"Si Hollande et Valls sont de gauche, moi, je suis curé" Eddy Mitchell

mardi 14 juin 2016.
 

Vous avez écrit des chansons sur le blues des cadres licenciés, la société de consommation et les petites gens, ceux qui sont pris à la gorge par les crédits…

La colère sociale gronde et elle est justifiée. Les Français se sentent trahis. François Hollande a été comme une bouffée d’air frais pour des millions de gens. Et il ne se passe rien. Je n’ai rien contre lui personnellement, mais il fait de la peine, ce garçon. Hollande est tout le temps humilié et humiliant. Mon cœur balance à gauche. Mais quelle gauche ? Et ce n’est pas le gouvernement actuel. Si Hollande et Valls sont de gauche, moi, je suis curé.

En revanche, vous avez été proche de Mitterrand

Il fut le seul homme politique que j’ai publiquement soutenu. Je lui trouvais, outre son intelligence, beaucoup d’humour. Lors d’une réception à l’Élysée, il s’était approché de moi pour me dire : "Mais vous, Eddy, est-ce que vous avez du mal à vous faire comprendre ? Parce que moi, j’ai un mal fou." J’avais trouvé ça formidable, venant d’un président de la République. En revanche, j’ai refusé la Légion d’honneur qu’il voulait me refiler. J’ai bien fait quand on voit à qui on la donne aujourd’hui, notamment à des princes saoudiens coupeurs de tête.

On vous sent désabusé par la politique...

J’ai voté pour la première fois de ma vie en 2002, au second tour de l’élection présidentielle, pour faire barrage au FN. Sans même parler de leur idéologie abjecte, leur programme économique comme sortir de l’euro est ridicule. Ils essaient de se donner une image respectable, personne n’est dupe. Ils ont viré le père ? La belle affaire. C’est dans les gènes.

Vous écoutez les chanteurs de la nouvelle génération, Biolay, Christine and The Queens…

Oui, ils sont charmants, mais vocalement c’est riquiqui. Où sont les grandes voix ? En général, ils font très bien leur truc, mais pour moi, un chanteur, ça doit chanter, irradier. Là, ça murmure, ça susurre des soucis existentiels et nombrilistes.

Parlons des vétérans alors. Le nouvel album de Polnareff, vous l’attendez avec impatience ?

Je ne suis pas pressé, et lui non plus visiblement. Il est annoncé depuis deux ans. Il peut sortir dans deux mois comme dans quatre ans… Michel, c’est un artiste que j’aime beaucoup, un type hors du commun, un Martien, on ne sait pas s’il est vrai, s’il est escroc. Il a écrit des chansons absolument splendides.

Et Christophe ?

C’est un copain. On avait la passion commune de la bobine et du poker. On jouait pendant des nuits entières. C’est fini depuis que je me suis fait interdire de casino en 1983. Ça ne nous empêche pas de nous voir. Christophe, c’est un fou furieux. Il peut passer des mois à expérimenter un son sur ses pianos extraordinaires.

A vos heures perdues, vous n’avez pas envie de renouer avec votre passion première ?

Eh oui, je suis un dessinateur frustré. J’aurais bien aimé entrer aux Beaux-Arts. Je n’en avais pas les moyens. J’ai récemment retrouvé mon premier dessin publié dans le magazine Risque-Tout. C’était un cow-boy attaché à un poteau de torture, il venait d’être scalpé par un Indien et il lui balançait : "Pendant que vous y êtes faites-moi donc la barbe." J’avais 14 ans, et j’avais une vision du rêve américain assez burlesque.

On vous taxe souvent de passéiste…

En réalité, j’aime le présent. Je n’ai pas le temps d’être nostalgique. C’est un point commun que j’ai avec Johnny. Quand on se voit, on parle de restaurants, de musique ou de films, jamais à se remémorer les bons souvenirs. Pas le genre de la maison.


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