LA DETTE ET LE DEMANTELEMENT DE LA SNCF… CERTAINS ESPERENT SE REGALER !

mercredi 9 septembre 2020.
 

Quand on évoque le déficit des services publiques, on a envie d’aller au fond des choses, de mieux comprendre. Comment se fait-il dans un pays où les actionnaires du CAC40 continuent à faire des profits pharamineux, où nombre de patrons gagnent près de 5 millions d’euros par an (1), que l’on n’arrive pas, depuis tant d’années, à équilibrer les comptes de la SNCF, ce service public qui n’a jamais été voué à faire du profit ?

Parler du rapport Spinetta c’est tout naturellement évoquer tous les rapports qui ont précédé la privatisation d’un service public. Le préambule à la privatisation de tous les services de santé, de la Sécurité Sociale vouée au démantèlement, de celui de l’éducation est inscrit ici. La rentabilité n’est-elle pas le mot d’ordre premier ? De quel monde veut-on ? L’éducation , la santé des enfants seraient finalement réservées aux plus nantis, toujours plus riches mais proportionnellement de moins en moins nombreux ?…

Libéraux, gouvernants, connaissez-vous vraiment l’odeur de vos « idéaux » ?

L’ENDETTEMENT OBLIGE DE LA SNCF

Dès l’origine, les premières sociétés ferroviaires ont été obligées de s’endetter compte tenu des cahiers des charges qui les engageaient à créer des lignes à priori pas toujours rentables .

« Le fragile équilibre des compagnies, déjà mis à mal par l’expansion contrainte du réseau vers des territoires très peu fréquentés, sera également bouleversé lors de l’éclatement des première et seconde guerres mondiales » (2). Il y avait donc déjà la notion d’un service public bien distincte de la notion de recherche de profit.

Cette tendance à l’endettement se poursuivra après la création de SNCF en 1937. Ainsi, malgré de multiples restructurations accordant une plus large autonomie de gestion à l’entreprise, sa dette augmentera régulièrement jusqu’à atteindre 31.7 milliards d’euros en 1996.

Mais la SNCF devient contrainte, de par les directives européennes, de « restaurer l’équilibre de ses comptes ». Entendez par là qu’on change clairement d’optique et d’objectifs : c’est la rentabilité qui prime et non pas la satisfaction des besoins du public comme à l’origine.

Et on entre alors dans un nouveau secteur d’activités et de gestion fait de déstructurations, de transferts de capitaux...Une principale restructuration sera la création de RFF (réseau français de France) directement issue de la SNCF qui permettra une amélioration première mais qui surtout brouille les cartes de la gestion de l’ensemble.

« (...) à partir de 2013, l’augmentation soutenue des investissements de renouvellement et de développement (LGV Sud Europe Atlantique, LGV Bretagne – Pays de la Loire, contournement de Nîmes et Montpellier) va contribuer à une rapide hausse de la dette de RFF jusqu’à 39,3 milliards d’euros à la clôture de l’exercice 2015 » (3). La petite ligne que prend mamie les jours de marchés est loin d’une priorité !

LA PRIVATISATION A COMMENCE DEPUIS LONGTEMPS.

Dès avant la SNCF devenant une société européenne capitaliste à la recherche de profit comme toutes ses conjointes, se lance dans la divesification et la conquête de nouveaux marchés : Keolis, Geodis, Ouigo, Ouibus, Voyages-sncf, Effia, Altameris, Arep, Systra... « De 187 en 2010, elles sont aujourd’hui plus d’un milliers. À travers elles, la SNCF est présente dans 120 pays. » .

« En 2016, l’opérateur historique du train français réalisait un tiers de son chiffre d’affaires à l’international, contre 12 % il y a dix ans » (4).

En 2015 le groupe a été divisé en trois établissements publics à caractère commercial (EPIC) gérant et créant ses propres filiales au gré d’une stratégie de développement impliquant le transfert d’ activités vers des sociétés privées. SNCF réseau gère ainsi les infrastructures, les voies ferrées, la circulation des rames. SNCF mobilités se consacre au transport des voyageurs et des marchandises sur ses trains. Ces établissements sont incorporés dans la troisième entité, SNCF tout court, qui est donc un holding.

L’objectif est ici atteint. Non pas la résolution de la question de la dette mais le basculement des actifs , comme les wagons, les machines ou l’immobilier vers les sociétés privées en parallèle avec une dette et le coût du personnel restant dans l’entreprise public. La conquête des marchés et les bénéfices promis aux uns, la dette et la rémunération du personnel pour la maison mère et donc à payer avec l’argent public.

LE FESTIN EST SERVI !

A travers ce processus de privatisation engagé, l’ autre objectif, toujours inavoué mais primordial, reste la baisse du coût du travail. Rappelons que le génie entreprenerial français réside avant tout dans cette recherche et dans la danse rituelle et incantatoire quand on évoque les 35 heures…

Tous ceux qui ont la « chance » d’avoir trouvé un boulot dans une des multiples filiales de la SNCF ne bénéficient plus depuis longtemps du « statut de cheminot ». Ces filiales, qui utilisent massivement par ailleurs le travail intérimaire et les CDD, emploient déjà 115 000 salariés hors statut. Quant aux cheminots avec statut, leur nombre en baisse constante, est passé de 178 000 en 2003 à 148 000 en 2016. Le service public, lui, s’est constamment détérioré, faute d’investissement là où ce n’était pas « rentable »... mais sans doute utile . Et cette détérioration a même pu être entretenu au profit, par exemple, des filiales de bus que mettaient sur pied la SNCF.

La morale de cette triste histoire, emblématique de la vision libérale, reste à la fois la promesse d’un échec et celui d’une victoire. Un échec car jamais les privatisations des services publiques dans quelques pays que ce soit n’ont profité aux populations, particulièrement aux plus démunies. Une victoire pour les nantis, les possédants, les spéculateurs capables d’investir un minimum pour faire ensuite de juteux bénéfice dans la spéculation, la revente…

Quelles qu’aient été les acrobaties de gestion et de comptabilité dont a été capable la SNCF au cours de ces 50 dernières années, la dette est restée, s’est accrue. Mais l’objectif était-il vraiment sa résolution ? N’était-il pas plutôt de continuer, sous une forme ou sous une autres,à percevoir l’argent public pour une société EPIC condamnée, de par sa nature de service public, au déficit ? Mettre sur le dos des « nantis » que seraient les cheminots, la fameuse dette et la mauvaise gestion de la SNCF fait partie des bobards que l’on fait croire à d’autres pauvres. Et ça marche !

Cet apparent triomphe de la politique de la « bienfaisante privation », préfigure bien sûr une attaque en règle contre la Sécurité Sociale et les quelques services publics restants.

Et Nono croit que demain tout ira mieux….

Nemo3637

NOTES

(1) « En 2015, la rémunération globale des patrons des 120 plus grandes entreprises françaises cotées a atteint 3,5 millions d’euros… Soit une hausse de 20% par rapport à 2014 ! »… « Pour les sociétés qui composent le CAC 40, les plus grosses donc, la rémunération moyenne est en hausse de 18% par rapport à 2014, atteignant ainsi 5 millions d’euros. Proxinvest souligne d’ailleurs que ce montant excède désormais la rémunération maximale socialement acceptable, que le cabinet a fixée à 240 fois le Smic (4,8 millions d’euros). » Manon Gauthier-Faure « Marianne » 13/11/2016. Cela n’est évidemment pas directement lié à la dette de la SNCF mais paraît néanmoins toujours aussi scandaleux et bon à faire savoir...

(2) « Transport et distribution » par siapartners – 06/01/2017

(3) Rapport Mariton, SNCF Réseau

(4) Bellaciao 16/02/2017, Stéphane Ortega / Rapports de force


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