Quelle politique régionale ? (Front de Gauche Midi Pyrénées)

jeudi 23 mai 2013.
 

Compte-rendu de l’assemblée plénière du Conseil régional (28 mars) Midi Pyrénées par le groupe Front de Gauche.

L’assemblée plénière du 28 mars a abordé des sujets très divers et loin d’être secondaires. Chacun a été l’occasion de débats importants, allongeant la séance jusqu’au soir. Industrie, écologie, emplois, services publics : tout ce qui fait le coeur de la politique régionale y avait sa place. Tout a commencé par une promesse, faisant écho à un voeu du Front de Gauche. L’acte III de la décentralisation, en finalisation, pose beaucoup de question. Un débat sera donc organisé au Conseil Régional à ce sujet.

Emplois d’Avenir

Comme dans beaucoup de région, les emplois d’avenir ont fait débat. Un dispositif qui n’apporte qu’une modeste solution à un problème d’ampleur : le chômage des jeunes. Martine Perez a rappelé, pour le Front de Gauche, qu’aucun emploi d’avenir ne devait se substituer à un emploi statutaire dans les services publics et que la région devait veiller à ce que l’obligation de formation soit bien appliquée dans le secteur marchand. La priorité doit être à la pérennisation des emplois.

Stratégie industrielle

Le plan régional d’internationalisation des entreprises de la région mérite attention et intervention. Le modèle de développement économique qu’a choisi le gouvernement est celui de l’Allemagne : la stratégie exportatrice. Une économie basée sur l’offre dans laquelle s’inscrit cette stratégie régionale. Christian Piquet a précisé la priorité du Front de Gauche, de protéger et relocaliser l’économie.

Intervention de Christian Picquet sur le plan régional d’internationalisation des entreprises

Monsieur le Président,

Monsieur le Vice-Président Raynaud,

Mes Chers Collègues,

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Évidemment, l’amélioration du rayonnement international et de la capacité exportatrice des entreprises d’une région comme la nôtre, avec notamment le poids qui y revient au secteur aéronautique, est une question qui mérite intervention énergique.

Cela dit, dans votre propos liminaire de ce matin, Monsieur le Président, vous avez inscrit cette discussion dans le prolongement de la démarche économique d’ensemble du gouvernement. C’est à ce point que je vais consacrer l’essentiel de mon propre propos.

À notre sens, la principale faiblesse du rapport soumis à notre délibération est qu’il relève par trop de la doxa qui s’impose aujourd’hui à l’ensemble de l’Union européenne. Cette doxa commande aux différents pays de cette dernière de consentir au « choc de compétitivité » exigé par le Medef et les grandes entreprises, d’imiter le « modèle allemand », et de fonder la relance de leurs économies sur une « stratégie exportatrice ». Je mets tous ces concepts, vous l’imaginez, entre guillemets.

Le rapport se réfère donc sans ambiguïté à la politique mise en œuvre, à l’échelon national, depuis que le gouvernement a choisi, contre ce qu’étaient les engagements de la campagne présidentielle, de ratifier le traité budgétaire et d’avaliser cette austérité sans fin qui sert de carte de visite à Madame Merkel et à la droite conservatrice allemande.

Vous le comprenez, cela ne peut rencontrer notre approbation.

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Le chef de l’État s’exprimera ce soir pour présenter ses orientations au pays. Mais, avant même qu’il ne parle, on serait en droit – les Français seraient en droit – d’attendre qu’à l’instar de tous les peuples du continent, il constate que la doxa dont je parlais à l’instant est une illusion et une impasse avérée.

Illusion, tout d’abord, que de vouloir fonder le développement de la France et de ses territoires sur l’imitation du « modèle allemand » et les résultats de son commerce extérieur. Cette approche fait, en effet, l’économie de l’analyse de ce qu’est la stratégie des firmes d’outre-Rhin dans la mondialisation. Chacun sait qu’elles utilisent systématiquement la sous-traitance internationale et achèvent l’assemblage en Allemagne. De sorte qu’une part importante des exportations allemandes correspond à du simple ré-export du produit fini. Ce à quoi s’ajoute l’utilisation des prix de transfert entre sociétés membres d’un même groupe, qui permet de localiser le bénéfice final dans un pays à fiscalité avantageuse, voire dans un paradis fiscal. En France, un tiers des échanges correspond à un commerce entre filiales d’un même groupe. Le prétendu modèle allemand ne peut être le nôtre.

Impasse ensuite, dès lors que l’impératif catégorique qu’il est de bon ton d’imposer à notre pays et à nos collectivités, à savoir gagner des parts de marché à l’exportation, obère l’essentiel. L’essentiel est que la majorité des relations commerciales des pays de l’Union européenne s’opère à l’intérieur de ladite Union. Les clients des uns sont ainsi les fournisseurs des autres, et les déficits des uns font les excédents commerciaux des autres. Vouloir, dans ces conditions, que tous les pays copient le modèle allemand et se transforment en exportateurs net est, par conséquent, impossible. La contraction de la demande interne dans tous les pays, sous l’impact de la baisse des salaires, de la précarisation du travail et de l’austérité budgétaire ne peut que peser sur le commerce extérieur de tous. L’Allemagne elle-même, après avoir longtemps profité de mécanismes ayant littéralement paupérisé un salarié sur cinq, commence à être victime du phénomène.

Pour le dire autrement, la baisse de la demande interne dans tous les pays européens ne peut entraîner qu’une réduction des exportations. Et comme, dans le même temps, le chemin des pays dits émergents sera de plus en plus bouché, dès lors qu’ils ont tendance à privilégier leur demande intérieure au profit des productions nationales, vous comprenez pourquoi je n’hésite pas à parler d’impasse.

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Au demeurant, j’aurais pu également mettre l’accent sur les effets, pour les exportations françaises comme pour celles d’autres pays du Sud de l’Europe, du taux de change de l’euro, qui est aux mains du banquier central de Francfort, réputé indépendant des États.

Voilà pourquoi, Monsieur le Président, Mes Chers Collègues, nous plaidons pour un changement du modèle de développement.

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Un nouveau modèle fondé sur cinq principes : la coopération, la rupture avec un consumérisme destructeur, la priorité donnée aux besoins humains, la réduction des inégalités, l’ouverture d’une transition écologique.

Un modèle basé aussi, à rebours du libre-échangisme globalisé, sur la protection de nos productions et de notre industrie, ainsi que sur la relocalisation de l’emploi. Sans quoi, il sera vain de parler de redéploiement industriel ou de « redressement productif ».

Dit d’une autre manière, nous aurions aimé que notre Assemblée se voit saisie d’un plan, aussi ambitieux et massif que celui dont nous débattons, visant cet objectif de protection et de relocalisation.

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Vous comprendrez donc que nous ne retrouvions pas dans la démarche de cette délibération et que nous votions contre.

Christian Picquet


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