Qui conseillait les fascistes pinochétistes pour liquider leurs opposants ? Walter Rauff, général nazi protégé par les services secrets occidentaux

samedi 29 octobre 2011.
 

Après la CIA et ses « bijoux de famille » qui n’en avaient que le nom, c’est au tour des services secrets allemands (BND) de faire le ménage dans leurs archives. Outre-Rhin, la presse a passé au crible les neuf cents pages de documents déclassifiés. Nauséabond et affligeant. Ainsi apprend-on, dans l’hebdomadaire Der Spiegel, que le BND a eu recours aux « offices » de Walter Rauff. Un nazi notoire, qui plus est responsable de crime contre l’humanité. Ce dignitaire SS, qui participa à l’invasion de la Pologne, et fut chargé d’exterminer les juifs d’Afrique du Nord, n’est autre que l’artisan « des camions de la mort », ces « chambres à gaz mobiles » où périront 100 000 personnes en Pologne, en Allemagne et en Ukraine. Ces actes barbares n’empêchent en rien son recrutement. « Dès le départ, nous savions avec qui nous travaillions, vu que Rauff n’a jamais caché son passé », indique une note interne datant de 1984.

À la fin de la guerre, le nazi fuit l’Europe et se réfugie en Amérique latine. C’est là-bas que le service fédéral de renseignement le recrute. Le fond de l’affaire est aussi lugubre que l’objectif poursuivi. La guerre froide est à son apogée. La lutte contre le communisme fait rage. La fin justifie alors tous les moyens. Ainsi, en échange de 2 000 marks mensuels (une coquette somme pour l’époque), Walter Rauff alias Enrico Gomez est chargé de surveiller la région et plus particulièrement les faits et gestes du leader de la révolution cubaine, Fidel Castro. L’agent V-7410 est médiocre. Son travail « dans son ensemble est sans grande valeur », rapporte encore le BND. Mais l’individu a pourtant joui des faveurs accordées aux espions de son espèce, dont deux entraînements spéciaux dans son pays natal alors qu’il est déjà sous le coup d’un mandat d’arrêt de la justice allemande…

Avec son arrestation en 1962 à Punta Arenas, au Chili, le BND met fin à cette gênante collaboration. Un an plus tard, Rauff est relaxé, ses crimes de guerre ayant été prescrits par la justice chilienne. Ses frais d’avocats seront réglés rubis sur l’ongle par les services secrets en échange de son silence sur ses agissements. Après le coup d’État au Chili, la vieille taupe nazie conseillera les sbires de Pinochet pour assassiner les opposants politiques au dictateur.

Le recrutement de Walter Rauff est « indéfendable à tout point de vue, moralement et politiquement », a reconnu Bodo Hechelhammer, directeur du groupe de recherche sur l’histoire du BND, fondé par Reinhard Gehlen, figure de la Wehrmacht et responsable du renseignement à l’Est en 1944. Bien que figurant parmi les criminels les plus recherchés dans les années 1980, Walter Rauff est mort en 1984, sans être inquiété.

Cathy Ceïbe, L’Humanité


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