Au cinéma ce soir. Grands films sur la guerre d’Espagne

mercredi 7 décembre 2011.
 

Depuis le temps qu’on se l’était promis, au sujet de la guerre civile espagnole, un petit quelque chose sur des films qui en parlent. Sans préjuger d’un quelconque palmarès, évidemment, sinon celui de mon Panthéon personnel !

Il y a d’abord « Pour qui sonne le glas » qui ne vaut finalement que par l’histoire d’amour qu’il raconte. Quant à la représentation de la guerre, elle ne subsiste qu’en filigrane, et l’intérêt du film s’arrête aux larmes d’Ingrid Bergman et à la carrure de Gary Cooper, bien joli garçon, ma foi ! Dommage ! Hemingway méritait mieux, lui qui avait défendu la cause républicaine, les armes et le stylo à la main.

Dans la catégorie documentaire, on retiendra avant tout « Spanish Earth », de Joris Ivens, construit autour de l’irrigation d’un village, afin d’approvisionner Madrid et les combattants républicains. La métaphore est claire : au-delà de la terre, c’est le pays tout entier qu’il va falloir irriguer. Le commentaire dit par Hemingway devait amener Roosevelt à soutenir officiellement les républicains. En vain... Frédéric Rossif s’essaya aussi à l’exercice, avec « Mourir à Madrid », présenté comme une espèce de repentir, réponse à la mauvaise conscience française... peut-être, mais qui a le mérite d’exister, et ce n’est déjà pas si mal.

Et puis, bien sûr, on ne peut pas l’oublier : « Espoir » (ou dans son titre original : Sierra de Teruel), LE grand film de Malraux. Le film de l’engagement d’un jeune homme, le film du combat perdu de la République, le film de la lutte des hommes et des femmes du peuple, morts pour un mot : Liberté. On ne verra jamais les franquistes, on les soupçonne, on les entend, mais on ne les voit pas. Comme si de ne pas les montrer suffisait à les vaincre, à les effacer. Et pourtant... La scène finale est poignante : un long cortège descend la montagne, escorte tragique des blessés et des morts, préfigurant l’écrasement inéluctable.

Bibliographie et filmographie militante 9 : Coup d’Etat et fascisme franquiste, révolution espagnole

Enfin, mon préféré, le summum du genre : « Land and Freedom », de Ken Loach. Son grand-père, David, meurt et une jeune fille de Liverpool découvre qu’il a combattu dans les rangs des républicains espagnols. Long flash-back, sur la guerre, les rivalités entre le Poum et les staliniens, l’honneur, la trahison, l’amitié, la mort, l’amour aussi bien sûr, on est chez Ken Loach, et chez Ken Loach, l’amour fait partie de la vie, alors, même pendant la guerre, s’il y a un amour qui passe, on le montre, voilà ! Rien n’est éludé, rien n’est oublié, et surtout pas cet épisode de la reprise en main par les staliniens (pour cause de respectabilité) des communistes du Poum, largement plus activistes, épisode mal connu jusqu’à la sortie de ce film. Cette rivalité absurde, téléguidée par intérêt, qui va dresser les uns contre les autres des hommes venus faire triompher l’idée de liberté. On va croiser un Français antimilitariste, un Américain révolutionnaire (qui choisit de faire d’abord la guerre pour que la révolution puisse s’asseoir sur des bases solides. Sauf qu’ici, on perdra la guerre ET la révolution), un Irlandais de l’IRA, magnifique figure romantique, des femmes également, qu’on oublie si souvent, lorsqu’il s’agit de rendre hommage à ces soldats de l’utopie, et puis un groupe de miliciens, groupe fraternel qui combat pour un idéal social, on parle, on rêve, on chante, on partage, on invente un monde meilleur... Rien n’est dépassé dans le propos de Loach, rien n’est démodé. Et les allers-retours entre l’Espagne de ces années-là et le Liverpool de 1995 en sont la preuve criante. Un regard sur la fin de ce monument : le cercueil de Bianca, l’héroïne-amoureuse. David ramasse une poignée de cette terre d’Espagne (clin d’œil à Joris Ivens) et l’enferme dans le foulard rouge de celle qu’on enterre. Autre cercueil : celui de David, soixante ans plus tard, à Liverpool. Sa petite fille lit un poème qu’elle a trouvé dans les papiers de son grand-père : Rejoignez le combat ! Tous les assistants saluent de leur poing levé. Kim jette sur le cercueil de David cette poignée de « Terre d’Espagne », ultime fidélité d’un homme à son idéal... Utopie, direz-vous peut-être. Peut-être, mais sans l’utopie, rien n’est possible, rien n’est même imaginable. Alors, que cette utopie se fracasse contre les corruptions et les lâchetés n’empêche pas qu’elle renaît de ses cendres, à chaque fois...

brigitte blang prs57


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