Brésil : Putsch réussi de politiciens corrompus contre Dilma Roussef, présidente élue

mercredi 31 août 2016.
 

- D) Brésil : Les corrompus ont réussi leur coup d’état (PG)
- C) Coup d’état au Brésil (par le Gouvernement Révolutionnaire Cubain)
- B) Dilma Rousseff affronte des putschistes en col blanc
- A) Au Brésil, vers la destitution de Dilma Rousseff : Le dernier soupir des manifestations

D) Brésil : Les corrompus ont réussi leur coup d’état (PG)

Le Sénat brésilien vient donc d’adopter la destitution de la présidente Dilma Roussef. Le coup d’état a été mené par un ensemble de sénateurs corrompus, avec leur tête le président intérimaire Michel Temer. Les voix de 61 hommes s’imposent ainsi au vote de 54 millions de Brésilien-nes.

Cette décision est à replacer dans le contexte d’offensive libérale appuyée par les Etats-Unis dans tous les pays d’Amérique du Sud et notamment dans tous ceux qui avaient osé se dresser contre l’oligarchie qui préfère défendre ses intérêts et ceux des multinationales US plutôt que l’amélioration des conditions des peuples des divers pays.

C’est un sombre jour pour la démocratie lorsque les suffrages d’un peuple peuvent être niés par des machinations politiciennes qui ont pour but de sauver des corrompus et d’imposer des régressions économiques et sociales aux classes populaires.

Martine Billard

C) COUP D’ETAT AU BRESIL : Déclaration du Gouvernement Révolutionnaire Cubain !

B) Dilma Rousseff affronte des putschistes en col blanc

C’est aujourd’hui que s’ouvre à Brasilia, au sein du Sénat, le procès pour destitution de la présidente de gauche, qui assurera sa défense lundi. Pour les forces démocratiques, la vacuité des accusations à l’origine de son éviction temporaire est la preuve d’un coup d’État institutionnel. Verdict le 31 août.

Dilma Rousseff ne craint pas l’affrontement. « Je n’ai jamais eu peur de cela. J’ai enduré des tensions bien pires dans ma vie. C’est un exercice de la démocratie. » Il y a un demi-siècle, l’ancienne guérillera, emprisonnée et torturée durant la dictature (1964-1985), avait affronté ses bourreaux sans vaciller. Aujourd’hui, le contexte est tout autre mais l’adversité n’en est pas moins terrible. C’est aujourd’hui que s’ouvre à Brasilia, au sein du Sénat, le procès très politique pour destitution de la cheffe de l’État, après des mois de crise institutionnelle qui ont parfois viré à une grotesque pantalonnade. La présidente se défendra lundi devant une chambre haute qui, le 12 mai, l’a déjà écartée de manière temporaire du palais du Planalto. Mais quelle est la crédibilité de ces parlementaires dont la plupart ont maille à partir avec la justice pour des affaires de corruption  ? L’opposition de droite cherche à évincer la gauche en usant de tous les prétextes, faute d’y être parvenue dans les urnes depuis quatorze ans.

Dilma Rousseff connaîtra-t-elle le même sort que les présidents hondurien Manuel Zelaya et paraguayen Fernando Lugo, victimes de coups d’État parlementaires en 2009 et 2012  ? Tour à tour, détracteurs et partisans de la dirigeante du Parti des travailleurs (PT – gauche) se succéderont à partir d’aujourd’hui à la tribune du Sénat transformée pour l’occasion en un tribunal présidé par la Cour suprême. La cheffe de l’État a indiqué qu’elle assurera elle-même, lundi, sa défense lors de son procès pour destitution, dont le verdict est attendu le 31 août. Un procès très politique, inédit dans l’histoire de ce pays continent. « Résistons tous ensemble », a exhorté mardi la présidente devant des militants réunis à São Paulo. « J’ai lutté toute ma vie  : contre la torture, contre un cancer… Et je vais me battre maintenant contre toute injustice », a-t-elle assuré.

Quelques heures plus tard, la Cour suprême opposait une fin de non-recevoir au recours déposé par ses avocats visant à annuler le vote des sénateurs du 10 août, qui a ouvert la voie à son jugement, après l’avoir suspendue deux mois auparavant de sa fonction. « Ce que nous avons appris avec tout cela, c’est que la démocratie n’est pas garantie, comme nous le pensions, nous devons toujours être en alerte pour ne pas perdre ce que nous avons gagné », a-t-elle commenté, en allusion à la fragilité du régime, dont les institutions parlementaires sont minées par la corruption. À maintes reprises, elle a qualifié son éviction de coup d’État institutionnel.

Rien n’a été épargné à l’ex-guérillera, élue en 2010 à la tête de la huitième puissance économique mondiale et réélue haut la main à l’automne 2014. L’opposition, qui n’a eu de cesse de contester son leadership sans parvenir à ses fins, s’est lancée dans une entreprise de discrédit. Dans un premier temps, les forces de droite ont cherché à l’impliquer dans le vaste scandale de corruption du géant pétrolier Petrobras, qui éclabousse des dirigeants politiques, toutes couleurs confondues.

Aucune preuve de corruption contre la cheffe de l’État n’a été présentée

Ce n’est pas la première fois que la réaction se livre à ce genre de machination. « À chaque essai de réduction des inégalités sociales entre riches et pauvres, les classes dominantes ont réagi de manière violente. Dans les années 1950, des accusations de corruption ont mené le président Getulio Vargas au suicide (...) avant d’être démenties après sa mort. Outre les dizaines de lois que Vargas avait approuvées en faveur des travailleurs, les capitalistes brésiliens ne lui ont pas pardonné la création de Petrobras et l’institution du monopole étatique, rappelle l’universitaire João Oliveira, spécialiste du Brésil. En 1964, dans un contexte semblable à celui qui secoue le pays actuellement, les militaires ont réussi à destituer le président João Goulart, accusé de corruption. (...) En réalité, les conservateurs n’avaient jamais apprécié l’augmentation de 100 % du salaire minimum proposée en 1954 par Goulart, alors qu’il était ministre du Travail de Vargas. »

Jusqu’ici, aucune preuve compromettant la cheffe de l’État n’a été présentée. Mais l’idée a gagné du terrain grâce aux campagnes des grands monopoles médiatiques. La droite, mais surtout les anciens alliés gouvernementaux du PT comme le Parti du mouvement démocratique brésilien (PMDB) de Michel Temer, qui assure désormais la présidence par intérim, ont entrepris d’achever Dilma Rousseff, en l’accusant de « crime de responsabilité ». Ils lui reprochent un « pédalage fiscal », jonglage budgétaire auquel elle se serait livrée en 2014 en transférant de l’argent d’un ministère à un autre afin que les dépenses publiques apparaissent équilibrées. Cette irrégularité ne relève en rien d’un crime de responsabilité, d’après de nombreux juristes. Un rapport rédigé en juin par trois experts du Sénat pour le compte de la commission spéciale chargée du processus de destitution de Rousseff souligne d’ailleurs que la présidente ne serait pas responsable, de manière directe ni même indirecte, du « pédalage fiscal » qui lui est reproché. Ses prédécesseurs qui ont eu recours à ce mécanisme comptable n’ont jamais été inquiétés par la justice. Pas plus que les onze gouverneurs actuellement en exercice familiers de cette pratique, comme Antonio Anastasia, de l’État du Minas Gerais et ­rapporteur de la commission sénatoriale à charge contre la dirigeante de gauche. Tout sent la cabale politique contre Dilma Rousseff et à travers elle, contre la gauche. Quarante-huit députés se sont déjà déclarés favorables à sa destitution. Dix-neuf autres défendent son maintien. Pour qu’elle soit définitivement écartée du pouvoir, 54 voix seront nécessaires au sein d’une chambre haute dominée par l’opposition.

Dès le début de la crise politique, la présidente brésilienne a reçu le soutien de la plupart de ses homologues latino-américains. À Paris, en revanche, toujours aucune réaction. Le 29 juillet dernier, des parlementaires de gauche adressaient au chef de la diplomatie, Jean-Marc Ayrault, une lettre demandant à la France de « soutenir les forces démocratiques afin d’éviter que ce pays ne replonge dans des années noires qui ont tant fait souffrir le peuple brésilien ». Le silence reste assourdissant.

Cathy Ceïbe

L’Organisation des États Américains demande des comptes aux sénateurs brésiliens

La validité, ou non d’ailleurs, du processus de destitution à l’encontre de la présidente Dilma Rousseff est scrutée à la loupe par l’Organisation des États américains (OEA). Cet organisme que l’on ne peut accuser d’accointances avec la gauche de ce continent a demandé des garanties au Congrès. Il a exigé des sénateurs à l’origine de l’éventuelle éviction de la cheffe de l’État, par le truchement de la Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH), de vérifier si le mécanisme respectait les textes constitutionnels. Le Congrès a aussitôt répliqué que la Constitution était respectée, mais sans autre détail.

A) Au Brésil, vers la destitution de Dilma Rousseff : Le dernier soupir des manifestations

Source : http://alencontre.org/ameriques/ame...

La période de vacances ainsi que le déroulement des Jeux olympiques qui se sont ouverts le vendredi 5 août ont contribué à ce que les Brésiliens ne descendent pas à nouveau en masse dans les rues pour s’opposer ou soutenir l’impeachment (destitution de Dilma Rousseff).

La fatigue après plus d’une année de protestations, conjuguée au sentiment que les carottes sont cuites – et que les possibilités qu’a Dilma Rousseff de regagner son poste sont faibles –, semble constituer les cause les plus probables permettant de comprendre qu’autant la gauche que la droite soient démobilisées.

A Copacabana, la centaine de personnes enroulées dans leurs drapeaux jaunes et verts [couleurs du Brésil] exigeant la destitution définitive de la présidente se mêlaient à la multitude de touristes, de sportifs des délégations étrangères ainsi qu’avec les cariocas [terme désignant les habitant·e·s de Rio] eux-mêmes qui sortent le dimanche courir sur la promenade ou faire du vélo. L’une des rares personnes qui ait réussit à attirer l’attention du public a été le député Jair Bolsonaro (qui a dédié son vote en faveur de l’impeachment au tortionnaire de Rousseff lorsqu’elle était guérillera), qui se promenait sur l’Avenue Atlantique avec une torche olympique jouet à la main aux côtés d’un personnage habituel dans les manifestations contre Dilma, qui porte un costume de Batman et se présente comme étant un « chasseur de corrompus ».

Devant l’église de la Candelaria, au centre de la ville, environ cinquante personnes portant des drapeaux du Parti des travailleurs manifestaient leur appui à la présidente. Le cri « dehors Temer » [l’ancien vice-président de Rousseff, actuel président par intérim] se faisait toutefois entendre de manière improvisée dans les rues. A 17 heures, sur la place San Salvador, en même temps que le spectacle de chorinho [musique populaire] de tous les dimanches, un public varié de jeunes et de personnes plus âgées ont commencé à scander Fora Temer. Ce n’est pas en vain, puisque depuis plus de deux mois divers groupes de gauche se réunissent sur cette place pour débattre des actions possibles « contre le coup ». A la fin de la nuit, à Santa Teresa, les clients d’un bar se sont approprié du cri de guerre contre le président par intérim et tous ceux qui passaient dans la rue se sont unis pour chanter contre Temer.

Les manifestations qui se sont déroulées dans 20 Etats du pays n’ont pas rassemblé [chacune] plus de 5000 personnes. La seule ville où ce chiffre a été dépassé a été São Paulo, où la manifestation en faveur de la présidente ou, pour le dire mieux, contre son remplaçant, a fait descendre sur la place de Largo da Batata près de 40’000 personnes menées par Guilherme Boulos, le président du Mouvement des travailleurs sans toit (MTST), l’un des nouveaux dirigeants importants de la gauche brésilienne.

Sur l’Avenida Paulista [l’une des artères principales de São Paulo], les manifestants contre Dilma étaient bien moins nombreux (la police n’a pas fourni d’estimations), et seuls les plus radicaux ont attiré l’attention. Un discours d’Alexandre Frota, l’ancienne star porno, qui s’est intéressé dernièrement à la politique et qui est proche du groupe qui exige un retour du régime militaire, a offert de quoi discuter pour toute la semaine. Frota a baptisé Jean Wyllys, le député de gauche (du PSOL) de « pédé », a affirmé qu’il cracherait sur l’ancienne ministre des droits humains Maria do Rosario (PT) et, enfin, il a caractérisé de « morts-la-faim » le chanteur Chico Buarque, le présentateur de télévision Jô Soares ainsi que l’acteur Wagner Moura, lesquels s’étaient manifestés contre l’impeachment.

L’actrice Leticia Sabatella a également été insultée à Curitiba : lorsqu’un manifestant favorable à l’impeachment l’a vue passer dans la rue, il a commencé à lui hurler dessus « pute », « pleure, pétiste », « clocharde ». Sabatella est connue pour défendre différentes causes liées aux droits humains et à l’écologie : « nous vivons un exercice d’intolérance et d’autoritarisme d’ampleur. Les discours appelant à la haine que l’on entend dans le pays incitent les gens à tout cela. Ils croient qu’en parlant ainsi ils sont plus citoyens, qu’ils sont plus politisés. Ils pensent que pour vivre bien, l’autre, le différent, ne doit pas vivre. C’est là ce qu’il y a à voir de plus douloureux », a-t-elle déclaré à l’édition brésilienne d’El País.

Début août, le président de la commission de l’impeachment du Sénat, Antonio Anastasia (PSDB), a donné son feu vert à la poursuite du procès politique contre Rousseff [1]. Dilma aura besoin du vote de 28 sénateurs pour éviter le processus ; si elle ne les obtient pas, la décision finale sera prise, à partir du 29 août, par Lewandowski, chef du Tribunal fédéral suprême [au matin du mercredi 10 août, par 59 voix contre 21, les sénateurs ont décidé de reprendre le procès en destitution de Dilma Rousseff, suspendu depuis fin mai ; il devrait se tenir à partir du 25 août]. Cependant, le 3 août, le président en fonction, Michel Temer, a fait pression sur le Tribunal suprême pour que le vote soit anticipé au 26 août. Les dates ne sont toujours pas confirmées.

Dilma Rousseff a également utilisé ses armes. Elle a affirmé lors d’une interview à BBC Brésil que si elle passait la procédure d’impeachment, elle serait disposée à convoquer de nouvelles élections. C’est là aussi le désir de 62 % des brésiliens, selon la dernière enquête publiée fin juillet par Data Folha. Cela fait des mois que le PT envisage l’option que Dilma convoque un plébiscite demandant si la population souhaite de nouvelles élections. Toutefois, pour que ce plébiscite (considéré comme étant « inconstitutionnel » par divers juristes) ait lieu, l’aval du Congrès est nécessaire. Bien que Temer soit rejeté par 82 % de la population, le soutien du législatif a toujours été sa meilleure carte. Les réunions qu’il a eues au cours des derniers jours avec différents sénateurs montrent qu’il la contrôle suffisamment.

De leur côté, des mouvements sociaux comme le MTST et le groupe Povo sem medo (peuple sans peur) ont confirmé qu’au cours du mois, pendant la durée des Jeux olympiques, réaliseraient différentes actions à Rio de Janeiro pour attirer l’attention de la presse internationale « contre le coup de Michel Temer ». Ces jeux, qui ont débuté avec une présence minimale de chefs d’Etat, qui ont préféré ne pas venir afin d’éviter des problèmes diplomatiques en raison de la crise politique du pays, semblent être également l’une des dernières scènes où se joue la bataille sociale contre l’impeachment. La bataille légale restera aux mains du Tribunal fédéral suprême.

Agnese Marra

Article publié le 5 août sur le site uruguayen brecha.com.uy ; traduction A l’Encontre :


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