CONFEDERONS-NOUS ! Tribune libre d’Eric COQUEREL (MARS) dans Politis

mercredi 10 janvier 2007.
 

L’année 2006 s’est conclue par un échec. Les forces ou courants de gauche qui ont appelé à voter non au traité constitutionnel n’auront pas voulu ou su transformer les aspirations antilibérales du peuple de gauche en force électorale.

Rarement la gauche de transformation n’aura trouvé circonstances aussi favorables pour changer la donne et renvoyer les socio-libéraux au statut minoritaire qui pourrait être le leur. Résultat ? Elle se retrouve dans l’incapacité de peser réellement sur les élections présidentielles ! Au Parti socialiste, les courants de gauche vont faire campagne pour une tenante du « oui » au TCE qui ne cache pas ses sympathies pour le Blairisme et a pris le programme de son parti - cette synthèse que nombre de leurs ténors brandissaient comme preuve de leur influence retrouvée ! - pour un chiffon de papier.

A « gauche » du PS, Jean-Pierre Chevènement a rallié Ségolène Royal dès premier tour pour de maigres garanties de survie électorale. On se demande encore comment le pourfendeur du « pareil au même » en 2002 va convaincre ses militants que la relance de l’Europe à partir des régions ou le possible droit de véto de ces dernières sur des décisions de l’Etat - entre autres « idées » avancées par la candidate - se marient aisément avec leur culture républicaine ? A l’extrême gauche on n’attendait rien d’Arlette Laguiller et de Lutte Ouvrière. Un peu plus d’Olivier Besancenot et de la LCR qui vont retrouver la posture favorite du « on vous l’avait bien dit » comme si leur décision de s’écarter du processus unitaire n’avait été d’aucun effet sur son issue.

Car on sait donc désormais que « nous » - la gauche antilibérale - ne serons pas à même de rebattre les cartes de cette élection. Nous serons donc tombés devant l’obstacle d’une 5ème République qui n’en finit plus de personnaliser le débat politique. Notre diversité était telle - une richesse aussi ! - que nous savions périlleux de vouloir la synthétiser en une seule figure.

La raison initiale de notre échec vient de là : certes nous affirmions en coeur vouloir subvertir, au cours même de la campagne, ce régime présidentiel que notre programme se fixait pour priorité d’abolir mais combien, parmi les sensibilités ou les principales personnalités de notre démarche, ont réellement cru possible d’imposer notre collectif de porte parole au même titre que celui ou celle que nous aurions retenu pour le bulletin de vote ? Or cette construction qui a fait le succès des meetings de la campagne référendaire et de ceux de novembre dernier n’était pas seulement la manière de contourner cette difficulté objective mais bien la condition d’un bon résultat. Car soyons convaincus qu’il n’y aura pas dans notre pays de transformation sociale sans un changement radical de ses institutions. Forgées historiquement pour un homme providentiel, elles sont en effet désormais parfaitement adaptées au bipartisme mou dont rêvent l’UMP et bon nombre de dirigeants du parti Socialiste.

Sauf à justement composer avec cette mise en spectacle du politique comme le font, chacun à leur manière, Lutte Ouvrière avec Laguiller et la LCR avec Besancenot, il n’y a pas de demi mesure entre la personnalisation assumée totalement par Mme Royal et une démarche qui serait pour le coup radicalement « anti système » parce que soumettant au débat citoyen sa stratégie et son programme sans l’artifice du vedettariat. En admettre vraiment le bien fondé nous eut permis de relativiser l’identité du candidat et de lui donner un profil « trait d’union » entre toutes les sensibilités.

La tâche était encore plus rude qu’imaginée et rétroactivement il serait trop simple d’en réduire l’échec aux intérêts d’un parti fut-ce-t-il le plus important. En imaginant en réalité aucune autre candidature que Marie-George Buffet, le PCF a largement participé à gripper la machine mais il est loin d’être le seul.

Mais il est une seconde raison dont il est impératif de tirer les leçons. Cet échec clôt en effet une période qui a vu le rapport privilégié entre des secteurs - organisés ou pas - de la « gauche critique » (pour aller vite nombre de signataires de l’appel dit « Ramulaud ») et le PCF. Initiée sur le champs électoral lors des Régionales en Ile de France, cette alliance aura notamment servi de matrice à « l’appel des 200 » et, pour finir, donné la plupart des acteurs du collectif national pour des candidatures unitaires. Problème : s’il y a un accord tacite - l’alliance se fait avec un PCF pièce essentielle de l’échiquier mais pas autour de lui - la réalité dit toute autre chose car, sans même parler du dessein réel ou pas de sa force principale, l’évolution parait prévisible quand il y a si forte disproportion de militants, de moyens financiers, d’élus. Cette ambiguïté explique bien des illusions qui auront explosé de rude façon : jusqu’au bout le PCF a cru que ses « alliés », trop petits pour ne pas être satellisés, allaient accepter la candidature de Marie- George Buffet, jusqu’au bout ces derniers (dont le Mars) ont cru que le PCF allait privilégier la démarche en cours à toute auto-affirmation quitte à trouver en Francis Wurtz un compromis de dernière minute.

Qu’au sortir de sa campagne en solitaire le PCF reste ou pas (à partir de la faiblesse prévisible de son score on ne peut malheureusement pas exclure une satellisation mortelle autour du PS ou au contraire une crispation sectaire) disponible pour le rassemblement de la gauche antilibérale, il appartient à tous ceux qui viennent de montrer jusqu’au bout leur disponibilité pour reconstruire une vraie force de gauche de tirer les leçons de l’année passée. Elles imposent de s’unir pour créer à l’avenir les conditions de la réussite de toute la gauche antilibérale. Nous disposons pour cela de plusieurs acquis essentiels et inédits : nous avons une stratégie et l’ébauche solide d’un programme, nous sommes des milliers de « militants » (organisés ou pas) désireux de les porter, forts d’une expérience dynamisée par des victoires (TCE, CPE notamment), porteurs de cultures politiques différentes et de la richesse innovante du mouvement social.

Pour réussir il conviendra de se garder de tout sectarisme, de rester ouverts aux apports de chaque courant mais, aussi, de s’organiser. Une construction de type confédérale parait la mieux appropriée car souple et pouvant réunir aussi bien des mouvements de formes différentes que des adhérents directs tout en restant ouverte aux organisations qui souhaiteraient la rejoindre.

Ses premières apparitions pourraient avoir lieu par des prises de position pendant la campagne présidentielle et, surtout, par une affirmation plus forte aux législatives. Si du formidable élan citoyen que nous vivons depuis deux ans devait sortir pareille promesse pour la gauche, l’année 2007 commencerait alors mieux que n’aura fini celle de 2006.

Eric Coquerel

Président du Mars (Mouvement pour une Alternative Républicaine et Sociale)


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