Lutter contre le FN, un combat de longue haleine

vendredi 27 septembre 2013.
 

Il y a quelques jours un grand quotidien national titrait à la Une Le Front national part à la conquête du pouvoir. Dans les pages intérieures, il annonçait en gros titre également « la grande peur du Front national s’empare des élites politiques ». Est-ce cette peur qui a poussé François Fillon à déclarer qu’aux municipales entre le PS et le FN il voterait pour le moins sectaire ? Ou bien est-ce dû aussi à ce « parler décomplexé » dont use l’UMP depuis plusieurs années ?

Les propos de Fillon ont soulevé un tollé à gauche et un tollé également à droite chez les dirigeants de l’UMP. Jamais au grand jamais ont affirmé Alain Juppé, Henri Guaino et jean François Copé (qui ne perd pas de temps quand il s’agit de tacler son adversaire), l’UMP ne s’alliera au Front national ! Ce grand élan de tartuferies pourraient nous faire rire de la part de Guaino et de Copé en particulier, car on n’a pas oublié que le premier est un des grands pourfendeurs du mariage pour tous et qu’il a manifesté sans gêne aux côtés d’une extrême droite très présente lors des défilés de « la manif pour tous ». Nous n’avons pas davantage oublié l’épisode « de la chocolatine » chez le deuxième, habitué aux provocations tape-à-l’œil pour attirer les électeurs frontistes. Mais il n’est pas question de rire ici, les propos de Fillon ne font que témoigner une fois de plus de la radicalisation du discours de la droite, de la porosité entre les deux formations et évidemment du poids du FN dans le débat et le jeu politique. Poids qu’il faut tenter de mesurer à sa juste valeur. Pas toujours facile d’autant que depuis la prise du parti par Marine Le Pen, celle-ci semble avoir réussi à modifier l’attitude des médias vis-à-vis du FN. Faut-il parler de dédiabolisation selon la formule consacrée ? Sans aucun doute. La volonté de la nouvelle présidente du FN de présenter son parti sous un jour nouveau a fonctionné à plein dans les médias. Ceux-ci à leur tour consciemment ou pas relaient cette image de « respectabilité » que le parti d’extrême droite veut imposer. On pourrait citer pêle-mêle de nombreux articles de la presse écrite ou des reportages télévisées qui montrent un parti et sa dirigeante « relookés », sans aucune critique ou si peu, de son programme et de sa nature même.

Les faits divers, en particulier les derniers, avec l’affaire du bijoutier de Nice, amènent systématiquement une majorité de médias à expliquer qu’ils « nourrissent le vote du Front national ». Prophétie autoréalisatrice s’il en est puisque répéter cela en boucle finit par envoyer le message suivant : seul le FN aurait des solutions pour lutter contre l’insécurité !

Mais le coup de force de Marine Le Pen c’est d’avoir su imposer le FN comme un parti antisystème, n’ayant nullement besoin de l’UMP pour exister. C’est, il faut l’avouer, un des paradoxes du Front national : jouer le parti hors-système et en même temps effectuer la course à la respectabilité avec en ligne de mire obtenir le plus d’élus possibles.

Un autre des paradoxes et pas des moindres, c’est de croire ou de laisser croire que le programme de Marine Le Pen serait plus édulcoré que celui de son père. Outre que les thèmes de l’immigration et de la sécurité (de l’insécurité plus exactement) sont récurrents, le FN lie aux questions nationales les questions sociales, se faisant passer pour le défenseur des « petits » dont les ouvriers, les plus démunis. Ce danger là n’est jamais ou insuffisamment dénoncé. C’est sans doute en partie le travail des syndicats qui s’alarment aujourd’hui de la morsure du discours frontiste chez les travailleurs. Pourtant l’imposture du FN en la matière pourrait être facilement révélée : ce parti ne lutte en rien contre le système capitaliste, il s’inscrit intégralement dans celui-ci que cela soit du point de vue des institutions que de l’organisation économique.

Mais si cette imposture persiste aujourd’hui c’est que de nombreux éléments contribuent à la faire durer ! Le contexte d’une crise du système à multiples facettes et très brutale, la radicalisation du discours d’une droite décomplexée qui veut capter les voix frontistes, le rôle néfaste d’une grande partie des médias qui avalise la prétendue « mue » du FN et la politique du PS au pouvoir permettent au FN de surfer sur le mécontentement des laissés-pour-compte. Laissés-pour-compte qu’on trouve souvent à la périphérie des grandes agglomérations, dans des zones mi rurales mi urbaines, affectées de longue date par le chômage, par la diminution voire la disparition des services publics. Il faudrait bien sûr approfondir l’étude sociologique de l’électorat frontiste, il n’est pas le même partout, il y a des différences notables entre celui des grands déserts industriels du Nord de la France et celui plus traditionnel du sud-est. Mais cet ancrage du Front national est bien réel.

Il ne s’agit nullement ici de verser dans le « catastrophisme » ou dans la dramatisation. Il s’agit au contraire d’essayer de mesurer le danger que représente le FN et de tracer des pistes pour le combattre.

Par ailleurs contrairement à ce qu’on peut parfois lire, Marine Le Pen n’est pas à la porte du pouvoir et malgré sa stratégie de « normalisation et de professionnalisation » (ou peut-être à cause d’elle ?), elle reste très impopulaire aux yeux des Français puisque 65 % d’entre eux en ont une mauvaise opinion et 67 % n’envisagent en aucun cas de voter pour elle à la prochaine élection présidentielle.

Marine Le Pen a beau faire, elle a dû mal à faire oublier que son parti est à l’extrême droite.

Cependant les manifestations de rue même si elles sont nécessaires pour rappeler ce qu’est le FN, ne seront pas suffisantes pour faire reculer les idées. Le combat contre le FN est un combat de longue haleine qui doit combiner plusieurs aspects : démonter les idées frontistes dans tous les champs d’intervention, syndical, politique et social, reconstruire un front antiraciste dans ce pays, mais surtout rendre enfin crédible à gauche un projet alternatif qui réponde à l’urgence sociale et qui s’oppose aux politiques austéritaires d’où qu’elles viennent.

Un vaste chantier.

Myriam Martin


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