Fondatrice de Jeudi noir, Leila Chaibi est chargée de la précarité au PG et membre du conseil de campagne du Front de gauche.
Quelle est votre vision de l’engagement des jeunes ?
Leila Chaibi. Les situations de précarité font qu’on a difficilement accès au cadre traditionnel du mouvement ouvrier. Les jeunes ne trouvent pas toujours leur compte dans un engagement traditionnel. Avec Génération Précaire, nous avons décidé d’occuper l’espace médiatique par le biais d’actions festives et visibles. C’est une façon de mettre à l’ordre du jour un problème qui n’est pas pris en compte par les politiques. Comme la crise du logement. Puisqu’il y a des immeubles vides, on les réquisitionne et on loge des gens pendant un an. Quand on organise un pique-nique dans un supermarché, c’est faire passer le message qu’on peut récupérer du pouvoir sur nos vies. C’est une autre façon de militer.
Vous avez tout de même choisi d’entrer en politique. Pourquoi ?
Leila Chaibi. J’ai franchi le pas en politique parce que je me suis aperçue qu’on ne pouvait pas déconnecter chaque lutte, sur le logement, la précarité ou les stages, d’un projet politique plus large. On est dans un système qui considère que le droit au logement est moins important que le droit de propriété. Avec le collectif Jeudi noir, on avait beau rencontrer des ministres, rien ne changeait. Si le gouvernement avait une volonté de réquisitionner les logements vides, les choses ne se passeraient pas comme ça. Pour faire avancer nos revendications, je me suis dit qu’il fallait avancer sur deux jambes, se battre sur le front social et sur le front politique. Le Front de gauche porte une alternative avec des mesures concrètes. Et, depuis quelques mois, on a le sentiment que la politique reprend du sens.
La campagne électorale prend-elle suffisamment en compte les problématiques des jeunes ?
Leila Chaibi. La jeunesse est davantage victime de précarité que les autres catégories de la population. Pour autant, la solution n’est pas de trouver des sous-dispositifs qui visent particulièrement la jeunesse. Quand on arrive sur le marché du travail, c’est plus facile d’employer un jeune en contrat précaire parce qu’il ne connaît pas la sécurité de l’emploi, ni le Code du travail. Avec les stages à 30% du Smic sans cotisations sociales, puis les CDD qui n’en finissent pas, c’est une sorte de bizutage social qui ne devrait pas exister. À mon sens, les contrats de génération ou emplois-jeunes ne sont pas non plus une solution. C’est prendre le problème à l’envers. Il faut au contraire donner le droit commun à tous. Les jeunes sont des salariés comme les autres.
Les jeunes éprouvent les plus grandes difficultés à se loger. Que propose le Front de gauche sur ce sujet ?
Leila Chaibi. Effectivement, les jeunes sont plus victimes de la crise parce qu’ils vivent dans de petites surfaces, dont le prix au mètre carré est très élevé. La plupart des étudiants et des jeunes travailleurs se logent dans le parc privé. Le sésame pour avoir un logement, c’est le CDI. Mais il faut compter huit à dix ans pour qu’un jeune y accède. C’est un cercle vicieux qu’il faut casser. Si, d’un côté, il est essentiel de construire davantage de cités universitaires, il faut, dans un même mouvement, réguler le parc privé. Aujourd’hui, une chambre de bonne à 600 euros, c’est légal. Or, c’est inadmissible. Le Front de gauche propose d’encadrer les loyers des petites surfaces, d’appliquer des taxes sur les logements vacants et de les réquisitionner. Il faut aussi rendre accessible le parc social aux jeunes. Or, les délais restent trop longs.
Entretien réalisé par Ixchel Delaporte, L’Humanité
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