Assistants parlementaires : les emplois fictifs à 340.000 euros de Marine Le Pen

mardi 31 janvier 2017.
 

Challenges révèle l’intégralité des décisions du Parlement européen concernant les remboursements de salaires « indûment versés » à deux assistants parlementaires de Marine Le Pen. Soit un total de 340.000 euros. A partir du 1er février, la présidente du FN devrait se voir sucrer la moitié de son indemnité d’eurodéputé de 6.200 euros.

François Fillon n’est pas le seul candidat à la présidentielle à avoir des ennuis liés au contrat d’un ex-assistant parlementaire. Marine Le Pen, qui reste très discrète sur le « Penelope Gate », est aussi menacée. Et pour cause : depuis quelques semaines, elle sait que le Parlement européen va la frapper au porte-monnaie pour les salaires « indûment versés » à deux de ses assistants parlementaires. Le plus haut fonctionnaire du Parlement européen, Klaus Welle, vient de l’en informer par deux décisions du 5 décembre 2016 et du 6 janvier 2017, que Challenges s’est procurées et publie en intégralité.

Le Parlement européen estime que Marine Le Pen a salarié deux employés fictifs avec les deniers des contribuables européens. Ou plus exactement que ses deux assistants payés par Bruxelles travaillaient en réalité pour le Front national en France. Un tel mélange des genres est totalement proscrit : « Les montants versés aux députés, notamment au titre de l’assistance parlementaire, sont exclusivement réservés au financement d’activités liées à l’exercice du mandat des députés », rappelle Klaus Welle dans l’une de ses décisions en citant l’article 62 du statut des députés.

Le cas de Catherine Griset, la cheffe de cabinet de Marine Le Pen, est le plus grave et sera le plus coûteux pour la patronne du Front. Pour ce seul emploi, le Parlement lui réclame près de 298.500 euros. Catherine Griset a été assistante parlementaire pendant cinq ans et demi - du 3 décembre 2010 au 15 février 2016 -, mais les enquêteurs de l’Office européen de lutte antifraude (Olaf) relèvent qu’on la croisait rarement dans les couloirs du Parlement européen... « Il résulte du rapport et des conclusions d’Olaf que Mme Griset, dont le contrat prévoyait comme lieu de travail Bruxelles, n’a pas été en mesure de démontrer qu’elle résidait de façon continue ou avec un caractère permanent en Belgique, ni qu’elle se rendait régulièrement à son lieu de travail », écrit Klaus Welle.

Cumul des fonctions au parti... à Nanterre

Appelée à s’expliquer par le Parlement européen, la cheffe de l’extrême-droite semble avoir été aussi bien en peine de transmettre des éléments concrets du travail de son ex-assistante à Bruxelles. « Mme Le Pen n’a fourni aucune preuve d’une activité quelconque de Mme Griset au titre d’assistance parlementaire […], note le haut fonctionnaire, il y a lieu de constater que la totalité des sommes payées par le Parlement à Mme Griset au profit de Mme Le Pen à titre de frais d’assistance parlementaire a été indûment perçue. »

Pourtant, Catherine Griset n’était pas inactive ! A la même période, elle occupait un poste d’assistante, puis de cheffe de cabinet, de la présidente du Front national à… Nanterre. Un cumul de casquettes que le Parlement reproche d’abord à sa patronne. « Mme Le Pen, qui employait son assistante accréditée pour ses activités au sein du Front national, ne pouvait pas ne pas savoir, vu le lien de subordination de Mme Griset avec Mme Le Pen, que Mme Griset enfreignait les conditions d’exercice de son emploi auprès du Parlement européen. »

Le deuxième contrat dans le viseur du Parlement européen est celui de Thierry Légier, le garde du corps de Marine Le Pen. Celui-ci a été salarié aux frais des contribuables européens sur une courte période à la fin 2011, mais a tout de même touché la coquette somme de 41.554 euros. Là aussi, les enquêteurs suspectent l’emploi fictif. « Il résulte des conclusions de l’Olaf que l’existence d’un rapport d’emploi effectif, au titre de l’assistance parlementaire au sens des articles 33 et suivants des mesures d’application du statut des députés, entre Mme Le Pen et M. Légier en ce qui concerne la période d’octobre à décembre 2011 […], n’a pas été établi », note Klaus Welle. Avant d’ajouter que « Mme Le Pen n’a fourni aucun élément utile permettant de confirmer la régularité des dépenses remboursées au titre de l’assistance parlementaire de M. Légier »...

Marine Le Pen pourrait être touchée au portefeuille

Au total, le Parlement européen réclame à Marine Le Pen le remboursement d’un peu plus de 340.000 euros : 298.497 euros pour les salaires « indûment versés » à Catherine Griset et 41.554 euros pour les salaires de Thierry Légier. Si le premier montant n’est pas réglé avant le 31 janvier, le Parlement européen se servira directement. Il sucrera la moitié de l’indemnité parlementaire de Marine Le Pen – soit 3.100 euros sur 6.200 euros mensuels -, la totalité de son enveloppe de 4.300 euros de frais généraux et la moitié de son indemnité de séjour. Et ce jusqu’à avoir récupéré la totalité de la somme. Le délai pour le remboursement des salaires de Thierry Légier court jusqu’au 28 février.

Détail piquant : à défaut de remboursement dans les délais prévus, Marine Le Pen paiera des intérêts « au taux appliqué par la Banque centrale européenne à ses opérations principales de refinancement majoré de trois points et demi ». Un comble pour une adversaire de l’euro.

Contacté, l’avocat de Marine Le Pen, Marcel Ceccaldi, déplore ne jamais avoir reçu le rapport d’enquête de l’Olaf sur lequel s’appuie le Parlement européen et dénonce « le caractère partisan de l’action engagée » contre sa cliente.

Laurent Fargues


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