France Grèce Cobayes de l’UE

vendredi 8 mai 2015.
 

- A) La Grèce assiégée

- B) La France dans le viseur

- C) « Réformes contre déficit »

- D) L’Europe anti-démocratique

« La France serait contente que quelqu’un force le Parlement [à adopter des réformes], mais c’est difficile, c’est la démocratie ». Le ministre allemand des Finances Wolfgang Schäuble a fait un aveu : les eurocrates veulent imposer leur politique de gré, ou de force.

A) La Grèce assiégée

La Grèce fait évidemment figure de cobaye depuis longtemps. Cobaye économique subissant les plans d’austérités de la troïka FMI-Commission européenne-Banque centrale européenne dès 2010. Cobaye politique depuis la victoire de Syriza le 25 janvier dernier. Depuis cette date, l’Union européenne fait tout son possible pour faire plier le gouvernement grec. Que veut-elle ? Des « réformes ». Mais ce mot ne veut rien dire. Le gouvernement Tsipras a proposé plusieurs réformes importantes, découlant de son programme électoral : lutte contre la fraude et l’évasion fiscale, soumission des grands médias audiovisuels à une redevance, mesures de lutte contre la pauvreté. Mais selon la Commission européenne « le compte n’y est pas ».

C’est que, contrairement au discours officiel, la Commission ne se contente pas de fixer un objectif laissant aux États-membres le choix des moyens pour l’atteindre. Elle fixe aussi le contenu des « réformes » exigées. En fait de « réformes », ce que l’UE exige, ce sont des « réformes néolibérales ». Elle veut imposer au gouvernement grec la même potion qui a échoué et que les électeurs ont rejeté : « réforme » du marché du travail pour flexibiliser encore plus, « réforme » des retraites pour baisser les pensions, hausse de la TVA…

A l’heure où ses lignes sont écrites, le gouvernement Tsipras continue de refuser ces « lignes rouges ». Mais l’UE est très agressive. Les ministres des Finances des 18 autres pays de la zone euro refusent de verser à la Grèce les 7,2 milliards d’euros prévus pour boucler le dernier « programme d’aide ». L’odieux chantage « réformes » contre « versement » se poursuit. La Banque centrale européenne se livre à un véritable siège monétaire. Elle a ainsi coupé le principal canal par lesquelles les banques grecques accèdent à de l’argent frais. Elle l’a fait dès début février, avant le début des négociations entre le nouveau gouvernement et le reste de l’UE, preuve du caractère politique de sa décision. Depuis, les banques grecques sont obligées d’accéder à des liquidités par un canal spécial, plus cher et dont le montant est plafonné et relevé au compte-goutte par la BCE. Le 25 mars, la BCE a encore franchi un cran dans le blocus monétaire. Elle a exigé des banques grecques qu’elles cessent d’acheter la dette à court terme émise par le gouvernement grec. Le but est simple : étouffer la Grèce pour la faire plier ou effondrer son système bancaire si elle ne cède pas. Une méthode de guerre qui foule aux pieds la souveraineté du peuple grec.

B) La France dans le viseur

Face à ces attaques, François Hollande n’a pas aidé le gouvernement Tsipras et défendu la démocratie. Pire, Manuel Valls se fait le perroquet de la Commission, exigeant des Grecs « des réformes plus profondes ». Dans la bouche d’un libéral comme Valls, cela n’a rien de surprenant. Sa politique d’austérité et de « compétitivité » va dans le même sens que celles imposées en Grèce. Et que dire d’autres alors que la France est désormais dans le viseur de l’UE ? Le ministre allemand des Finances a clairement indiqué qu’elle est la prochaine cible. L’étau est déjà en place, les procédures déjà lancées. Ce n’est pas (encore ?) la troïka, la Commission gère les choses directement pour l’instant. Le nouveau traité budgétaire et les règles européennes adoptées récemment ont considérablement renforcé ses pouvoirs. Elle surveille les États, « recommande » des réformes ou des coupes budgétaires nouvelles et peut prendre des sanctions qui s’appliquent de manière quasi-automatique. Cette fois-ci, le chantage c’est « réformes contre délai pour réduire le déficit public ».

C) « Réformes contre déficit »

Le 25 février, la Commission a franchi une nouvelle étape contre la France. La Commission a accordé 2 ans supplémentaires pour réduire le déficit public sous les 3% du PIB. Ce sera 2017 au lieu de 2015. Mais elle a assorti ce délai d’un chantage strict exigeant de nouvelles coupes budgétaires en plus des 50 milliards d’euros déjà votés par le PS et de nouvelles « réformes ». Le Conseil des ministres a validé mercredi 15 avril le programme de stabilité que la France doit envoyer à Bruxelles avant le 30 avril. La Commission va l’examiner et rendra sa recommandation fin mai ou début juin. Si elle trouve le plan français insuffisant, elle peut proposer des sanctions allant jusqu’à une amende de 4 milliards d’euros ! Il faudrait alors qu’une majorité d’Etat membres de l’UE s’y oppose pour qu’elles n’entrent pas en vigueur.

C’est pour cela que le gouvernement Valls s’exécute, en plus de son évident accord idéologique. Il prévoit 9 milliards d’euros de coupes budgétaires supplémentaires en 2015 (4 milliards) et en 2016 (5 milliards). Tout cela est concret. Le gouvernement prévoirait de poursuivre le gel des retraites jusqu’en octobre 2016 ! Et de nouvelles réformes libérales sont prévues comme l’allègement des seuils sociaux avec la loi Rebsamen. Manuel Valls a aussi déjà préparé le terrain à une nouvelle facilitation des licenciements dans les PME pour juin, résurrection du Contrat Nouvelle Embauche de Villepin. Il met aussi la pression sur les syndicats qui doivent renégocier plusieurs accords avec le patronat, par exemple pour obtenir la poursuite du gel des pensions complémentaires. Même chose sur l’assurance-chômage dont la convention doit être renégociée l’an prochain. Le gouvernement a déjà écrit à la Commission qu’il espérait 2 milliards d’euros d’économies par an notamment par « des règles d’indemnisation plus incitatives au retour à l’emploi » c’est-à-dire par la dégressivité dans le temps des allocations chômage. En France comme en Grèce, les retraites et le marché du travail sont les exigences principales de la Commission. Seule l’attitude des gouvernements diffère !

D) L’Europe anti-démocratique

L’adjectif austéritaire n’a jamais été autant justifié. Le lien entre les politiques d’austérité et leur application autoritaire est éclatant. En Europe, le renforcement de la « discipline » budgétaire passe par plus de flicage sur budgets nationaux. Le gouvernement élu de la Grèce est confronté à l’agression de la BCE, indépendante de tout contrôle démocratique. En France, le programme de stabilité ne fera pas l’objet d’un vote de l’Assemblée, contrairement à 2013 et 2014. Cette nouvelle ligne doctrinale a été énoncée crument par Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne dans Le Figaro du 29 janvier 2015. Au lendemain de la victoire de Syriza, il affirmait qu’ « il ne peut y avoir de choix démocratiques contre les traités européens ». Dix ans après avoir bafoué le vote des Français contre le traité constitutionnel européen, l’Union européenne fait son coming-out autoritaire. Elle applique ainsi doctement les principes de l’ordolibéralisme, cette doctrine économique inventée en Allemagne qui prévoit de soustraire les politiques économiques et monétaires de la délibération démocratique. Changer de politique économique et sociale et reconquérir la souveraineté populaire par la 6e République sont plus que jamais la même chose.


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