Voyous et patriotes face à la Justice de classe

samedi 15 septembre 2012.
 

On le sait et on le dit depuis deux siècles : la justice de la république est lente et indulgente pour les uns, sévère et expéditive pour les autres. Bref, justice de classe. Pourtant, on est toujours stupéfait. Deux nouvelles d’agences de presse, récentes et quasi simultanées, nous coupent le souffle.

Le tribunal correctionnel de Compiègne, d’une part, confirme la condamnation de Xavier Mathieu et ses cinq camarades de Continental de 3 à 5 mois de prison avec sursis, pour les dégradations à la préfecture de l’Oise, estimés à 50 000€, comme on condamne habituellement des voyous.

Les accusés ont reconnu les faits, en expliquant qu’ils se sont battus pour l’emploi et la vie, et qu’un coup de colère provoqué par le reniement de l’Etat, partenaire dans les négociations tripartites, les a amenés à commettre ce dégât matériel. Le tribunal, obéissant aux besoins politiques du gouvernement, n’a rien voulu entendre. Les indemnités de 50 000 €, péniblement arrachés à un patron allemand, iront en partie renflouer les caisses du trésor public français, qui en a grandement besoin.

D’autre part, le ministre du budget annonce qu’il est en possession d’une liste dûment établie et vérifiée de 3000 contribuables français détenteurs de 3 milliards d’euros sur les comptes secrets en Suisse. Il a filé le document à la Commission de Finances de l’Assemblée nationale (UMP et PS), qui confirme le bien fondé de la liste et précise : il s’agit principalement des contribuables soumis à l’Impôt sur la Fortune, dont « les noms (sont) identifiés, des adresses, des numéros de compte et des montants bien définis », et que les plus gros atteignent « plusieurs dizaines de millions d’euros ». Le ministre français, tentant timidement d’emboiter le pas au Fisc allemand,- qui reconnait ouvertement avoir payé 4 millions € une liste confidentielle des fraudeurs allemands dans les banques de Lichtenstein, ce qui lui a permis de récupérer des centaines de millions d’euros pour les œuvres sociales, - avertit les fraudeurs français et leur offre de s’arranger jusqu’à la fin de l’année.

En d’autres termes, marchander une somme à payer au Fisc contre l’impunité et l’anonymat. Pas question de saisir la justice, comme dans le cas du matériel informatique cassé dans la préfecture. On attend gentiment que les fraudeurs se manifestent spontanément pendant six mois, alors que la manifestation spontanée de la colère ouvrière est punie sur le champ.

On ne croit pas ses yeux : plus de 20 mois de prison pour les ouvriers luttant pour la survie et ayant commis le dégât initialement estimé à 30.000€, certes avec sursis, mais avec casier judiciaire et mention publique de « violence » accrochés au cou, alors que de l’autre côté pas de poursuite judiciaire pour fraude fiscale avérée de « plusieurs dizaines de millions d’euros » (seulement pour les plus gros), proposition d’arrangement à l’amiable, en famille (celle de gauche comme celle de droite, s’entend, car il doit y avoir sur la liste secrète des noms de deux bords politiques), aucun casier judiciaire et l’anonymat total ! Comme on faisait toujours entre les « gens de biens » ! Secret bancaire ! Voilà le ciment de compréhension mutuelle profonde de la bourgeoisie républicaine, teintée de rose ou de bleu.

On peut changer la Constitution en un week-end, mais on ne peut pas toucher à la Loi sur le secret bancaire, même lorsqu’il s’agit de fraude évidente...

Elle est bien belle, bien secrète et bien généreuse cette République ! Elle enseigne toujours à nos enfants Liberté, Egalité et même Fraternité ! Mère pour le fraudeur bourgeois, « homme de bien », citoyen français et patriote suisse, marâtre pour l’ouvrier honnête, trimant pour la balance commerciale nationale, payant ses impôts à la République et… traité de voyou !

Radoslav PAVLOVIC, Nancy, le 5 septembre 2009

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