Le Front de Gauche, le NPA et le second tour

lundi 10 février 2014.
 

Alors que des discussions étaient en cours avec le NPA Montpellier, que le FDG s’était prononcé pour arriver à un accord, le NPA a choisi de présenter sa propre liste. Le motif invoqué ? La question du second tour. Le NPA refuse par principe, à l’échelle nationale, tout appel à voter « contre la droite » au second tour et toute fusion de liste. Il y a derrière cette question plusieurs problèmes, un problème politique profond et durable lié à l’évolution droitière du PS, un problème tactique compliqué lié à un mode de scrutin complexe, un problème plus spécifique, lié à l’isolationnisme du NPA.

Cela a t-il encore un sens d’appeler à battre la droite ?

Il fut un temps où, même sans aucune illusion sur le PS, battre la droite au second tour en votant pour le candidat de gauche le mieux placé, était de règle pour une bonne partie de la gauche radicale. Encore en 2012, P. Poutou pour le NPA comme J.L. Mélenchon pour le FDG ont appelé à battre Sarkozy au second tour de la présidentielle.

Aujourd’hui, au regard de la politique de Hollande, il est légitime de s’interroger. Cet appel à battre la droite a-t-il un sens si PS et droite font la même politique ?

La réponse est loin d’être simple. Il est certes facile de démontrer que Hollande mène une politique en continuité avec celle de Sarkozy. Mais que sait-on de celle qu’aurait mené Sarkozy si il avait été réélu ?

Rappelons nous que Sarkozy a failli gagner alors qu’il a fait entre les deux tours de la présidentielle une campagne quasiment d’extrême-droite ! Un bilan désastreux pour notre camp social, une ligne politique à droite de la droite, tout cela légitimé par une réélection, la situation ne serait elle pas bien pire que celle déjà très difficile que nous connaissons ?

Le problème est donc complexe car si le PS devient bien un parti de centre-gauche qui au pouvoir mène une politique de droite, de son côté, la droite n’est pas en train d’évoluer vers le centre-droit, ce qui aurait pour effet de gommer les différences.

L’attitude de l’UMP lors du mariage pour tous, les scores du FN dans les sondages ou dans les élections partielles, l’importance de la manifestation de l’ultradroite à Paris le 26 janvier, la montée de l’antisémitisme, de l’islamophobie et du racisme, tout cela n’indique pas que nous allions vers une situation où le clivage droite gauche va s’effacer, quoi qu’on pense de la politique du PS. L’ensemble dans un contexte européen de montée des droites extrèmes et des poujadismes, accompagnée d’un durcissement des droites traditionnelles (remise en cause du droit à l’IVG en Espagne).

Nous sommes, de plus, dans une région où, depuis longtemps, l’UMP reprend les thématiques du FN et s’est déjà allié à lui (en 1998). Le FN y fait, depuis longtemps aussi, de bons scores et est arrivé en tête aux présidentielles dans 80 villes du département. Dans une ville comme Béziers, où la droite a une ligne d’extrême-droite, et où Ménard, soutenu par le FN, menace de faire un très bon score, est-il possible de rester indifférent au second tour ? A Montpellier, c’est à priori différent. La droite est divisée, le FN est relativement faible. Gardons nous cependant de nous rassurer à bon compte, l’ampleur des problèmes sociaux que connaît la ville ne la met pas à l’abri d’un vote de désespérance.

Aussi, autant une consigne de vote systématique du type « Au second tour, toujours battre la droite » paraît désormais obsolète vu ce que sont l’évolution du PS et la politique de Hollande, autant basculer dans l’indifférence et le « PS droite, blanc bonnet, bonnet blanc » paraît ne pas tenir compte de la radicalisation à droite de l’UMP, avec ou sans la pression du FN.

Sur les municipales, scrutin complexe (voir ci-dessous), l’alternative n’est pas entre « on fusionne les listes de gauche dans tous les cas de figure » et « dans tous les cas on se maintient même si ce maintient peut conduire à une victoire de la droite ».

C’est pourquoi, notre liste a fait le choix d’un protocole d’accord (ici) qui évoque différentes hypothèses et tient compte de deux exigences : indépendance vis à vis du PS et refus d’une victoire de la droite.

Municipales : dans un mode de scrutin complexe, la réponse la plus simple n’est pas forcément la plus radicale

Le mode de scrutin municipal est une fausse proportionnelle à deux tours. En dessous de 5%, une liste est éliminée du second tour. Entre 5 et 10%, elle peut fusionner avec une liste qui a eu plus de 10%. Une liste ne peut se maintenir au second tour que si elle fait plus de 10%. Les élus sont répartis sur la base des résultats du second tour. 50% des élus vont à la liste arrivée en tête (prime majoritaire). Les 50 % restant sont répartis à la proportionnelle entre toutes les listes présentes, y compris celle en tête qui a déjà bénéficié des premiers 50 %.

La prime majoritaire fait que en cas de triangulaire ou quadrangulaire au second tour, une liste peut prendre la mairie sans avoir fait beaucoup plus que celle en seconde place. Une liste qui a fait 9% au premier tour se retrouve non représentée au conseil municipal si elle ne fusionne pas avec une liste en capacité de se maintenir. Ce mode de scrutin complexe pose donc des problèmes qui ne peuvent être résolus de manière simpliste. Les avantages et les risques du maintien ou d’une fusion sont difficiles à évaluer sans les résultats du premier tour.

Pour résoudre ces contradictions, il existe la solution des fusions « techniques » ou « démocratiques » de second tour avec les autres listes de gauche. Une fusion de ce type se fait sans accord programmatique et avec garantie de l’indépendance et de la liberté de vote pour les éventuels élu-e-s. La liste LCR-CUAL de Montpellier avait réalisé une telle fusion avec les Verts en 2008. C’est ainsi que Francis Viguié et Anne Rose Le Van ont été élu-e-s et ont gardé toute liberté de position au cours de leur mandat.

Certes, ces fusions « techniques » ou « démocratiques » sont difficiles à comprendre de l’extérieur car elles sont liées à la complexité du mode de scrutin. Elles répondent traditionnellement à un double objectif : rassembler à gauche pour battre la droite, et contourner l’absence de réelle proportionnelle en permettant à la liste qui a fait entre 5 et 10% d’être représentée au conseil municipal en garantissant l’indépendance des élu-e-s.

Ces fusions interrogent à juste titre car elles peuvent apparaître au premier abord comme un ralliement à une liste concurrente au premier tour, voir adverse s’il s’agît d’une liste PS. Mais refuser de telles fusions revient en général, même si aucune consigne de vote n’est donnée, à permettre à la liste de gauche présente au second tour de rassembler derrière elle, au nom de la nécessité de battre la droite. En bref, on fait un cadeau des voix au PS et celui-ci n’aura pas à subir au conseil municipal des élu-e-s de gauche qui critiquent sa politique.

Refuser par principe les fusions « techniques » est donc une position, certes simple à expliquer, mais en réalité faussement radicale. Le PS ne s’y est pas trompé, il refuse presque toujours ce type de fusion sauf s’il y est obligé par le rapport de force.

Une fusion « programmatique » est d’un autre type : elle implique un engagement sur un programme commun aux listes qui fusionnent avec une forme de solidarité de gestion, une éventuelle participation aux exécutifs. Mais, s’agît il de gauchir un peu une orientation largement dominée par le PS ou d’imposer un vrai changement de politique ? Aux régionales de 2010, des listes FDG avaient accepté des fusions de ce type avec le PS, sans rapport de force. Cela revient de fait à accompagner la politique du PS, c’est pourquoi le PS est en général favorable à ce type de fusion. Cependant, une telle fusion ne peut être toujours exclue par principe, quels que soient les scores. Si une liste FDG arrive en tête, voire à partir d’un vrai rapport de force, il peut être possible d’imposer de vrais changements dans la politique municipale.

Maintien, fusion technique, fusion programmatique, difficile de trancher définitivement, par principe et par avance, avant même de connaître les résultats du premier tour, comme le demande le NPA. Le FDG ne part pas non plus dans l’incertitude la plus totale, le protocole d’accord (ici) signé par les composantes du FDG donne des éléments de réponse et des bornes.

Ajoutons enfin, que lors des rencontres avec le NPA, Ensemble ! et le PG ont indiqué que si les résultats étaient proches de ceux indiqués par les sondages, nous étions pour nous maintenir au second tour. On ne peut cependant définir à l’avance une politique sur la base de sondages.

Le cours isolationniste du NPA

Si le NPA pose un problème politique réel sur la question complexe du second tour, il est à remarquer que cela se fait dans le cadre d’une ligne politique visant surtout à justifier l’isolement vis à vis du Front de Gauche.

Notons pour l’anecdote qu’avec la position actuelle du NPA, celui-ci ne serait allié ni avec la LCR ni même avec le NPA à ses débuts. En effet, aux municipales de 2001 et de 2008, la LCR, s’était prononcée, pour des fusions « techniques », de même que le NPA aux régionales de 2010 (sauf ici avec Frèche). Certes le contexte a changé mais le PS était déjà largement ce qu’il est.

Le NPA a donc changé de position, ce qui peut se comprendre vue la politique de Hollande. Ce qui se comprend moins, c’est de dire que l’on est pour l’unité et d’exiger de ses partenaires qu’ils adoptent la même position que vous et au même rythme : l’unité oui, mais sur notre ligne et au même moment !

La force du Front de Gauche vient en grande partie de la diversité de ses composantes. La plus grande d’entre elles, le PCF, avait pour orientation de rechercher systématiquement l’union avec le PS aux municipales. Pour la première fois, cela est en train de changer, dans une bonne partie des villes, notamment dans la région. A Monpellier, cela s’est fait au prix d’une rupture du PCF avec ses élus sortant dont le premier secrétaire fédéral. Faut il accompagner ce mouvement, quitte à accepter quelques compromis, afin de construire ce que le NPA des origines voulait construire, c’est à dire une gauche de gauche indépendante du PS ? Ou faut il toujours en rajouter dans les exigences politiques pour être bien sûr de ne faire alliance avec personne tout en prétendant être unitaire ?

Le problème n’est pas que local. A sa création, le NPA s’était prononcé pour l’unité des forces de la gauche de la gauche, du moment que l’indépendance vis à vis du PS, concrétisé par un refus de participer à un gouvernement PS, serait acquise. Ceci fait en 2012, le NPA (sa nouvelle majorité) a d’abord attendu que cette non participation se traduise en opposition. Ainsi, pendant des mois, le NPA a été le seul à ne pas s’être aperçu que le FDG jouait le rôle d’opposition de gauche. Puis il a dit à peu près : « il joue ce rôle mais ne l’assume pas et c’est un peu malgré lui ». Maintenant, ayant enfin entendu les discours de JLM, il explique en gros : « oui, il dit qu’il est une opposition de gauche mais en fait, ce n’en est pas une véritable car le FDG rêve d’un retour à l’union de la gauche ». Bref, plus le FDG va dans le bon sens, même si, on le sait, cette évolution peut se faire dans les tensions et les contradictions, plus le NPA en rajoute.

Caricature ? Voici la conclusion de l’éditorial paru en janvier 14 dans l’hebdomadaire du NPA à propos du FDG : « Alors oui, il faut construire une opposition de gauche, mais une opposition ouvrière et populaire qui prépare une riposte pour mettre en échec le gouvernement et le patronat, en rupture avec les politiques d’austérité, la logique du profit, le capitalisme. Pas une nouvelle mouture d’union de la gauche... » (Intégralité de l’article ici)

Pour notre part, nous invitons le NPA à prendre toute sa place dans le rassemblement que nous construisons pour les municipales sur Montpellier et au delà. En agissant à nos côtés, il pourra s’apercevoir, que bien entendu il y a des hésitations, des débats, des contradictions, mais que ce qui nous rassemble, la volonté de construire une vraie alternative de gauche, en opposition au PS, est bien plus fort que les divergences tactiques.

David Hermet


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