Formation professionnelle : Sarkozy le fossoyeur

mardi 28 février 2012.
 

A entendre Nicolas Sarkozy, les chômeurs seraient des tirs aux flancs récalcitrants aux formations et chipoteraient les offres d’emplois. Sa dernière trouvaille ? Organiser un référendum sur « le système d’indemnisation du chômage et sur la façon dont on doit considérer le travail et l’assistanat » (sic). Il oublie que le premier référendum sera l’élection présidentielle au cours de laquelle il devra répondre de sa politique de casse de la prise en charge des chômeurs : complexité de l’offre de formation professionnelle, multiplication des intervenants, règles d’indemnisation qui ne permettent pas d’apporter des réponses efficaces correspondant aux attentes de chômeurs. On est loin du droit de chacun à une formation qualifiante permettant d’accéder à des emplois valorisants ou d’élargir leur champ de connaissances. Voyons plutôt.

L’Etat se désengage

Dans son rapport sur la formation des demandeurs d’emploi publié en juillet 2011, la DARES constate que « 576 000 entrées en formation de demandeurs d’emploi ont été enregistrées en 2009, soit 5% de moins qu’en 2008 dans un contexte de forte hausse » du chômage. Elle note aussi un désengagement de l’Etat qui ne finance plus, en 2009, que 12% des formations des demandeurs d’emploi contre 36% en 2004.

Cette baisse découle du transfert aux Régions des compétences en matière de formation professionnelle, dont les formations de l’AFPA. Celles-ci, conformément à une directive européenne imposant la mise en concurrence des organismes de formation, sont financées via des appels d’offres. Les Régions sont devenues les principaux financeurs de formation (62%), alors que Pôle emploi n’en finance que 15% (en progression toutefois) et l’Etat 12%, ce qui entraîne des inégalités entre territoires.

L’achat de formations

Lorsqu’un chômeur se rend à Pôle emploi pour intégrer une formation, on vérifie si elle est financée (coûts pédagogiques). En effet, les formations financées sont prélalablement définies et inscrites dans un programme (formations Régions) ou d’Actions de formations conventionnées (AFC de Pôle emploi). Les formations financées par Pôle emploi, ouvertes aux demandeurs d’emploi inscrits, imdemnisés ou non au titre de l’assurance chômage, sont généralement courtes (2,9 mois en moyenne) et répondent à des demandes de secteurs d’activité.

Quels autres financements ?

Si la formation souhaitée par le demandeur d’emploi n’est dans aucun programme (Etat, Région, Pôle emploi), d’autres souces de financement sont possibles mais restent marginales et le montage de dossiers relève du "parcours du combattant". Pôle emploi dispose de deux outils pour des formations mais ceux-ci s’appliquent dans le cadre de promesses d’embauche. Les dispositifs AFPR (Action de formation préalable au recrutement) et POE (Préparation opérationnelle à l’emploi) permettent d’aider financièrement un employeur qui s’engage à former, en interne ou près d’un organisme de formation, le demandeur d’emploi et à le recruter, en CDD ou CDI, à l’issue de cette formation. Ce dispositif, s’il est utile parfois, est aussi une aubaine pour des employeurs qui se font ainsi financer une adaptation au poste, sans que le "stagiaire" soit salarié pendant cette période.

Les Aides individuelles (AIF) à la formation sont peu nombreuses : des demandes peuvent être faites auprès de certaines Régions ou de Pôle emploi mais les conditions d’accès aux financements individuels sont restrictives.

Enfin, des publics spécifiques peuvent aussi solliciter d’autres structures, à l’image de l’AGEFIPH pour les travailleurs handicapés, le département pour les bénéficiaires du RSA et d’anciens salariés peuvent mobiliser leurs droits acquis au titre du DIF (droit individuel à la formation).

Toutes les formations ne sont donc pas financées. Par ailleurs, tous les demandeurs d’emploi n’ont pas accès à toutes les formations : outre les prérequis souvent exigés, certaines formations sont réservées à certains publics et chaque projet doit être validé par un conseiller prescripteur. Reste enfin la question de la rémunération pendant la formation ainsi que celle des frais annexes de déplacements, restauration, hébergement. Un point essentiel auquel le PG tient car des demandeurs d’emploi renoncent à une formation éloignée de leur domicile à cause de ces frais.

Quelles formations ?

Les formations financées par Pôle emploi visent le retour rapide à l’emploi. Ainsi, selon les Régions, des formations peuvent être financées pour répondre aux besoins des employeurs. Dans les programmes de formations régionaux, si des formations qualifiantes débouchant sur des CAP, Bac pro ou BTS sont proposées dans des domaines aussi divers que le bâtiment, le tertiaire, l’agriculture, le commerce, d’autres formations relèvent plus de l’insertion sociale : "Valoriser ses capacités", "Renforcer ses savoirs de base", "Construire son projet professionnel".

A ces dispositifs s’ajoutent les possibilités de formation dans le cadre de contrats d’apprentissage ou de professionnalisation. Mais, là aussi, force est de constater que l’Etat supprime des formations initiales en lycées professionnels pour mieux vendre l’apprentissage, pris en charge par des centres de formation parfois publics mais le plus souvent privés.

Nous, on peut !

La formation continue mobilise un important budget : 31 milliards en 2009, dont 15% destinés aux chômeurs. Pour autant, fin 2009, la DARES ne comptabilisait que 8% de demandeurs d’emploi en formation. Encore ces chiffres cachent-ils d’importantes disparités puisque les entrées en formation d’anciens ouvriers est très inférieure à celles d’anciens cadres (10% contre 27%). Aux inégalités sociales s’ajoutent les inégalités territoriales car les régions sont aujourd’hui les principales structures de financement de formation professionnelle. Enfin, les offres de formation, destinées à s’adapter à un marché du travail local, laissent peu de place aux réorientations longues et la fusion ANPE/Assedic ainsi que l’intégration au sein de la nouvelle structure du personnel de l’AFPA chargé de l’orientation ont fini de désorganiser des structures pourtant essentielles en matière de conseil, d’orientation et de prescription.

L’annonce faite par Sarkozy à l’issue du dernier "sommet social" d’une mobilisation de fonds pour la formation des chômeurs de plus de deux ans apparaît pour de la poudre aux yeux, comme il en a été en diverses occasions. A chaque fois, la même annonce "d’un emploi ou d’une formation proposée à chacun" pour le résultat que l’on sait : 152 000 chômeurs de plus en un an. La proposition d’un référendum ne répond également en rien à la nécessité d’une réforme de la formation des chômeurs, cohérente et vue comme un ensemble de droits à la formation ou à "une seconde chance".

Le Parti de gauche considère que si la formation professionnelle dite d’insertion ou d’adaptation à l’emploi peut être gérée au plus près des territoires, la formation qualifiante et diplômante doit demeurer de la responsabilité de l’Etat et constituer un service public à part entière.

Christian Gauthier


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message