La gauche d’après ... le 6 mai 2007 (1ère partie de la résolution votée par la Convention Nationale de PRS des 30 juin et 1er juillet 2007)

mardi 10 juillet 2007.
 

INTRODUCTION .................... 3

PREMIERE PARTIE : LA GAUCHE DANS L’IMPASSE .... 5

I La gauche d’après... le 6 mai 2007 ........... 7

A) La France en 2007 : un pays exaspéré, une immense exigence de changement ........... 8

B) Comment la droite a gagné................. 9

1°) Les droites idéologiquement réunifiées ......... 9

2°) Un parti comme instrument ............ 11

C) Comment la gauche a perdu ............. 12

1°) Le discours de gauche inaudible ....... 12

2°) La crise des partis de gauche ......... 14

3°) La défaite pouvait être évitée ............. 16

II La gauche d’après... le 29 mai 2005 .......... 17

A) La souveraineté populaire comme enjeu ................................................. 18

B) L’union des gauches et l’implication populaire comme moyens .............. 19

C) La déroute des importants ...................... 21

III La gauche d’après... le 21 avril 2002 ............. 22

A) Les limites de la gauche plurielle ............... 23

B) L’épuisement d’une méthode gouvernementale ..................................... 24

C) Un angle mort qui a conduit au crash .............. 25

IV La gauche d’après... le 9 novembre 1989 ..... 27

A) Une double faillite ................ 27

B) La bataille de l’émancipation ................. 28

C) Jaurès, reviens ! ............. 30

DEUXIEME PARTIE : LA GAUCHE EN REINVENTION.......... 31

I Une autre gauche est possible ............. 33

A) La réinvention de la gauche a commencé ................... 33

1°) La refondation civique des nations grâce à des processus constituants ............ 34

2°) La récupération de la souveraineté sur les grands outils de développement et l’appropriation sociale des ressources naturelles .................... 35

3°) La priorité aux plus pauvres pour abolir l’apartheid social ................................ 36

4°) L’affirmation du droit à décider d’après ses propres besoins de développement face à la superpuissance états‐unienne et aux institutions financières internationales .............. 37

B) En France, le débat est ouvert ................ 38

II La gauche a besoin d’une force nouvelle ........ 40

A) La forme parti n’est pas dépassée .......... 40

B) Une synthèse véritable ........... 42

C) Quatre impératifs pour la force nouvelle .......... 43

CONCLUSION ........ 45

INTRODUCTION

6 mai 2007. Les urnes ont parlé. Leur verdict est sans appel. Pour avoir renâclé à réinventer la gauche, les héritiers du travail politique de rassemblement populaire réalisé pendant le cycle des années 70 et 80 ont dilapidé l’essentiel du patrimoine. Les cycles ouverts par nos aînés sont clos. La gauche d’hier n’est plus. Mais la gauche d’après reste à inventer.

Dans ce vide politique s’est engouffrée une droite refondée, offensive et décomplexée qui a désormais tous les pouvoirs. C’est ce vide politique qu’il faut combler. Et cette responsabilité incombe à la gauche car il s’agit bien d’un vide politique à gauche.

Lors de notre première convention nationale, au lendemain du referendum de 2005, nous avions conclu notre analyse en affirmant que la gauche était à réinventer. Cette idée ne l’a pas emporté. Elle a souvent essuyé le scepticisme ironique de dirigeants en place convaincus qu’une alternance mécanique les porterait sans coup férir au pouvoir. Désormais, sans se reconnaître pour autant de responsabilité dans la défaite, les mêmes rivalisent d’ardeur pour promettre la refondation de la gauche.

Encore faut‐il pour mener à bien cet immense chantier avoir les idées claires sur les raisons de la défaite et sur le visage que pourrait prendre la gauche d’après.

Depuis la fondation de l’association, c’est précisément à cet effort de la pensée et de l’action que se sont attelés les militants de PRS. Le Manifeste adopté lors de notre première Convention nationale proposait un horizon programmatique cohérent à partir des travaux de toutes les gauches. Le texte que vous tenez entre les mains, adopté lors de la Convention nationale de PRS des 30 juin et 1er juillet 2007, résume notre conviction que l’heure est venue d’une force nouvelle pour le porter.

1ère partie : LA GAUCHE D’APRES... LE 6 MAI 2007

La présidentielle est l’élection centrale sous la Cinquième République. Elle domine le calendrier politique et institutionnel. Mais l’importance du scrutin qui vient d’avoir lieu va encore au‐delà. Le scrutin présidentiel de 2007 ouvre une nouvelle période politique.

C’est la première présidentielle après le coup de tonnerre de 2002 qui avait vu la qualification de l’extrême‐droite pour le second tour aux dépens de la gauche. Elle clôt cinq années de pouvoir de droite marquées par de sévères confrontations sur le terrain social et électoral. Celles‐ci ont pris des formes et une ampleur inédites, constituant souvent de véritables phénomènes d’insurrection citoyenne.

C’est la première fois depuis plus de trente ans qu’un pouvoir sortant a été renouvelé par les urnes. C’est la première fois depuis plus de trente ans qu’un candidat de droite obtient près d’un suffrage sur trois au premier tour. C’est la première fois depuis plus de trente ans que la droite en France l’emporte en assumant une identité libérale‐sécuritaire proposée sans fard au pays comme issue à la crise sociale qui le ronge et à la crise de sa représentation politique collective.

Rien d’utile ne peut être entrepris à gauche qui ne parte d’une analyse lucide de la défaite. Avant de se relever, il faut admettre que l’on est à terre. Avant de se remettre en marche, il faut comprendre ce qui vous a fait chuter. L’analyse des résultats n’est pas tournée vers le passé. C’est un préalable indispensable qui dessine des lignes d’action pour l’avenir.

A) LA FRANCE EN 2007 : UN PAYS EXASPERE, UNE IMMENSE EXIGENCE DE CHANGEMENT

Quel est l’état de la France au moment où débute la campagne présidentielle ? Certains estiment que le pays était alors en train de glisser à droite -l’issue funeste de l’élection était dès lors écrite. D’autres pensent au contraire que la société faisait mouvement vers la gauche -l’élection était dès lors imperdable. Aucune de ces approches ne passe avec un complet succès l’épreuve des faits. La thèse du glissement à droite ne rend pas compte des mouvements de la période passée (victoire historique de la gauche aux élections de 2004, référendum de 2005, mouvements sociaux de 2003 et 2006). Celle de la poussée à gauche n’explique pas les deux millions de voix d’avance du candidat de droite au deuxième tour de la présidentielle dans un contexte de participation massive.

En fait, la France de 2007 est en plein état d’urgence politique. Ce qui caractérise le mieux notre peuple est son exaspération. Les principes censés produire le consentement à l’autorité ne sont soit plus perçus, soit plus compris, soit plus admis. Cette crise de légitimité se constate dans toutes les catégories sociales, des émeutes urbaines dans les quartiers à l’incivisme fiscal revendiqué comme un acte de résistance légitime par les plus riches. Ce qui nous avait d’ailleurs frappé au début de la campagne, c’était la grande masse de désemparés ne sachant de quel côté se tourner. C’est pourquoi nous disions que la gauche ne devait pas chercher principalement à agglomérer des patrimoines électoraux largement fictifs mais devait mener un travail d’éducation populaire en direction du plus grand nombre.

Le déroulement de la campagne a confirmé à la fois la force des exaspérations accumulées et la volonté de trouver une issue à la crise. Déjà la fin d’année 2006 avait connu un très grand nombre de nouvelles inscriptions sur les listes électorales. Par rapport à 2002, on dénombre 3,5 millions d’inscrits supplémentaires ! Tous les candidats, à l’exception de Le Pen, ont bénéficié d’une affluence historique à leurs réunions publiques. L’intérêt pour le débat ne s’est jamais démenti.

L’urgence sociale a continué de travailler le pays : plusieurs grèves ont éclaté dans le cours même de la campagne, notamment dans le secteur privé. Au premier tour, la participation atteint un niveau exceptionnel. Par rapport à 2002, 8,2 millions de votes supplémentaires ont été exprimés. Un continent civique englouti a refait surface. La loi d’airain selon laquelle la participation électorale enregistre une baisse à chaque nouvelle présidentielle (84,2% au premier tour de 1974, 81,1% en 1981, 81,4% en 1988, 78,4% en 1995, 71,6% en 2002) a été pulvérisée. En se hissant d’un coup à 85%, le niveau de participation est revenu à celui de la première élection présidentielle de la Cinquième République, en 1965. Il y avait donc une exigence de changement considérable. Force est de constater que la droite a su y répondre tandis que la gauche n’est pas parvenue à l’orienter. Il faut s’efforcer de comprendre pourquoi.

B) COMMENT LA DROITE A GAGNE

Une chose est sûre : Nicolas Sarkozy n’a pas gagné en écoutant les rengaines à la mode qui proclament la fin des idéologies et des organisations collectives et rangent la rupture au rayon des gros mots.

Pour emporter l’élection présidentielle, il a reconstruit un projet idéologique assumé et un parti de combat pour le porter.

1°) LES DROITES IDEOLOGIQUEMENT REUNIFIEES

Sarkozy s’est vanté d’être le premier homme de droite à avoir lu Gramsci et ses écrits expliquant comment un camp politique peut conquérir une hégémonie culturelle pour entraîner la société de son côté. En réalité, Le Pen l’avait fait avant lui. L’un comme l’autre se sont abreuvés à une source commune : les travaux de la Nouvelle Droite du début des années 80.

Ceux‐ci annonçaient déjà que pour préparer un « mai 81 de droite », il fallait ramener le débat sur les thèmes favorables à la droite : les « trois i » d’insécurité, immigration et identité. Sarkozy a mené la bataille des idées. Il était sans doute aussi conscient que Chirac du fait que les thèses libérales importées telles quelles des pays anglo‐saxons dans les années 80 n’ont jamais bénéficié d’un soutien majoritaire durable dans notre pays. Mais à l’inverse de son prédécesseur, il n’a pas cherché à gommer le projet de la droite. Il a au contraire incarné une droite clairement assumée et extrêmement idéologisée. N’est‐il pas allé jusqu’à ressusciter de très vieux débats sur les places respectives de l’inné et de l’acquis ? Sa stratégie a été de réaliser une synthèse politique réunifiant idéologiquement les droites (ce qui lui a permis de réduire fortement le vote FN au premier tour) et de s’appuyer sur cette force pour convaincre la majorité de nos concitoyens.

Quels ont été les ressorts de cette victoire idéologique ?

A la différence de bien des conservateurs avant lui, Sarkozy a renoncé en apparence à vanter la société telle qu’elle est. Il a choisi à l’inverse de reconnaître la crise et d’expliquer que les plus pauvres en étaient responsables. Il a en effet travaillé à amalgamer idéologie libérale et discours sécuritaire, comme Bush et Berlusconi l’ont fait avant lui avec les succès électoraux que l’on sait. L’idéologie libérale rend d’abord les pauvres responsables de leur sort (avec, tout au bout, la thèse selon laquelle les inégalités sociales ne font qu’exprimer les différences génétiques). La pensée sécuritaire les rend en plus responsables des difficultés des autres. On peut dire que dans cette vision du monde, les mauvais éléments n’ont que ce qu’ils méritent mais que les bons, en raison de l’obligation de solidarité sociale qui les entravent, ne sont pas payés de leurs efforts. En imposant cette représentation des difficultés de la société, Sarkozy a réussi à susciter en sa faveur un vote « petit‐bourgeois ». Il a également suscité un vote « petit‐blanc ». C’est ainsi qu’on appelait à l’époque coloniale les petits colons les plus hostiles aux indigènes et les plus acharnés à défendre un système qui pourtant les exploitait également.

Convaincus d’être du même côté que les très riches, des pauvres et des pas bien riches se sont mis à voter à droite. L’analyse des votes bureau par bureau est éclairante. Les quartiers populaires d’habitat collectif, cités et grands ensembles, ont fortement voté à gauche. Mais les quartiers populaires composés de pavillons ont donné de larges succès à la droite.

C’est une frontière purement culturelle quand on sait que le statut social est souvent identique d’un côté ou de l’autre de la rue. Mais c’est une barrière extrêmement solide. L’idéologie dominante l’érige chaque jour en occultant et en dénigrant les classes populaires dans notre pays, en exploitant à cette occasion les reculs conjoints des organisations syndicales et de la conscience de classe. Ce mépris a produit ses effets dévastateurs aux deux bouts de l’électorat de gauche. D’un côté des bobos ont jugé plus moderne de ne pas voter avec le bas peuple, apportant leur voix au « novateur » Bayrou, qui triple son score de 2002 exclusivement aux dépens de la gauche. De l’autre une fraction de l’électorat populaire a choisi de voter Sarkozy, se rangeant derrière ses maîtres contre les assistés, les étrangers et tous « ceux qui ne paient pas leur billet de train ». Ce faisant, elle a suivi les injonctions des médias de la culture de masse qui nous somment sans cesse de copier les peoples en papier glacé, acclimatant chacun à trouver l’inégalité sociale extrêmement « fashion ». Sarkozy ne s’y est pas trompé et ce n’est pas un hasard si ses premiers pas de futur président s’apparentent à un reportage dans Voici : dîner au Fouquet’s avec Johnny puis yacht privé à Malte avec la famille recomposée.

2°) UN PARTI COMME INSTRUMENT

Mais Sarkozy a aussi construit sa victoire grâce à un parti dédié à cette cause. Reprenant là encore les enseignements de Gramsci, il a compris l’importance d’un parti politique pour construire une adhésion majoritaire à son projet. On se souvient qu’il a même préféré quitter le gouvernement plutôt que de renoncer à la présidence de l’UMP.

Arrivé à la tête du principal parti de la droite, il l’a transformé de fond en comble. Dix‐huit conventions thématiques se sont succédées pour refonder sa doctrine, élaborant ce qui allait devenir les thèmes principaux de sa campagne. Un travail systématique de renouvellement et de formation des cadres a été mené. Un renforcement militant de l’UMP a été entrepris, avec un soin minutieux apporté à la formation et à la mise en action des nouveaux adhérents. Les formes d’organisation du parti ont été repensées : pendant la campagne, Nicolas Sarkozy a mis en place un réseau national « d’équipes de supporters » comprenant 5 à 10 membres, maillage de militants personnellement actifs tissé sur tout le pays.

On peut hélas mesurer le contraste entre ce que Nicolas Sarkozy avait déjà construit lorsque la campagne commence et le dispositif politique qui était au même moment celui de la gauche.

C) COMMENT LA GAUCHE A PERDU

Le paradoxe est frappant. En 2002, la droite remporte l’élection présidentielle. Ses principaux dirigeants entament malgré tout des remises en cause fondamentales. L’UMP est créée à la demande de Chirac et le RPR disparaît. Nicolas Sarkozy commence sans tarder à construire sa stratégie de « rupture » pour 2007. A l’inverse, la gauche, pourtant battue dès le premier tour, se refuse aux remises en cause. Au Parti socialiste, le réformisme de gauche de François Hollande succède au réalisme de gauche de Lionel Jospin. Et les dirigeants font majoritairement l’erreur de croire que la défaite de 2002 n’est rien de plus que l’effet du « balancier de l’alternance », qui repassera dans le bon sens en 2007.

1°) LE DISCOURS DE GAUCHE INAUDIBLE

La direction du parti socialiste et les responsables de la campagne de Ségolène Royal ont misé sur un rejet mécanique de la droite. La désignation interne acquise, l’essentiel de leur stratégie a été de faire apparaître la candidate socialiste comme le seul « vote utile » pour battre la droite. Ce discours a été efficace pour réduire brutalement l’espace politique de ses concurrents à l’investiture socialiste sous la pression de sondages annonçant sa victoire assurée. Il l’a ensuite été pour réduire l’espace électoral de l’autre gauche, ramenée à un niveau historiquement bas. Mais il n’a pas permis d’entraîner la société. Car le ressort de la diabolisation de l’adversaire sur lequel il a fonctionné s’est avéré tout à fait limité.

Au mois d’octobre 2006, déjà nous faisions déjà remarquer que « Tout miser sur le rejet de l’adversaire est une stratégie totalement hasardeuse. Car le « tout sauf Sarkozy » contient une limite radicale. Pour qu’il fonctionne, il faut que Sarkozy soit le candidat unique de la droite classique. » Ainsi, dès lors qu’il s’est opposé à Sarkozy, François Bayrou a été bénéficiaire de cette stratégie de diabolisation. Il s’en est même fallu de peu qu’il ne capte à son profit l’argument du vote utile. Sans les réactions de quelques dirigeants socialistes dénonçant clairement son programme et sa stratégie, il aurait pu passer devant Ségolène Royal dans les sondages et lui subtiliser dès lors son argument central.

Plus essentiellement, le « tout sauf Sarkozy » n’a pas suppléé l’absence de travail politique pour développer et populariser des réponses de gauche à la crise du pays. On pourrait faire la liste des thèmes mis en débat et portés à large échelle par la droite face auxquelles la gauche s’est montrée soit défaillante soit inaudible. Qu’a‐t‐il été répondu à ceux qui disent qu’il faut bâtir une France de propriétaires ? A l’idée qu’il faudrait alléger l’imposition des successions pour permettre à chacun de transmettre un patrimoine à ses descendants ? A l’idée que la fiscalité française, en faisant partir les riches, augmenterait le nombre de pauvres ?

Face à la thèse sarkozienne rendant les plus pauvres responsables de la crise du pays, il a manqué une orientation reconnaissant de la même manière l’urgence sociale et politique, mais désignant clairement les véritables responsables et profiteurs du système. La gauche n’a pas su mettre en évidence la responsabilité des puissants, l’enrichissement scandaleux d’une minorité, dévoiler le scandale d’une répartition toujours plus injuste des richesses. Ségolène Royal avait pourtant compris qu’il lui fallait porter une grille d’analyse globale de la crise pour se faire entendre.

Mais elle n’a pas choisi d’aller dans ce sens. Au contraire, nombre de ses prises de position sont allées dans le sens de ceux qui disent que la France est malade d’un manque d’autorité plutôt que d’un manque d’égalité.

Dès lors la gauche a manqué d’un projet cohérent, constant et combatif face à celui de la droite. C’est pourquoi elle s’est avérée globalement moins convaincante. Le très discutable thème de « l’ordre juste » n’a pu servir d’alternative globale au projet libéral‐sécuritaire. Et sans horizon traçant fermement une alternative gouvernementale au capitalisme de notre temps, aucun programme présidentiel ou législatif de gauche n’est réellement intelligible.

2°) LA CRISE DES PARTIS DE GAUCHE

Autant Sarkozy a bénéficié de l’existence d’un parti en ordre de bataille, autant les partis de gauche se sont montrés incapables d’entraîner la société. Jamais dans une campagne électorale la crise des organisations de gauche n’a été aussi évidente. Elle touche chacune d’elles sans exception.

La crise du Parti socialiste s’est notamment manifestée par la manière dont sa candidate a été désignée, à partir d’une association extérieure, et sur les bases d’une contestation des identifiants fondamentaux de ce parti.

Elle se confirme et s’aggrave avec le ralliement d’une poignée de ses responsables qui, après avoir appelé à dépasser le clivage gauche droite, intègrent pour la première fois un gouvernement de droite.

Le Parti communiste a vu une partie de ses dirigeants soutenir un candidat concurrent à leur secrétaire nationale. L’explosion de l’autre gauche n’a pas permis l’émergence d’une nouvelle construction politique. L’absence de stratégie efficace d’union des gauches a fait le reste. Ce paysage a réduit dramatiquement la capacité de la gauche à entraîner la société. Au final, tous candidats confondus, la gauche totalise une proportion historiquement faible des suffrages, 36%.

Fragilisée dans ses organisations, la gauche ne disposait pas non plus d’un programme commun minimal autour duquel tirer dans le même sens.

C’est une différence essentielle avec la droite, dont les trois candidats principaux Sarkozy, Bayrou et Le Pen, bien qu’opposés sur le terrain électoral, ont défendu des idées communes, repris les mêmes mots, comme par exemple le slogan « travailler plus pour gagner plus ».

Le manque d’outils politiques à gauche pour entraîner la société a été d’autant plus dramatique que de nombreux citoyens se sont engagés dans cette campagne pour faire gagner la gauche.

On a ainsi assisté à une radicalisation du « peuple de gauche », particulièrement visible dans les derniers jours de la campagne. Mais si rien ne se fait sans l’énergie des individus, celle‐ci peut s’avérer impuissante faute d’instruments politiques pour entraîner le plus grand nombre : grille d’analyse, mots d’ordre, stratégie et force constituée pour le porter. La candidate socialiste, réduite en fin de campagne à inviter chacun des participants du meeting de Charléty à être un « messager mystérieux de l’espérance » et à offrir son amour en partage aux Français a cruellement souffert de cette absence. N’oublions pas que la conception gaullienne du rapport direct entre le candidat et le peuple est avant tout mythologique et tout à fait inadaptée à l’exigence émancipatrice qui est la raison d’être de la gauche.

De même, l’échec de l’autre gauche renvoie principalement à l’incapacité de celle‐ci à construire une force politique nouvelle lui permettant de dépasser sa division en groupes concurrents (voire chez certains le refus de principe de toute organisation politique). Jean‐Luc Mélenchon ne se trompait pas lors de son intervention au meeting antilibéral de Montpellier, le 17 novembre 2006, au lendemain de la désignation de Ségolène Royal, lorsqu’il déclarait : « Tout socialiste que je suis : je souhaite de toutes mes forces le succès de la démarche que vous avez entreprise. Je souhaite le rassemblement de la gauche représentée ici. Je souhaite qu’il aboutisse à une candidature commune car il est absolument inenvisageable, irresponsable de croire que le seul parti socialiste puisse avoir à lui tout seul, la majorité ! Mais j’ajoute que si vous entrez divisés dans cette élection, vous en sortirez de ce fait même en poussières électorales ».

3°) LA DEFAITE POUVAIT ETRE EVITEE

Le rétablissement de la gauche au second tour de la législative montre que la défaite présidentielle pouvait être évitée. La gauche était majoritaire dans 190 circonscriptions au second tour de la présidentielle. Elle l’emporte dans 230 aux législatives. C’est que le contenu de la campagne n’était plus le même. Le grand thème mis en avant par la gauche entre les deux tours a été celui de la TVA sociale. D’abord il y a eu un thème central de campagne ! La gauche a su donner au moins une raison précise de voter pour elle, et la marteler pendant plusieurs jours d’affilée. Ensuite, ce thème a été porté par toutes les forces de gauche sans exception. Il a donc été un facteur d’unification des gauches, contrairement à plusieurs propositions de Royal à la présidentielle qui l’avaient profondément divisée. Enfin, il a porté sur la question du partage des richesses, et pointé l’injustice d’un nouveau transfert prenant dans les poches de la majorité pour financer des cadeaux aux plus riches. Totale différence là encore avec la stratégie de Royal à la présidentielle qui n’avait pas touché au tabou du partage des richesses. La moindre défaite des législatives comparée à celle de la présidentielle confirme qu’avec une autre orientation que celle de l’ordre juste, la victoire était possible.


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