EELV, contre l’enlisement, l’audace !

jeudi 10 septembre 2015.
 

Savamment orchestrés, les départs de François de Rugy et de Jean-Vincent Placé d’EELV ne méritent sans doute pas le tohu-bohu médiatique qui s’en est suivi. Pour qui observe ne serait-ce que de loin EELV il est difficile de s’intéresser à des dénonciations aussi caricaturales d’EELV dénoncé comme un « astre mort » frappé de « gauchisme ». On aura en effet compris que pour eux le gauchisme commence avec la décision de Cécile Duflot et Pascal Canfin en avril 2014 de ne pas participer au gouvernement formé par Manuel Valls. Difficile aussi de s’étonner de ruptures prévues et annoncées de longue date. La prétendue allergie au gauchisme n’a guère à voir avec un désir ostentatoire d’être promu ministre lors d’un prochain remaniement gouvernemental. Au demeurant, ces discours sont si cousus de fil bien blanc qu’il est apparu à J-V Placé ni utile, ni nécessaire de mener le débat lors de l’Université d’été d’EELV, qui se tenait quelques jours avant cette annonce, et à laquelle il n’a fait qu’une rapide apparition davantage tournée vers les médias que s’intéressant aux militants.

Reste que l’affaire mérite malgré tout quelque attention en ce qu’elle met en lumière les dynamiques à l’oeuvre. Ce qui pourrait être perçu comme une tempête dans un verre d’eau est révélateur des grandes manœuvres en cours. Lesquelles demandent à être observées moins côté d’EELV que côté PS.

A la veille de la défaite prévisible et prévue pour le PS aux régionales, dernier rendez-vous électoral avant la présidentielle de 2017, François Hollande, depuis l’Élysée, et Jean-Christophe Cambadélis à Solférino, phosphorent pour inventer une formule de substitution à tout ce qui dans le passé a pu s’appeler Union de la gauche ou Gauche plurielle. Cambadélis propose une « nouvelle alliance populaire ». Populaire, passons, nouvelle, certainement... Mais alliance ? Alliance avec qui ? Pas avec le PC, ni les forces rassemblées dans le Front de gauche. Ni avec EELV. Puisque rien d’écologique, de social ou même de démocratique ne peut-être proposé pour justifier un accord politique, qui en outre devrait faire silence sur le bilan de trois ans de politique gouvernementale calamiteuse. Si bien que le seul argument invoqué pour appeler à l’unité à gauche est celui de faire face à la menace du Front national. Argument que reprennent à leur compte Placé et de Rugy pour dénoncer le gauchisme diviseur de ceux qui à EELV refusent d’aller avec le PS, en particulier en PACA et dans le Nord-Pas-de-Calais-Picardie où le FN peut l’emporter..

Donc, comme membres de ladite alliance il faut compter sur Jean-Luc Bennahmias et son Front démocrate, récemment créé, sur Robert Hue et son Mouvement des progressistes... Surtout à présent sur ces tout frais sortis d’EELV et leur opération de rassemblement des « écologistes démocrates et progressistes » disponibles pour constituer une « nouvelle formation écologiste réformatrice ». Ce parti dont Cambadélis dit « espérer et souhaiter » qu’il se situera « à côté du PS ».

Un PS dont son Premier secrétaire évoque le nécessaire dépassement : « Le vieux PS, explique-t-il, c’est terminé, le nouveau va advenir » (Talk-Le Figaro, le 2 septembre 2015).

On comprend qu’un maroquin ministériel représente une assurance indispensable à qui va affronter cette troublante situation d’être à côté d’un PS qui se termine, pour qu’advienne le nouveau …

Face à cela est-ce que EELV peut se contenter de répondre pas son autonomie ? C’est-à-dire, en fait, d’être ni avec le PS, ni avec le Front de gauche ? Ce serait contourner la véritable question : comment, au plan électoral, mais plus largement dans la société et les mobilisations, défendre une perspective répondant aux défis auxquels cette même société est confrontée ? Et ce sur tous les terrains : écologique, social, démocratique...

Pas en cautionnant la politique du PS, certes. Mais au nom de quoi récuser la possibilité, qui paraît pouvoir se confirmer dans plusieurs régions, d’accords avec le Front de gauche permettant d’associer largement des forces citoyennes et du mouvement social ?

Une telle perspective suppose de surmonter bien des contentieux et de maîtriser nombre de divergences dont nul ne peut nier ni la réalité ni l’importance. Mais elle porterait un espoir pour toutes celles et tous ceux qui ne se résignent pas à la défaite à laquelle la politique du PS conduit la gauche et le mouvement progressiste. Dans trois mois la droite va sans doute rafler un grand nombre de régions. Le Front national va peut-être se confirmer comme la deuxième force électorale. Au point de refermer sur le PS le piège dudit front républicain, sans contenu réel, qui pourra amener celui-ci à se retirer en faveur de la liste de droite au nom de la nécessité de faire barrage au Front national. Un scénario catastrophe qui indique qu’il y a urgence à faire vivre une gauche sociale, écologique et démocratique.

Un défi au regard duquel nul ne saurait s’esquiver.

Francis Sitel


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