Communisme : visée en bout de course ou prisme par lequel on agit sur le présent ?

lundi 22 juillet 2013.
 

L’affaire Cahuzac s’ajoute au sentiment d’impasse et à un ressentiment largement partagé. Tous les mêmes est dû à la désillusion devant l’alternance et l’accaparement des pouvoirs par des «  représentants  ». Il n’y a pas là que le risque populiste. Ressentiment aussi, ne nous le cachons pas, à l’égard de ceux qui jusqu’à présent font preuve d’impuissance. La confiance n’existe plus. Pas seulement envers le PS, la confiance tout court. Un dangereux sentiment d’usure se manifeste.

De multiples actions portent des valeurs alternatives. Mais privées de portée générale, elles sont amputées et ne font pas le poids devant la déferlante capitaliste. Elles sont comme autant de parallèles qui ne se rejoignent jamais. C’est en se projetant au-delà de la revendication que réside le potentiel de rassemblement. Sinon chacun cherche son alternative, ce qui annonce un renoncement à chercher l’alternative au capitalisme.

Les échecs du XXe siècle sont-ils dus au fait d’avoir voulu penser globalement le changement ou au contenu de cette pensée  ? Ce que les tenants de l’ordre actuel appellent la fin des idéologies nous laisse dans la peur de toute théorisation et pousse à renoncer à un changement fondamental de toute la société. Rarement le capitalisme n’a autant été mis en cause et rarement il n’y aura eu, en face, aucune perspective d’un après-capitalisme.

L’Association des communistes unitaires propose de repenser le communisme. Ce séminaire ouvert à ceux que la question intéresse ne vise pas un avenir lointain et n’abandonne pas les enjeux du moment. Car comment dégager des solutions sans savoir peu ou prou vers quoi se diriger  ? Tous ceux qui luttent ne vont pas s’identifier au communisme, même repensé. Mais nous ne sommes plus à l’époque où le capitalisme ancré dans l’industrie et concurrencé par l’URSS pouvait lâcher du lest sans se mettre en cause. L’élévation du niveau culturel des travailleurs, le renouvellement incessant des machines provoqués par le renouvellement incessant des connaissances rendent le travail et la société davantage tributaires de lourds investissements  ; l’extension du salariat, l’exigence nouvelle d’autonomisation des travailleurs rendent la masse d’exploités plus dangereuse  ; tout cela aiguise les contradictions du capitalisme  ; il perd ses marges d’adaptation antérieures. Faire émerger une visée cohérente qui rompt avec lui est un indispensable apport aux luttes. Nous disons que le communisme est un processus. Mais processus ET rupture… plus tard  ? Ou processus DE ruptures  ? La visée ne vient pas en bout de course, cerise sur le gâteau, mais elle est le prisme par lequel on agit sur le présent.

C’est immédiatement que nous avons besoin d’inscrire dans chaque lutte la construction d’un horizon qui dispute le pouvoir aux actionnaires et à l’État. Pourquoi l’État  ? Qu’est-ce qui a échoué au XXe siècle précisément  ? Nous héritons d’un regard sur la conquête de l’appareil d’État qui hypertrophie la perspective des élections et réduit la responsabilité de chacun à un rôle de supporter. Il faudrait relire ce que dit Marx de la dissociation État-société civile et du caractère vain de vouloir le conquérir tel qu’il est. À chaque fois que le système a été contraint de céder, il l’a fait lors d’une formidable interruption de la normalité institutionnelle  : 1936, 1945, 1968. La faillite du soviétisme n’est-elle pas imputable à ces rapports de subordination  ? La propriété d’État a perpétué l’absence d’appropriation collective, de responsabilités et de conscience qui vont avec. Il en reste aujourd’hui des peuples désemparés. Réclamer l’arbitrage de l’État, c’est oublier qu’il est instrument de dépossession, même s’il enregistre les rapports de forces. Rapports de forces que nous avons besoin d’établir non pas avec le PS mais entre le peuple et le capital. Le PS, si je puis dire, se débrouillera avec le peuple...

Pierre Zarka est l’auteur d’Oser la vraie rupture. Gauche année zéro, aux Éditions de l’Archipel.

Pierre Zarka


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