Xavier Mathieu : un acharnement judiciaire insupportable (Jean-Luc Mélenchon)

vendredi 10 février 2012.
 

3) Xavier Mathieu : un acharnement judiciaire insupportable (Jean-Luc Mélenchon)

Ce vendredi 3 février, Xavier Mathieu a été condamné en appel. Il est condamné à 1 200 euros d’amende pour avoir refusé de se faire prélever son ADN par la police à la suite d’une action syndicale dans les locaux de la sous-préfecture dont on se souvient. Pourtant lors du procès en première instance en juin 2010, Xavier Mathieu avait été relaxé. C’est le parquet, donc le gouvernement, qui a fait appel de la relaxe. Lors de l’audience en appel le 4 janvier dernier, j’étais allé à Amiens, avec beaucoup d’autres responsables, sauf François Hollande, lui apporter le soutien du Front de Gauche. On se souvient que le « Petit Journal » avait retenu de ce moment de lutte le problème central de mon prétendu évitement d’Eva Joly. Bonjour la diversion. Mais « tellement drôôôôle, ma chère Marie-Jacynthe » ! Ce jour-là, pourtant, une grosse partie juridique se jouait. A la surprise de beaucoup, le parquet avait requis une amende de 1 000 à 1 500 euros. Mauvais signe. Car dans les Pyrénées-Orientales, notre camarade Galéano, lui aussi réfractaire au fichage ADN, avait écopé de 150 euros d’amende ! Le juge d’appel a donc obéi à un souci particulier en direction de Xavier Mathieu. Cet acharnement judiciaire est insupportable. Car il a un sens très politique.

Pour le comprendre il faut se souvenir que l’obligation faite à Xavier Mathieu de donner son ADN est la conséquence de sa condamnation à 4 000 euros d’amende par la Cour d’appel d’Amiens pour les dégradations de la sous-préfecture de Compiègne. Vous vous souvenez aussi de cet épisode ? Il avait donné lieu quelques mois plus tard à un autre épisode de buzz lorsque Pierre Carles m’avait projeté la scène de l’interview de Xavier Mathieu par David Pujadas. Condamné, la loi l’obligeait à subir un prélèvement ADN. Xavier Mathieu a refusé. Il a eu raison. Car un syndicaliste ne peut pas être assimilé à un violeur ou un assassin ! Or le fichage des empreintes génétiques devrait rester strictement limité aux criminels dangereux. C’est dans cet esprit qu’il a été créé en 1998. Mais la droite l’a bien vite élargi à de nombreux autres crimes et délits en 2003 et 2010, dans une surenchère que chacun connaît. A présent, les camarades autour de Xavier Mathieu pensent aller en cassation. Et si cela ne suffit pas il y a aura une saisine de la Cour européenne. On ne lâche rien. Il faudra être vigilant et voir ce qui va se dire dans la bien-pensance d’habitude si prompte à grimper au rideau sur la liberté au Venezuela. Que se passe-t-il quand un ouvrier résiste avec son syndicat face un abus de pouvoir visant à criminaliser l’action syndicale ? Tant qu’un médiacrâte ne sera passé par cette humiliation je crains qu’il ne se passe rien dans les grandes orgues de l’indignation.

Pourtant cette affaire retrouve selon moi une actualité très brûlante depuis le discours de Nicolas Sarkozy l’autre dimanche. On se souvient qu’il a donné l’ordre aux syndicats de s’accorder avec le patronat d’ici deux mois sur la possibilité de redéfinir entreprise par entreprise le temps de travail, la durée du travail quotidien et les salaires. Il s’agit d’une véritable institutionnalisation du chantage patronal sous le nom « d’accords compétitivité-emploi ». C’est précisément une situation de ce genre qui a déclenché toute l’affaire des Conti. Xavier Mathieu et ses camarades luttaient pour sauver les 1 120 emplois du site de Continental à Clairoix, dans l’Oise. Ils avaient été abusés par un patron voyou. En 2007, la direction avait proposé aux salariés de passer aux 40 heures payées 37,5 en échange du maintien de l’emploi. Pris à la gorge, une petite majorité de salariés avait fini par céder au chantage. Deux ans plus tard, Continental annonçait la fermeture de l’usine. Aujourd’hui, sur les 1120 salariés, seuls 212 ont retrouvé un CDI. Pour les 900 autres, c’est la galère et la précarité. On ne compte plus les drames personnels et familiaux. Encore lundi 16 janvier dernier, un ancien salarié de Conti s’est jeté sous un train. Dès lors c’est une justice de classe qui est ressentie quand elle condamne Xavier Mathieu. Relaxé en première instance il n’est poursuivi de nouveau que sur ordre du gouvernement. Aujourd’hui, il est condamné « pour l’exemple » en quelque sorte. Car il n’a jamais cédé, jamais baissé ni les yeux ni les bras. C’est une tête dure. C’est une fierté pour tout le mouvement ouvrier de le compter parmi les siens. Nicolas Sarkozy et son gouvernement cherchent par tous les moyens à casser les résistances et à intimider les salariés. C’est la seule raison de la condamnation de Xavier Mathieu. Nous ne l’oublierons pas à l’heure des comptes.

2) Xavier Mathieu : Déclaration avant son entrée au tribunal lors du procès en appel pour son refus de donner son ADN

"Ce sont des vautours. Mais les vautours se nourrissent de proies mortes et je ne suis pas encore mort !"

Ce sont les mots prononcés hier par Xavier Mathieu. Car le combat contre le refus de donner son ADN reste apparemment central pour le pouvoir et la justice de classe, et il a finalement été condamné en appel.

Mais ces mots prononcés à l’annonce de sa condamnation et sa déclaration lors de l’audience de janvier restent la meilleure et la plus belle des réponses.

Déclaration de Xavier Mathieu. Le 4 janvier 2011

"Ce qui me conduit aujourd’hui devant ce tribunal est le simple fait d’avoir refusé au nom de mes droits et de mes libertés individuels de me soumettre à un test ADN dont le seul but est d’aller agrandir un fichier prévu au départ pour les violeurs, pédophiles et criminels en tout genre, et élargi en 2003 par Sarkozy à tous les délits pénaux et rendant coupable et condamnable tout militant syndical mais aussi associatif et politique dans le seul but, vous l’aurez compris, de pouvoir continuer sa politique sécuritaire, totalitaire et liberticide au service des capitalistes, patrons de multinationales, des banquiers et autres escrocs de la spéculation". Je vous ai dit tous les délits pénaux. Pardonnez mon erreur, sauf un, les délits financiers. Et bien oui, vous comprendrez bien que ces gens, ainsi que les puissants dont ils sont à la botte, n’allaient pas prendre le risque de se mettre dans la merde avec leur propre loi.

Je suis syndicaliste et fier de l’être. Et cette criminalisation est un amalgame dangereux et insupportable pour le militant syndical que je suis depuis plus de vingt-cinq ans. Agir dans la désobéissance civile est pour moi une nécessité et un acte de résistance vital. C’est exactement ce qu’a reconnu le tribunal de Compiègne en me relaxant, en considérant que les manifestations des travailleurs pour défendre leurs droits, y compris celle de la sous-préfecture, ne pouvaient être assimilées à un délit, et refusant dans le même temps de me juger comme un délinquant.

C’est pour cela justement que je m’oppose à cette loi inique car je refuse d’être montré comme un délinquant, dont le seul délit est d’avoir défendu nos emplois, nos droits et une seule chose que nous possédons tous, nous, notre dignité.

Mais l’Etat a décidé de poursuivre cet acharnement judiciaire à mon égard en faisant appel de cette courageuse décision sans tromper personne. Nous savons tous qu’en s’attaquant à un des porte-parole des ouvriers de Continental, ils tentent de leur faire payer à tous d’avoir osé relever la tête, d’avoir été au combat et d’avoir réussi à les faire plier ainsi que les dirigeants voyous de cette multinationale qui n’ont eux jamais été inquiétés par la justice.

Le combat aujourd’hui n’est pas seulement celui de Xavier Mathieu, ni même uniquement celui des Conti, mais celui de la survie du droit de lutte syndical, associatif, politique, du droit à la contestation, celui de la résistance, du refus de la résignation. Nous devons nous battre contre cette loi qui n’a pour seul but suprême que d’anéantir la véritable identité française dont je revendique notre tradition révolutionnaire, ce formidable pouvoir de résistance exercé par nos aïeux lors de la Commune de 1871 dont nous avons fêté les 140 ans en 2011, les résistants de la Seconde guerre mondiale qui ont battu, combattu le fascisme et le nazisme, dont l’odeur nauséabonde nous remonte dans les narines ces temps-ci, ceux du Conseil national de la résistance, ceux de 36, de 68, ceux du Larzac, de Plogoff, de la sidérurgie, des Chaussons, des mineurs, des agents de sécurité de Roissy, etc, etc ...

La défense de cette jurispridence du tribunal de Compiègne doit être protégée et confirmée ici par le tribunal d’Amiens. C’est pour cela que nous avions fait appel aussi à toutes les directions syndicales de ce pays. Les absents ne l’ont sûrement pas compris.

En tant qu’humaniste, je suis dans l’obligation de me poser cette question qui m’horrifie et me hante : il existait déjà ce genre de fichier durant la seconde guerre mondiale où y étaient inscrits les tziganes, les rroms, les juifs, les communistes, les homosexuels. Et quand on sait le sort réservé à ces populations, qu’aurait fait Hitler avec ce genre de fichiers entre les mains ? Serions-nous tous blonds aux yeux bleus ? Lorsque l’on sait aujourd’hui grâce à des travaux et des témoignages comme celui qui va être fait à la barre à mon procès aujourd’hui par Catherine Bourgrain, généticienne à l’INSERM, qu’il est possible par ces prélèvements de définir les origines géographiques et dans le même temps la couleur de peau des personnes prélevées et aussi leurs futures maladies potentielles, qui nous garantit que ces fichiers ne tomberont pas dans les mains un jour de partis fascistes ou dans les mains de compagnies d’assurance qui se garantiront de n’assurer que des personnes sans risques ?

La seule véritable façon d’arrêter cette procédure ainsi que toutes celles de mes camarades en bagarre en France et en outre-mer, victimes des mêmes attaques est de supprimer ou changer cette loi. Il faudra pour cela être des millions de personnes dans la rue, pour l’exiger ou bien que ceux qui les votent et les mettent en place, s’engagent à le faire, je parle bien entendu des politiques élus, c’est pour cela que nous avons fait appel à tous les présidentiables de 2012 de sensibilité de gauche. Presque tous ont répondu présents.

Le combat des Conti a été qualifié en France d’exemplaire par les travailleurs et les observateurs. Il a été aussi pour plusieurs raisons connu et inconnu de tous. Mais la raison suprême était que nous avons su au coude à coude créer un front commun avec nos ressemblances et surtout nos différences, même parfois de taille.

Amiens, 4 janvier 2011. Xavier Mathieu.

1) Xavier Mathieu condamné : une très mauvaise nouvelle pour le mouvement social qui ne nous fera rien lâcher ! (Parti de Gauche)

Après avoir été relaxé en première instance, Xavier Mathieu a été reconnu coupable par la Cour d’appel d’Amiens de refus de prélèvement de son ADN dans le cadre de l’action exemplaire et courageuse qu’il a menée avec ses camarades pour sauver, sans succès leurs emplois.

L’ancien porte-parole des ex-Continental de Clairoix (Oise) a été condamné à 1200 euros d’amende. Mais, par-delà ce quantum d’une peine non négligeable, le plus grave est que l’application de cette loi absurde et cruelle du 18 mars 2003 traitant des militant-e-s syndicaux et associatifs en délinquant-e-s, permet qu’il soit de nouveau convoqué pour... prélèvement de son ADN !

La spirale du harcèlement n’est donc pas rompue. Seul le rapport de force, la solidarité ouvrière et syndicale permettra dans un premier temps de résister et de protéger Xavier Mathieu et toutes et tous ceux qui refusent de se résigner. Dans cette lutte, on pourra toujours compter sur la détermination du Front de Gauche qui s’engage fermement à faire de l’abrogation du fichage génétique des militant-e-s une priorité absolue.

En attendant, on ne lâchera rien !


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