (sciences et vie de la terre) à Bordeaux. "Notre président actuel saccage l’école ! Je voterai pour la gauche, peu importe le ou la candidate, c’est une question de survie", proclame Alice M., professeure à Paris.

Même élan de rejet pour Phil R. professeur des écoles qui dit :"François ? Martine ? Ségo ? Qu’importe pourvu que tous ces ’pauvres cons’ se cassent." Ils se disent sans illusion sur l’alternance annoncée mais la souhaitent de toute force : "A nouveau Sarkozy et je démissionne", assure Philippe L., Nîmois de 51 ans. Ils sont indécis quand ils doivent dire pour qui ils vont voter mais gardent une boussole : "Je ne sais pas encore pour qui voter mais je sais déjà pour qui je ne voterai pas", écrit Filip V., professeur d’anglais de 50 ans, suivi de Jean-Michel S. prof de sciences économiques et sociales, à Orléans.

... La très grosse majorité de nos interlocuteurs penche à gauche. Le vote utile est un souci très présent, poussant à voter PS dès le premier tour, comme l’explique Véronique D. "J’ai tellement peur de voir repasser Sarkozy que je ne prendrai pas de risques", dit-elle." Je ne peux plus travailler pour une République qui crache sur ses valeurs et sur ceux qui sont chargés de les appliquer. Hollande, Royal ou Aubry, peu importe, mais, par pitié, que l’on cesse d’assassiner l’éducation des jeunes !", clame Aurélie, enseignante de 30 ans à Créteil.

Ce rejet du sarkozisme ne vaut cependant pas blanc-seing à la gauche. Ils n’espèrent d’elle qu’une chose : "sauver l’école". "Je voterai pour le candidat qui mettra le paquet sur l’éducation", indique Hervé G., professeur retraité. "Je voterai pour un candidat qui proposera d’arrêter de faire crever les profs au boulot et d’insulter les fonctionnaires",note Denise L., professeure de lycée en Côte-d’Or.

Nombreux sont ceux et celles qui avouent attendre encore de voir ce que les candidats vont leur proposer. "J’aurai tendance à favoriser les intentions et les personnalités que je pense sincères et (...) une équipe au pouvoir capable de vivre avec son temps", indique Jean-Louis D., 54 ans, de l’Ariège, ajoutant qu’il préférerait "voter pour une candidate". Certains sont plus convaincus de leur choix socialiste et indiquent même leur préférence dans la primaire citoyenne. Ceux-là donnent un léger avantage à Martine Aubry, parce qu’elle est ressentie comme celle"qui défend le mieux les valeurs de la gauche". Le nom de François Hollande vient juste derrière pour sa "priorité donnée à la jeunesse". Mais la surprise de notre échantillon est la proportion importante de choix - pratiquement d’égale importance - en faveur des deux outsiders de la gauche, Eva Joly (Europe Ecologie-Les Verts) et Jean-Luc Mélenchon (Front de gauche).

La première est choisie parce qu’elle porte les exigences écologistes. "Je vote Eva Joly parce que les socialistes n’ont pas encore tout à fait compris que l’écologie est devenue une nécessité", plaide Christophe G., professeur de lycée à Bellegarde-sur-Valserine (Ain). Même volonté pour Christian S., qui veut"infléchir le programme socialiste en faveur de l’écologie". Le parcours politique et personnel de l’ancienne magistrate séduit aussi beaucoup. "Nous avons besoin d’un regard neuf sur la politique", souligne Charles P., qui se dit "enseignant désabusé". Frédéric B., instituteur de 38 ans à Vendôme (Loir-et-Cher), vante"sa droiture et son intégrité", quand André H., professeur de l’Institut universitaire de formation des maîtres (IUFM), loue sa volonté de "moraliser la vie publique".

Plus à gauche, c’est M. Mélenchon qui attire. Le vote d’extrême gauche, qui s’était fortement porté sur Olivier Besancenot en 2007, notamment parmi la jeune génération enseignante, se tourne vers le candidat du Front de gauche. Lui, au moins, n’aurait "pas de mépris pour les profs", argumentent-ils. Ils veulent une"gauche de combat", y compris sur les questions liées à l’école, et le justifient :"Mélenchon a une vision saine de l’école, et c’est le seul dont on peut penser qu’il campera sur ses principes", pense Michel G., de Sète."C’est celui dont la vision de l’école est plus proche de ma vision égalitaire et émancipatrice de l’accès au savoir", conclut Henry H., professeur de sciences physiques.

Au final, peu hésitent vraiment. La profession semble être revenue à ses premières amours : la gauche. Au premier comme au second tour.

LEMONDE.FR Sylvia Zappi


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