Affaire Kerviel : Vague à l’âme à propos de justice

jeudi 16 août 2018.
 

A) Interview de Jean-Luc Mélenchon sur BFMTV

« L’affaire Société Générale est un scandale d’État »

Invité de BFMTV le 18 avril 2015, Jean-Luc Mélenchon a déclaré que les propos de Marion Maréchal-Le Pen sur Zyed Benna et Bouna Traoré étaient « irresponsables » et jetaient de l’huile sur le feu. Interrogé sur l’affaire Kerviel/Société Générale, il a dénoncé un scandale d’État et demandé une commission d’enquête parlementaire puisque 1,7 milliard d’euros ont été versés à la banque par l’État.

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B) Vague à l’âme à propos de justice

Il faut parfois avoir le sens des responsabilités chevillé au corps. Il le faut en ce moment pour ne pas se poser trop de questions publiquement sur ce que nous voyons à propos du fonctionnement de la justice dans notre pays. La cour d’appel de Douai qui relaxe madame Le Pen pour son faux tract en utilisant le vocabulaire des avocats de celle-ci, le procureur qui ne dit rien, ne fait rien, comme tous ses collègues du parquet depuis le début de l’affaire. La Garde des Sceaux s’en fiche et accepte même sans broncher que l’enquête de police conduite après notre plainte ait disparue. L’État ainsi bafoué et ridicule, elle ne donne aucune instruction générale sur la fraude électorale alors même que l’élection d’Hénin-Beaumont avait permis au Conseil constitutionnel d’identifier 18 fausses signatures. C’est rude. Le jugement à propos des jeunes Zied et Bouna, électrocutés dans un transformateur, où, après dix ans de tergiversations et (sûrement) d’enquête il est proclamé qu’il n’y a pas de coupables de non-assistance à personne en danger un soir où les forces de police sont massivement mobilisées et interconnectée ! La relaxe du curé fasciste Beauvais qui fait des blagues racistes (« y a bon banania y a pas bon Taubira ») sous l’argument que « cela ne fait l’objet d’aucune controverse ». Le refus des cours de justice de demander à la Société Générale de prouver la perte qu’elle annonce face à Kerviel. J’en passe. C’est beaucoup, la même semaine.

Une ambiance s’exprime. Naturellement, on ne pourra jamais dire que la loi n’est pas appliquée. C’est en son nom et au nom du peuple que ces décisions sont rendues. Je n’ai pas l’intention de les discuter ici. Comment le ferais-je ? Je ne suis pas avocat. J’en tire juste des leçons. Les jurisprudences existent à présent pour le pire. On a le droit de faire des faux tracts d’autres candidats pendant des élections. On peut faire des blagues racistes avérées du moment qu’elles ne soulèvent pas de controverses d’un niveau assez élevées pour être perçue par le juge qui en est saisi. On peut être informé d’un danger de mort imminent et ne rien faire de plus qu’un autre qui ne fait rien parce qu’il ne sait rien du moment qu’il ne peut être établi qu’on pouvait faire quelque chose. Le formalisme juridique est sauf. La morale est morte, le civisme en deuil.

Pour moi, continuer la procédure contre les faux de madame Le Pen en Cours de Cassation serait idéal. Mais c’est une somme trop importante qu’il faudrait débourser. La justice est au-dessus de nos moyens. A toutes fins utiles nous avons préparé un courrier dans les délais pour permettre à la Garde de sceaux d’intervenir ou de prendre en charge cette démarche. Sans illusion. Après coup, nous voyons plus clair dans le jeu de chacun. La Cour de Béthune avait rudement puni madame Le Pen au maximum de l’amende. Normalement, son recours en appel, injustifié, après tant de procédures pour ralentir le jugement, aurait dû lui faire courir le risque d’inéligibilité. On comprend pourquoi le PS n’y a aucun intérêt ! Je vous donne donc à lire ma lettre à Christiane Taubira. Vous saurez si la procédure s’arrête et qui l’a embourbée.

« Madame la Garde des Sceaux,

Je souhaite vous alerter sur les dysfonctionnements de la police judiciaire et de la justice dans l’affaire des faux tracts réalisés et diffusés à l’initiative de Marine Le Pen contre moi lors de la campagne législative d’Hénin-Beaumont en 2012. J’ai poursuivi ces tracts comme étant un montage attentatoire à mon image et une manœuvre électorale frauduleuse punie par le code électoral. Alors qu’il s’agit là d’atteintes très graves à l’ordre public démocratique, une série de manquements du parquet ont conduit à faire bénéficier Mme Le Pen d’une véritable impunité trois ans après ces actes délictueux. Alors même que cette dernière les a reconnus publiquement à la télévision quelques jours après les avoir commis. Cette impunité est d’autant plus grave dans la situation actuelle de notre pays que le faux tract incriminé a une dimension xénophobe et raciste. Voici le recensement des manquements que je souhaite porter à votre attention. Premièrement : alors que des plaintes ont été déposées à l’époque, aucune suite ne leur a été donnée, ni de la part des services de police, ni de la part du parquet. Cela m’a contraint à devoir poursuivre moi-même Mme Le Pen par citation directe. Deuxièmement : lors de l’audience en première instance devant le tribunal correctionnel de Béthune, le procureur de la République adjoint, M. Jean Pierre Roy, a fait part de son embarras de ne pouvoir disposer d’éléments d’enquête, tout en précisant que les services de police lui avaient indiqué avoir égaré toute trace de l’enquête. Par ces conclusions, le procureur révélait ainsi l’existence d’une enquête dont la justice n’a cependant pas pu être saisie. Toujours dans ces mêmes conclusions, le Procureur s’est abstenu de requérir des poursuites en s’en remettant à la sagesse du tribunal. Et cela alors même qu’avait une nouvelle fois été établis à l’audience les faits délictueux commis par Mme Le Pen. Des faits d’ailleurs tellement évidents que le tribunal correctionnel de Béthune a condamné Mme Le Pen pour manœuvre électorale frauduleuse. Troisièmement : lors de l’audience en appel introduit par Mme Le Pen devant la cour d’appel de Douai, l’avocate générale, Mme Chantal Berger, s’est à nouveau abstenue de requérir des poursuites et s’en est aussi remis à la sagesse de la Cour. Là encore alors même que les faits délictueux ont été clairement établis à l’audience, à commencer par la déclaration audiovisuelle de Mme Le Pen affirmant avoir fait et fait diffuser le faux tract incriminé. Contre toute attente et en méconnaissance manifeste des faits qu’elle avait pourtant établis, la Cour d’appel a ensuite relaxé Mme Le Pen.

Le ministère public étant hiérarchiquement placé sous votre autorité directe, je souhaiterais savoir pourquoi il a renoncé depuis 3 ans à poursuivre une atteinte aussi grave et évidente à l’ordre public démocratique. Je souhaiterais aussi savoir comment une enquête de police judiciaire a pu être menée puis égarée sans qu’une enquête interne de l’inspection des services judiciaires ne soit diligentée. Ces manquements n’étant pas irréversibles, je vous demande de bien vouloir, d’une part demander au parquet général d’inscrire un pourvoi en cassation sur cette affaire et d’autre part de saisir l’inspection générale des services judiciaires des dysfonctionnements de la police judiciaire dans ce dossier.

Il en va de l’intérêt de la loi, et plus largement de l’intérêt général démocratique du pays, l’impunité accordée à Mme Le Pen risquant d’entraîner une répétition et une aggravation des atteintes à la loi électorale par son parti et plus largement tous ceux qui seraient tentés de s’engouffrer dans cette faille jurisprudentielle.

En vous remerciant pour votre attention, je vous adresse mes salutations les plus cordiales.

Jean-Luc Mélenchon »


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