Présidentielles : Bové aussi

lundi 5 février 2007.
 

Jeudi, José Bové entrait en lice. Le jour même et le lendemain beaucoup d’amis, plus ou moins perdus de vue depuis quelques temps, se sont tournés vers moi pour me faire connaître leur décision soit de s’associer à lui, soit d’opter définitivement pour Marie Georges Buffet, soit de rester dans leur coin au PS. Et certains m’ont demandé mon avis, pas pour savoir quoi faire mais pour éprouver leur décision sur les aspérités de leur rocher préféré...

Heureusement les hyènes médiatiques sont occupées ailleurs, ivres du sang des premières morsures, tourbillonnant en meute derrière les mollets de Ségolène Royal pour tacher de la déchiqueter en pleine course. On peut donc tergiverser dans la discrétion et avec les attentions que l’amitié recommande. L’autre jour Marie Georges Buffet me disait son dégoût après avoir entendu Frantz Olivier Gisbert dire que les journalistes ne faisaient qu’appliquer la règle des trois « L » : « lécher, lâcher, lyncher ». En ce moment l’ambiance est au lynchage contre Ségolène Royal. Elle-même en a en une claire conscience qui m’a estomaqué quand elle m’en a parlé lors de notre rencontre ce vendredi.

Ce qui me plait c’est de voir quelle école de formation est cette période pour nombre de responsables socialistes qui bénéficiaient du système médiatique et qui maintenant sont blancs de stupeur. Bientôt je ferai figure de modéré vue ce qui se dit à présent dans les couloirs de Solferino depuis l’épisode du téléphone ouvert écouté et retranscrit par un journal qui protestait naguère contre les écoutes téléphoniques... Le téléphone peut aussi servir à autre chose qu’à espionner. Le mien a pas mal chauffé.

Le plus drôle c’est le tableau derrière.

Donc, j’ai eu Bové au téléphone le mardi et ensuite il m’a appelé jeudi pendant qu’il était dans le métro en direction de Saint Denis. Je ne connais pas d’autre homme capable d’avoir une discussion détendue et amicale comme celle que nous avons eue juste avant d’aller poser un acte aussi décisif pour lui-même et pour les autres et tout en surveillant le défilé des stations de métro. Il faut que les observateurs tiennent compte de cette capacité de liberté intérieure pour comprendre les actes qu’il va poser au fil de sa campagne.

José Bové est de philosophie et de culture libertaire. Je vais faire un peu la mauvaise langue et je préviens nombre de ceux qui pensent le circonvenir, l’instrumentaliser et lui infliger des séances et des décisions de type « le bureau politique a décidé » que non seulement ils n’en tireront rien mais que s’ils l’agacent de trop, Bové les enverra balader d’une façon qui pourrait les surprendre.

Si vous soutenez Bové, ne vous contentez pas de bonnes paroles pensez qu’il n’a pas un rond devant lui pour faire campagne.

Contrairement à l’image simpliste donnée de lui c’est aussi un intellectuel capable de surcroît d’adapter avec beaucoup de finesse une ligne argumentaire. Quand PRS l’a invité en Arles en juillet 2005, son thème était la « désobéissance civique ». Il savait que nombre de personnes dans la salle étaient extrêmement éloignées de cette thèse. Dont moi. Plusieurs fins juristes professionnels lui opposèrent leurs arguments de façon d’autant plus efficace que c’était sans aucune agressivité et très largement amical à son égard. Bové s’acquit la salle en deux interventions de réponses qui impressionnèrent tout le monde. Dont moi.

Il faut imaginer ce que provoque sur des gens peu enclin à apprécier l’idée de désobéir à la loi l’énoncé d’une logique où il est proposé de la violer pour en ramener le contenu dans le débat démocratique avant de s’y soumettre de sorte à faire apparaître la sottise de la sanction. L’affirmation de ce principe de responsabilité absolue du citoyen décrit par un homme qui va en prison pour le faire vivre fut littéralement une bombe dans bien des esprits ce jour là. J’ai été terriblement interpellé et je n’étais pas le seul. A présent il s’agit d’autres choses.

Sa candidature a sa logique et sa légitimité, je ne discute pas ce point. Je ne prétends pas non plus comprendre tous les codes du monde dans lequel j’ai évolué ces temps derniers et donc je ne sais pas pourquoi il est sorti du processus de désignation quand il se déroulait et pourquoi il y est revenu après que tous aient fait le constat que chacun vivrait sa vie. Je pense qu’on ne doit pas le rendre responsable d’une division qui a commencé avec la décision de la Ligue Communiste, ce qu’il ne faut jamais oublier. Mais le processus de son « rappel » par une pétition électronique et le vote d’une salle disons... très "favorable", fait aussi justice des accusations lancées en leur temps contre les méthodes reprochées à Marie Georges Buffet et aux communistes.

Je vois seulement que la candidature de José Bové est capable d’engager à voter bien des gens qui ne le feraient pas sans cela. En ce sens sa candidature est positive. Mais du point de vue qui nous occupait tous, à savoir une candidature commune de l’autre gauche, c’est manqué. Mais peut-être n’est-ce pas le plus important. Peut-être une réalité politique de masse va- t-elle s’incarner sur son nom. Nous nous sommes tellement trompés dans nos pronostics dans le passé qu’il faut apprendre dorénavant à être plus disponible devant la bizarrerie des formes que la vie donne aux processus politiques dans notre pays en étét d’ébullition. J’observe.

J’en tirerais mes conclusions le moment venu. J’y serais aidé par les camarades de PRS qui s’engagent actuellement de tous côtés à gauche et que je félicite d’agir selon leur conscience. Mais je ne suis pas partie prenante car j’étais partisan d’une candidature commune.. J’ai noté que se trouvent dans mon cas quatre composantes de feu le collectif national, certes modestes mais après tout bien actives : PRS bien sur, Clémentine Autain (apparenté PC), Christian Picquet (LCR), le MARS. On finira par faire un club si ça se trouve.

Revenons au tableau d’ensemble. Pour gagner au second tour la gauche a besoin de deux éléments électoraux : passer le premier tour et ensuite, au deuxième, rassembler plus de 50% des suffrages. Pour passer le premier tour il faut au moins une candidature assez puissante pour cela. Pour passer le second, il faut plusieurs candidatures assez fortes pour faire ce total. Il faut aussi une dynamique unitaire assez vigoureuse pour que l’addition se fasse. Si la presse parvient à assassiner Ségolène Royal alors même qu’aucun des autres candidats de gauche n’est en état d’occuper la première place à gauche, nous allons nous rejouer 2002. Mais ce n’est pas que la presse qui est en cause. Ségolène Royal doit a présent "tourner franchement" et assumer son nouveau statut de pestiférée vis-à-vis de la bonne société du pays. Elle devrait se dépêcher de tourner clairement à gauche.

Au total, si tous les candidats de gauche sont forts, nous gardons nos chances. Encore faut-il qu’ils soient tous forts sans se nuire les uns les autres. C’est-à-dire sans se taper dessus pendant toute la campagne et en allant chacun chercher des voix chez les désorientés et les désemparés qui sont aujourd’hui ou bien à la merci de l’abstention ou bien à celle de n’importe quoi.

Je n’en ai pas fini avec le téléphone... Un ami en Bolivie me demande le numéro de téléphone de José Bové. Une haute autorité bolivienne cherche à le contacter. On lui a dit que j’avais sans doute ce numéro. Mais fusse le fantôme de Jean Jaurès qui me le demande je ne donne jamais le numéro de téléphone de quelqu’un sans son consentement. J’ai donc appellé l’homme du Larzac. J’en profite pour donner une information de première main à son sujet : il a une pêche du feu de Dieu et il est très optimiste. J’ai trouvé ça revigorant.


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