Qu’a-t-on fait de la République française  ? ( par Bernard W. Sigg, psychanalyste)

vendredi 4 mars 2016.
 

Crise, réforme, modernisation, beaux prétextes pour s’attaquer aux bases du régime républicain  ! Et le peuple de ne pas s’en inquiéter. Cause ou effet  ? Tout s’embrouille. Il faut dire que la manœuvre n’est pas neuve car, s’amorçant à la fin des années 1950, elle est menée conjointement par des conservateurs liés au CNPF/Medef et par d’incertains socialistes tels ceux qui, le 13 mai 1958, aidèrent à coiffer la République, IVe, d’un roi président. Tout ceci prétendument pour « la richesse de la France », mais en réalité au profit du capital, indifférent aux soubresauts colériques d’un peuple qui se désespère plus vite qu’il ne s’enflamme. Valls et Hollande, eux, se pressent de parachever le démantèlement amorcé.

La relance de la guerre d’Algérie provoqua la désorientation populaire qui permit le coup d’État du 13 mai 1958 et la substitution d’une Constitution présidentialiste à celle de 1946. Abasourdie, la population ne réagit pas  ; les Assemblées plièrent et seuls les communistes osèrent dire non à la République croupion. L’étouffement de la démocratie débuta aussitôt, exigé par le complexe militaro-industriel colonial.

La République fut secouée une dernière fois par la colère populaire, en 1968 – ample mouvement dont les premiers résultats positifs furent vite détournés. Déçu, le peuple se laissa dépouiller et on assista à l’affaiblissement des syndicats et partis. Leurs efforts de rapprochement échouèrent et la victoire de « la gauche », en 1981, devint la roche tarpéïenne d’où surgit le déclin. Inégalités et chômage s’accrurent, l’argent devenant le critère unique et tous les paiements passent obligatoirement par les banques désormais.

C’est ainsi que les nations ont été affaiblies, que la lutte des classes devenait moins visible, jusqu’à être niée, tandis que se multipliaient les pouvoirs non élus – Conseil constitutionnel, Commission européenne, etc. La « dérégulation » et la désétatisation étaient lancées, éloignant les citoyens du contrôle des affaires  ; leurs votes négatifs ne comptaient plus, seul étant valable le choix d’« experts », pour qui les dividendes priment sur les besoins sociaux.

Le désintéressement des populations, puis leur abstentionnisme en ont résulté. En effet, espérance, désir et plaisir sont les moteurs primordiaux des sujets et des groupes familiaux constituant les nations. D’où l’offensive permanente des médias et pouvoirs contre psychanalyse et psychologie  ; tout est bon pour ramener les réactions et sentiments humains à l’hérédité et à la biologie. Ce faisant, on désarme citoyennes et citoyens déjà rendus crédules et passifs par les moyens d’information et de communication  !

On sait aujourd’hui qu’il faut que les sujets disposent de la parole pour qu’ils puissent saisir le monde et y bâtir leur avenir. Or, tout leur a peu à peu été retiré  : choix, santé, travail, échanges culturels, etc. Déçus ou inhibés, souvent alcoolisés ou drogués, comment pourraient-ils s’opposer aux manipulations financières inhumaines des grands possédants  ? « S’adapter », « réformer » la Constitution ou « lui rendre un élan » ne sont que réponses dilatoires ou diversions  ! Il y manque toute espérance concrète, tout désir d’aboutir et la solidarité dans l’égalité qui seule peut rassembler pour l’accomplissement de justes projets. La République sociale, que voulaient communards et Résistants, exigera l’information véridique, l’écoute attentive de tous et de toutes, et la libération fraternelle, chacun gardant ses rêves et croyances. Peut-être alors, jeunes sans emploi, adultes sans soins et vieux sans retraite se joindront-ils à nous pour créer une majorité et bâtir une République pour tous  ?


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