Un succès imprévisible : le processus de convocation de l’assemblée représentative du M6R !

vendredi 13 mars 2015.
 

Il entre dans sa phase décisive. Avant de parler du résultat très étonnant acquis sur ce plan, je voudrais faire quelques remarques générales. La mise en place du Mouvement pour la sixième République est une des actions politiques que j’ai amorcées dont je suis le plus impressionné. Je m’émerveille de la voir trouver son rythme et sa vie propre, c’est-à-dire trouver son autonomie de discussion et de fonctionnement. En lançant le projet, je ne savais rien de ce que serait l’écoute reçue par un projet essentiellement construit par Internet. Je ne sais pas s’il y a un précédent de cette nature pour une idée aussi ample. Car signer pour demander la tenue d’une Assemblée Constituante n’est pas un acte de seconde intensité politique. Tout le contraire. Cependant, considéré du point de vue de la façon de faire de la politique traditionnelle, ce fait n’est pris en compte nulle part. Pour un observateur lointain, toute pétition se vaut. Et ceci depuis le départ. J’ajoute que les développements de la plateforme, de sa fréquentation, des thèmes abordés, la croissance du nombre des signataires, tout est passé sous les radars des commentateurs comme de la mouvance politique de gauche pourtant friande de discours sur la nécessité de « faire du neuf », « dépasser les formes traditionnelles » et ainsi de suite. Je crois que cela a été notre chance. De cette façon nous nous sommes évité des centaines de trolls, sans oublier les inévitables aigres polémiques byzantines dont l’autre gauche a le secret et l’inépuisable pratique. Je me suis amusé de voir annoncé l’échec et même la mort de l’initiative à plusieurs reprises par toute sorte de gens, sans arrière-pensée cela va de soi. Il va de soi cependant que ces peaux de bananes là et quelques polémiques aussi acrimonieuses que vaines ont peut-être contribué à ralentir le mouvement de signatures déjà atteint par la trêve des confiseurs puis relégué par la violence de l’actualité des assassinats du début d’année. Mais au premier signal, le flux de signataires a repris son cours. Ce qui était un fleuve était devenu un ruisseau ; le revoici revenu en rivière vigoureuse. Depuis que nous avons franchi la barre des 80 000 signataires nous savons que nous atteindrons à coup sur les 100 000, certes moins vite que prévu, mais que nous les atteindrons. Pour moi, c’est un fait important. L’auto-organisation d’un mouvement qui compte une telle base annonce une puissance.

Mon idée était qu’il fallait inscrire la construction du M6R dans la durée. Et non dans le style des champignons médiatiques qui ne peuvent durer qu’à la condition d’une obsédante agitation qui tourne vite au superficiel. Mais une telle pratique politique est-elle possible ? C’est ce que je ne savais pas en commençant. Ni aucun de celles et ceux qui se sont impliqués en toute sincérité sans en attendre rien d’autre que d’être en accord avec soi-même. La montée du nombre des signataires, l’ouverture de la zone de débats, puis les initiatives comme « la manifestation en ligne », et combien d’autres choses de cet ordre ont apporté la preuve que le système trouvait son enracinement et que ses signataires agissaient en toute conscience politique et non pas sur un coup de tête. Des niveaux différents d’engagement ont été observés comme le prévoyaient les organisateurs de la plateforme a ses débuts. C’est là une caractéristique des mouvements de notre temps. Les uns s’engagent beaucoup, d’autres moins, et nombreux passent de l’un à l’autre statut sans difficulté ni drame dès lors qu’aucun enjeux de pouvoir ne s’y trouve lié. C’est à cette implication que nous devons le premier résultat obtenu : toute la logistique informatique est une création ouverte et autonome des participants qui se sont impliqués parmi les 2000 personnes qui se sont offertes pour prendre en charge une compétence personnelle. Je le rappelle car à peine l’idée de la plateforme interactive avait-elle été lancée que nombre de critiques s’était exprimées pour exiger une indépendance totale. C’est fait. Ce n’est pas rien. Tous les outils mis en service : machine à voter, plateforme de débat, plateforme « nous le peuple », et à présent la machine à organiser les rencontres locales, tout a été fabriqué par les militants de l’équipe très horizontale venue de tous les horizons qui fait vivre le Mouvement en mettant à sa disposition les moyens techniques qui permettent son expression sous toutes les formes.

La phase auto-organisation consiste à mettre en place une assemblée représentative des signataires. Je lui remettrai officiellement les clefs de la nouvelle maison dont j’ai lancé la fondation en disant dès le premier jour que je n’avais d’autre but que de n’y jouer aucun rôle supérieur à celui de tous les autres participants. Déjà le mouvement est en réalité animé et mené par l’équipe technique qui n’est pas faite de techniciens mais de militants de la cause du M6R qui ont une compétence technique qu’il mettent à son service. Une équipe très jeune, donc d’une culture aussi contemporaine que ses outils d’action. Le lancement du processus de tirage au sort a été la plus grande crainte. Les tirés au sort accepteraient-ils de s’engager ? La bonne surprise c’est qu’à mesure du tirage, 20 % des sélectionnés acceptent d’assumer le rôle qui leur est proposé. Même bonne surprise côté contingent des gens à élire. Combien de candidats se présenteraient ? Faudrait-il courir après des candidats à pousser dans le dos ? Inutile. Plus de 800 candidatures se sont faites connaître ! C’est proprement aussi stupéfiant que la situation du tirage au sort ! Tout cela peut se découvrir sur le site et la plateforme.

Je pense que tout ceci fournit une matière première d’étude politique autant qu’un enseignement sur l’état d’esprit de notre temps actuel et sur l’action politique de notre époque. Car une leçon plus générale peut être tirée de cet épisode. Il est une source d’apprentissage en vue des campagnes qui viennent. Je pense avoir fait partie du peloton de tête en 2012 de l’usage de la toile comme espace public concret. Pourtant, nombre des décideurs n’y voyaient déjà qu’une coûteuse obligation confiée à des communiquant déjantés et un espace récréatif pour jeunes entrant dans le débat politique. A présent, je vois comment construire un avantage tactique décisif face à ceux que nous affrontons. Il est bon de les voir s’attarder sur le sable de l’arène où ont lieu les combats du cirque, pendant que les gens réels en sont aux jeux vidéo. Toutefois, mon regret est que trop de nos propres amis souvent n’y comprennent rien eux-mêmes. Ils conservent leurs repères dans les mouvements de l’espace traditionnel. Je ne dis pas qu’ils ne s’ouvrent pas au monde « virtuel ». Ils ne le considèrent pas en tant qu’espace central de la bataille en cours pour nous. Je dis bien pour nous. Car les passages dans les grands médias audiovisuels ont évidemment leur importance comme carrefour où se connecter avec « l’opinion » en général, c’est-à-dire avec la construction qu’en font les médiacrates. Mais ils ne sont rien pour construire des convictions. Ils ne peuvent laisser que des « impressions ». Non seulement du fait du traitement sensationnaliste de toute question qui en est la règle. Mais surtout parce que dans le flot général, nos présences ne changent strictement rien à l’effet de système des répétitions en boucle globale de ce que j’appelle le « parti médiatique » pour nommer cet effet de système. Elles servent seulement à justifier la bienveillance du système (« vous voyez on vous invite »). Il faut donc l’occuper dans l’esprit du spectacle qui en est la règle, sans en abuser pour ne pas subir l’épuisement de tout refrain.

Pour construire de l’argumentation et de la culture commune, l’échange et l’interactivité des réseaux sociaux et des blogs est le lieu décisif. Notamment pour construire notre résistance intellectuelle et pratique face à l’écroulement de l’espace public dans l’ethnicisme qui est en cours. Pour qui ne croit pas que tout soit ethniquement analysable, ni que le problème essentiel de la France ce soit l’antisémitisme et l’islamisme, il faut pouvoir trouver où parler d’autre chose. Ce n’est donc pas dans l’espace public audio-visuel officiel que cela se passe. Celui-ci est entièrement voué à la construction du paysage du choc des civilisations. C’est ce que nous subissons depuis des semaines. Il va de soi que cette mise en scène correspond exactement à la représentation du monde du « tout ethnique » de l’extrême droite. Elle va donc amplifier sa dynamique interne mobiliser mieux que personne son propre électorat et commencer à siphonner sérieusement et profondément la droite. Les logiques qui se construiront alors sont celles de l’esprit de résistance. Cet esprit, conscient et argumenté, nourrit d’intelligence et d’arguments, sera notre point de départ. Il se fabrique ici, sur la toile, au calme du choix des lectures et des interlocuteurs. Je m’empresse d’ajouter que je suis conscient du fait que tout le monde n’accède pas à internet, et ainsi de suite, comme on me l’objectera avant de me conseiller la pratique du porte à porte que beaucoup de mes conseilleurs ne pratiquent eux-mêmes jamais. Mais cette précaution prise, je renvoie à mon analyse de la réalité concrète de l’espace virtuel. J’en ai déjà fait un thème ici et je renvoie mes nouveaux lecteurs à ce que j’en ai dit après avoir pris le soin de l’argumentation et de l’effort d’écriture.

Je sais bien combien la débandade sera profonde dans l’espace traditionnel de la « gauche ». La « gauche traditionnelle » va être détruite dès le premier tour dans 600 à 1000 cantons. Cyniquement, le PS en tire l’argument d’un chantage sans cesse alourdi : « unitéééééé » bêlent tous les chefs du PS. Comment y parvenir ? En nous taisant et en acceptant leur politique, celle-là même qui provoque le désastre. Ceux-là sont directement et personnellement responsables du désastre qui s’avance. Mais évidemment, ceux qui continuent à placer le PS devant au nom du « vote utile », du « moins pire » et ainsi de suite sont les fossoyeurs effectifs de la gauche. Ce n’est pas tout. Le soir du vote, le résultat sera rendu illisible par les manipulations de la nomenclature des « nuances » et « étiquettes » décidées dans les préfectures et au ministère de l’Intérieur. Tout est organisé pour rendre la situation absolument démoralisante et renforcer la pression pour « l’unitééééé » au service du PS et de Valls. Nous avons prévu de faire notre propre présentation des résultats le soir du premier tour. Mais surtout de vous indiquer où se joue en réalité la partie qui se prépare pour la riposte depuis notre camp : les cantons, départements où les assemblées citoyennes ont désigné les candidats, là où les accords Front de gauche et EELV ont fonctionné. Car dans la nuit qui nous accable, la suite se prépare avec patience. Du M6R aux élections, nous ne lâchons rien ! Et moi moins qu’un autre je veux le dire ici. Dans l’intervalle, nous avons besoin d’un peu de discrétion et d’ombre, ici ou là, pour échapper aux éclairages malveillants. Après la pluie…


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message