Pourquoi faire barrage à Marine Le Pen est une nécessité

lundi 8 mai 2017.
 

Le 7 mai, ils seront debout face à la férocité d’un programme antisocial, antisyndical, antiféministe et anti-jeunes bien dissimulé sous le voile d’un discours populaire.

Avec les contributions de Vincent Bouget, secrétaire départemental du PCF du Gard, Caroline De Haas, militante féministe, candidate aux législatives dans la 18e circonscription de Paris, Rina Rajaonary, présidente de la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC) et Pascal Debay, membre de la direction confédérale de la CGT.

Son discours de division facilite la régression sociale

par Vincent Bouget, secrétaire départemental du PCF du Gard

D’un côté, il y a le spectaculaire résultat de Jean-Luc Mélenchon montrant une gauche de transformation sociale conquérante, de l’autre, la terrible déception d’avoir un second tour dans lequel les intérêts populaires sont absents. Pour autant, il nous faut affronter cette situation paradoxale avec lucidité, en faisant barrage à Marine Le Pen avec le seul bulletin qui reste face à elle. Nous ne banaliserons jamais le FN, un parti d’extrême droite, qui a une histoire, des références, des valeurs, des soutiens, dont il ne faut jamais négliger la dangerosité pour la démocratie. Derrière une vitrine que certains tentent de nettoyer, le FN reste un parti autoritaire, raciste, xénophobe, homophobe et sexiste. Ne pas prendre une position ferme contre la candidate du FN, c’est prendre le risque de renforcer ses idées qui gangrènent la société et les discours politiques, fragilisant au quotidien toutes les victimes des discriminations dont les forces de progrès doivent être les premiers défenseurs.

Par notre vote, nous dénoncerons l’imposture de son programme économique et social. Le FN est le premier ennemi des ouvriers, employés, chômeurs, précaires, car il les divise, alors que nous voulons les unir dans un combat de classe. Cette division, qu’il entretient par ses discours et ses victoires locales, facilite la régression sociale que nous imposent les néolibéraux au pouvoir. Cette division est le premier obstacle pour tous ceux qui travaillent à l’émancipation. Si nous savons les difficultés que nous allons rencontrer sous la présidence d’Emmanuel Macron, il faut dire qu’un succès de Le Pen serait un coup encore plus rude porté à tous ceux qui souffrent, et chasser l’illusion qu’y résister serait plus facile.

Enfin, nous refuserons l’éventualité de voir Le Pen rejoindre les rangs des dirigeants de ce monde déjà meurtri par les conflits et les appétits des grandes puissances.

Bien sûr, nous savons comment le capitalisme favorise la progression de l’extrême droite. Nous savons comment le FN se développe sur la misère, la désespérance, les replis identitaires, la peur de l’avenir. Bien sûr, nous savons comment les tenants du pouvoir instrumentalisent ce danger. Mais, si nous voulons demain les combattre, il n’y a pas de raccourci possible. Et si nous combattons la politique de Macron, le 7 mai, seul le bulletin marqué de son nom constituera l’obstacle d’un jour à la toujours possible victoire de l’extrême droite. C’est le terrible jeu d’une Cinquième République dont nous vérifions chaque jour la nocivité. C’est un choix qui est posé à chacun de nous et que nous devons assumer collectivement, sans attendre de l’autre qu’il se salisse les mains à notre place.

L’enjeu est aussi de mettre Le Pen le plus bas possible, pour transformer ce second tour en référendum anti-FN, ce qu’évidemment Macron ne veut pas. Car, même si le FN est battu, un très bon score le placerait en position de force, le légitimant comme premier opposant, et donc nous affaiblissant. À court terme pour les prochaines législatives, renforçant l’appel à l’unité nationale dont ne manquera pas de se servir Macron une fois élu, et à long terme, en enracinant dans les scrutins à venir le réflexe de vote utile.

Le 7 mai, nous ne pouvons pas battre Macron, nous devons écraser Le Pen. C’est une des conditions pour les victoires futures d’un rassemblement de toutes les forces de gauche antilibérales, seule arme pour battre, dès juin, Macron, et pour éteindre la flamme de l’extrême droite durablement.

Danger pour nos libertés et les conditions de nos luttes  !

par Caroline De Haas, militante féministe, candidate aux législatives dans la 18e circonscription de Paris

Le 23 avril au soir, j’ai observé, un peu sidérée, ma non-réaction aux résultats du premier tour. Alors qu’en 2002, étudiante, j’avais passé la soirée à pleurer et le lundi à organiser la mobilisation sur les facs, j’ai simplement dit «  oh non  », et suis allée au travail lundi, presque comme si de rien n’était. Qu’est-ce qu’il s’est passé en quinze ans pour que la présence du FN au second tour me laisse, nous laisse, quasiment de marbre  ? D’abord, l’entreprise de séduction de nos esprits par le Front national et la mise en scène de la figure de Marine Le Pen ont indéniablement marqué des points. Son visage ne crée pas la même peur chez moi que celle de son père, alors qu’ils portent le même projet politique. Ensuite, parce que, depuis un an, les sondages et les médias nous préparent à cet événement. Un an, c’est long, ça laisse le temps de s’habituer. Même à des événements durs. Enfin, et c’est sans doute ce qui a le plus joué, nous le savions. Nous pressentions dimanche que le visage de Marine Le Pen allait apparaître sur nos écrans. Depuis longtemps. La première fois que j’ai dit qu’à ce rythme le FN serait au second tour, c’était en septembre 2012. François Hollande avait déjà renoncé à renégocier les traités et préparait le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (Cice). Ces cinq années nous le rappellent une fois de plus  : une gauche qui se fourvoie et trahit ne peut amener que la droite et l’extrême droite au pouvoir. Que faire donc  ? Dimanche soir, devant mon écran, ma première réaction fut la colère  : «  Qu’ils aillent tous au diable, je passe mon tour.  » J’en ai assez de ces chantages répétés au FN quand nous ne sommes pas responsables de la situation dans laquelle se trouve notre pays. Je n’ai pas envie de voter pour maintenir sous perfusion un système politique qui marche sur la tête et nous amène dans le mur.

Et puis, je me suis demandé  : est-ce que l’élection du 7 mai m’est indifférente  ? Est-ce que je réagirais de la même manière si c’est Marine Le Pen ou Emmanuel Macron qui apparaissait sur nos écrans le soir du second tour  ? La réponse est  : non. Pourquoi  ? Parce que si j’ai peur des politiques économiques et sociales qui seront mises en œuvre si Emmanuel Macron est élu, je suis totalement terrifiée par l’arrivée de Marine Le Pen au pouvoir. L’élection de Marine Le Pen changerait non seulement nos conditions de vie mais elle mettrait en danger les conditions mêmes de nos luttes. Et c’est cela qui m’a fait basculer vers le vote Macron.

Je suis tellement en colère quant à ces cinq années, j’ai tellement le sentiment que François Hollande, Manuel Valls et Emmanuel Macron sont responsables de cette situation que l’argument «  ils sont moins pires que le FN  », argument juste par ailleurs, ne suffit plus à me donner envie de voter pour eux.

Ce qui me convainc, c’est d’obtenir le résultat qui me permettra demain de mener la bataille. Dans quelles conditions est-ce que je pourrais le mieux résister  ? Dans quelles conditions les combats féministes, antiracistes, écologistes, syndicalistes seront-ils moins difficiles à mener  ? Malgré l’immensité des désaccords que j’ai avec Emmanuel Macron, son accession à l’Élysée n’aura pas les mêmes conséquences sur les conditions des mobilisations que l’accession de Marine Le Pen. La victoire de Macron ne créera pas les mêmes conditions pour reconstruire un mouvement de gauche et écologiste majoritaire dans notre pays. Cela nous permettra de mener mieux et plus fortement la bataille. Nous allons la mener, dès le 8 mai, avec notre enthousiasme et notre détermination. Nous ne le lâcherons pas.

L’extrême droite, c’est plus de pouvoir au patronat

par Pascal Debay, membre de la direction confédérale de la CGT.

Pascal DebayMembre de la direction confédérale de la CGTFaire barrage à Le Pen est une absolue nécessité dans la mesure où son accès au pouvoir serait lourd de conséquences pour notre vie quotidienne. Nos repères, basés sur la devise républicaine Liberté, égalité, fraternité, seraient relégués à un souvenir mélancolique devant la mise en œuvre du concept «  on est chez nous  ». Comment vivre tranquillement ensemble demain sous la pression d’une politique basée sur la préférence nationale, qui se traduirait de façon concrète par un racisme d’État, sans aucune mesure avec les discriminations certes déjà à l’œuvre aujourd’hui. Les dérives violentes de militants fascistes seraient sans limite à l’encontre de celles et ceux qui vivent en dehors des normes imposées par le retour de l’ordre moral et liberticide  ! Pour les salariés de notre pays, rien à espérer  : l’extrême droite au pouvoir, c’est un système économique donnant encore plus de pouvoir au patronat, requalifié de patriote à n’en pas douter  ! Bref, comme à chaque fois avec ces gens-là, ce sera le retour de la répression au quotidien contre la réclamation ou la revendication taxée d’anti-France  ! Ceci dans l’objectif de défendre le capital  ! Adieu les libertés syndicales, certes souvent attaquées, mais là ce sera sans aucune retenue. Il faut dire que le syndicalisme de lutte de classe et de transformation sociale perturbe la bonne marche du FN dans son objectif de gagner dans son giron une large majorité des salariés. Le langage utilisé par la patronne du FN est dans la pure tradition nationaliste et autoritaire, la France est par ailleurs mise sur un piédestal, l’oligarchie dont ferait partie la CGT est taxée de tous les maux et la cheftaine du parti lui en promet…

C’est parce que le mouvement syndical s’est toujours opposé à l’extrême droite que celle-ci a toujours tenté de le réduire au silence  ! Le seul syndicalisme qu’elle tolère, c’est celui qu’elle contrôle. Le FN a tenté de créer ses propres syndicats (FN-police, FN-transports, FN-pénitentiaire) dans les années 1990, ils ont été interdits car un syndicat n’est pas un parti politique. Depuis, il a tenté l’entrisme avec des syndiqués candidats aux élections politiques et, ces dernières années, en créant son cercle de syndicalistes qui reste groupusculaire.

Bref, nos libertés seraient bafouées  : organiser des manifestations serait une tout autre affaire qu’aujourd’hui  ! Nous serons donc acteurs de cette séquence politique dans un environnement international où les idées brunes progressent, où la paix est très fragile. C’est aussi un élément central pour faire barrage au FN  : le fascisme, c’est la guerre. L’histoire le démontre.

De mon point de vue, voter dimanche est un devoir, mettre la candidate FN le plus bas possible dans son duel une condition sine qua non pour affaiblir ce mouvement de la haine. Le doute distillé au sein des forces progressistes sur la valeur à attribuer au vote anti-Le Pen est une posture dangereuse, qui peut avoir des effets secondaires assez traumatisants pour la suite des événements.

Ne partons pas dans la prochaine séquence sociale en étant lesté du poids d’un FN si haut que cela le renforcerait dans sa posture de progression inéluctable vers la prise du pouvoir. Agissons déjà aujourd’hui avant de cauchemarder demain. Chaque citoyen aura le choix, pas le choix espéré, mais un choix à faire en toute lucidité, face à sa conscience, à sa propre histoire familiale et sociale, à sa conviction d’agir sur le réel ou laisser d’autres le faire  ! Dimanche Le Pen doit perdre.

Nous ne nous laisserons pas voler notre espérance

par Rina Rajaonary, présidente de la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC)

Comme d’autres, la Jeunesse ouvrière chrétienne fait le constat que le contexte économique, social et politique actuel divise nos sociétés, et en France en particulier. Morcelés entre la précarité, le chômage de masse et toutes les mesures d’austérité qui nous demandent de faire toujours plus, beaucoup d’entre nous ne croient plus à la force du collectif. Pire, l’individualisme et le chacun pour soi sont les mots d’ordre pour s’en sortir. Si, dans nos quartiers populaires, le chômage atteint les 23 %, c’est presque un jeune sur deux qui y est privé d’emploi. Chez nos familles, nos amis, la peur du lendemain s’installe  : il n’est plus possible de se projeter, de mener un projet de vie. Marine Le Pen utilise cette peur de la misère et ce sentiment d’insécurité dans nos vies pour nous séduire et nous monter les uns contre les autres. La candidate du FN, malgré ses efforts de communication pour dédiaboliser son parti, porte un projet de société nationaliste, autoritaire, identitaire et xénophobe. Mais nous ne nous laisserons pas voler notre espérance. Non, le Front national n’est pas un parti comme les autres. À la JOC, nous refusons une société basée sur le chacun pour soi au détriment d’un projet commun. La diversité dans nos lieux de vie, nos quartiers… est pour nous une richesse. Elle offre la possibilité à chacun de se révéler par ses talents, son histoire, ses compétences, pour construire et faire vivre le bien commun.

Les mesures de régression sociale proposées dans le programme du FN sont une atteinte à notre dignité. Nous nous battrons encore pour que les décisions qui impactent nos vies garantissent une vie digne à tous. Cela doit passer par la lutte contre toute forme de discrimination pour plus d’égalité. Nous refusons toute action visant à exclure l’autre en défendant la préférence nationale, à fermer les frontières au lieu de favoriser la rencontre, à considérer la différence comme un motif de rejet de l’autre pour se protéger soi. Le FN dénonce (avec raison) le capital et le système économique actuel mais pour faire progresser ses idées mortifères dans notre société. Sa politique d’enfermement et d’exclusion est dangereuse pour tous. Nous refusons la désignation de groupes boucs émissaires responsables des problèmes mondiaux dont nous subissons aussi les effets.

Sous couvert des principes de laïcité, des propos racistes et islamophobes se multiplient. Nous rappelons que la laïcité n’a jamais signifié l’éradication des religions ni la relégation de leurs expressions dans un espace «  privé  ». La laïcité garantit le droit des femmes et des hommes à conduire leur existence comme ils l’entendent, quelles que soient leurs situations ou leurs convictions. Nous continuerons alors à provoquer la rencontre pour permettre à tous de libérer la parole, de confronter ses idées auprès d’autres et de rappeler que l’avenir est à construire ensemble.

Nous voulons agir pour que chacun ait la possibilité d’exercer un emploi digne. En effet, selon notre enquête en 2016, c’est la première marche pour prendre son autonomie. Le travail digne nous permet de participer avec d’autres à la vie collective au travail et dans nos autres lieux de vie. Cela fait aussi partie de notre combat pour une meilleure répartition des richesses.

En tant que mouvement d’éducation populaire et en tant que mouvement chrétien, nous avons la responsabilité d’agir pour faire barrage au FN et à sa candidate. Avec d’autres organisations de jeunes (syndicats, politiques, associatifs) ou encore auprès de mouvements et groupes de chrétiens, la Jeunesse ouvrière chrétienne s’est mobilisée pour combattre la politique inégalitaire et autoritaire que propose le FN. Nous militerons toujours pour un projet de société qui replace la femme et l’homme au centre, dans toute sa dignité.


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