Le gouvernement indien révoque l’autonomie du Cachemire, victime du suprémacisme ethnique et religieux hindou

lundi 19 août 2019.
 

Revendiquée par le Pakistan depuis 1947 et en proie à une insurrection séparatiste, la région pourrait passer sous le contrôle direct de New Delhi si la décision du gouvernement central est approuvée par le Parlement.

1) Le gouvernement indien révoque l’autonomie du Cachemire, victime du suprémacisme ethnique et religieux hindou

Le gouvernement indien a annoncé, lundi 5 août, par décret, la révocation de l’autonomie constitutionnelle du Cachemire indien, c’est-à-dire l’Etat du Jammu-et-Cachemire.

Cette décision est susceptible de provoquer des troubles sanglants dans la vallée à majorité musulmane de Srinagar. La partie indienne du Cachemire est en effet en proie à une insurrection séparatiste et à des flambées régulières de tensions. Elle est aussi revendiquée par le Pakistan depuis la partition de 1947 – l’Inde revendiquant, elle, la partie pakistanaise de ce territoire.

Le décret a été présenté au Parlement par Amit Shah, le ministre de l’intérieur et bras droit du premier ministre nationaliste Narendra Modi. M. Shah, qui dirige le parti nationaliste au pouvoir, le Bharatiya Janata Party (BJP), a expliqué que le pouvoir exceptionnel dont bénéficiait le Parlement de Srinagar, en vertu de l’article 370 de la Constitution indienne, ainsi que les lois spécifiques interdisant, par exemple, aux non-Cachemiris de détenir des propriétés dans la région et datant de l’indépendance de l’Inde, étaient « temporaires » – et qu’il convenait donc de les abolir.

Les opposants au BJP, un parti porté par un discours ethno-religieux de suprématie hindoue, dénoncent un projet qui va à l’encontre du fédéralisme indien et qui va exacerber les tensions entre les hindous et les musulmans.

L’article 370 de la Constitution indienne autorisait le gouvernement central de New Delhi à légiférer en matière de défense, d’affaires étrangères et de communications dans la région, le reste relevant de l’assemblée législative locale.

Assignations à résidence

La décision annoncée, qui doit encore être votée par le Parlement, verrait l’Etat du Jammu-et-Cachemire perdre son statut d’Etat fédéré, pour être rétrogradé au statut de « territoire de l’Union », mettant la région sous la coupe directe de New Delhi. Le Ladakh, sa partie orientale, à majorité bouddhiste, en serait séparé.

Cette révocation de l’autonomie du Cachemire est une vieille promesse de campagne des nationalistes hindous. Juste avant sa réélection, M. Modi avait ordonné des frappes contre de présumés camps d’entraînement terroristes à l’intérieur du Pakistan après un attentat suicide qui avait fait 40 morts le 14 février dans la partie indienne du Cachemire. Le BJP avait ensuite remporté haut la main les élections législatives de mai. Il dispose aujourd’hui de la majorité au Parlement indien.

Vendredi, les autorités ont lancé un appel à la vigilance contre des actes terroristes supposément planifiés par des insurgés. Lundi, les accès à Internet et aux services de téléphonie ont été coupés. Plusieurs responsables des deux grands partis politiques du Cachemire ont aussi été assignés à résidence. Ce genre de mesures visait habituellement les leaders de la frange séparatiste – et non les politiciens des partis « réguliers ».

Mais aujourd’hui, tout a changé : 28 000 membres des forces de police paramilitaires ont été soudainement déployées récemment, après l’arrivée d’un premier contingent de 10 000 hommes un peu plus tôt.

Les touristes sommés de quitter la vallée

New Delhi affirme que le Pakistan était sur le point de soutenir en secret une attaque terroriste d’envergure, après que l’armée a trouvé il y a quelques jours, selon eux, des armes pakistanaises et neutralisé des ressortissants de ce pays en Inde.

Dans une décision inédite, le gouvernement a aussi annulé, le 2 août, le grand pèlerinage hindou d’Amarnath, qui se déroule actuellement dans cette région à majorité musulmane. Il a ensuite ordonné à tous les pèlerins et touristes de quitter la vallée « immédiatement », provoquant localement des accès de panique, les habitants se précipitant sur les distributeurs d’argent et commençant à faire des stocks de nourriture.

L’ancienne chef de l’exécutif de l’Etat de Jammu-et-Cachemire, Mehbooba Mufti, a tweeté lundi matin qu’il s’agissait « du jour le plus noir de la démocratie indienne ». « La décision unilatérale du gouvernement d’abolir l’article 370 est illégale et inconstitutionnelle et fera de l’Inde une force d’occupation au Jammu-et-Cachemire », a-t-elle déclaré depuis son domicile, où elle est assignée à résidence.

Brice Pedroletti (avec Intérim)

• « Le gouvernement indien révoque l’autonomie du Cachemire ». Le Monde. Publié le 05 août 2019 à 03h35, mis à jour le 6 août à 02h09 : https://www.lemonde.fr/idees/articl...

Editorial du Monde

En décidant de révoquer le statut d’autonomie de l’Etat de Jammu-et-Cachemire, Narendra Modi, le premier ministre indien, crée des tensions sur l’un des points les plus chauds du globe.

En révoquant le statut d’autonomie du Cachemire indien, l’Etat de Jammu-et-Cachemire, l’Inde assume un risque majeur. Ce premier acte du deuxième mandat du premier ministre indien annonce la couleur : Narendra Modi et son ministre de l’intérieur et bras droit, Amit Shah, entendent donner un coup d’accélérateur au programme nationaliste du Bharatiya Janata Party ou BJP (Parti du peuple indien), qui a remporté haut la main les élections en mai.

En abrogeant l’article 370 de la Constitution indienne, qui donnait un pouvoir accru au gouvernement de cet Etat à majorité musulmane depuis la partition de l’Inde il y a soixante-dix ans, le gouvernement indien remplit une promesse de campagne. MM. Shah et Modi entendent corriger « une gaffe historique », selon laquelle cette autonomie n’aurait jamais dû être accordée. Le Jammu-et-Cachemire va devenir un territoire de l’Union, sous le contrôle direct de New Delhi – comme il l’était temporairement depuis juin 2018, le premier gouvernement Modi ayant rompu avec son partenaire local de coalition.

Or, au sortir de la partition de l’Inde, l’Etat princier du Cachemire est envahi par le Pakistan. Son maharaja demande l’aide de l’Inde dans ce qui deviendra la première des trois guerres que l’Inde a menées avec son frère ennemi au nom du Cachemire. L’ONU a alors imposé une ligne de contrôle au milieu du territoire désormais divisé. C’est pour s’assurer que la partie indienne, à majorité musulmane, demeure en Inde que celle-ci finira par lui octroyer l’autonomie. Depuis lors, la province restera le symbole du multiculturalisme et du fédéralisme indien – non sans connaître une histoire mouvementée, qui verra l’Inde écraser par la force une insurrection séparatiste, à laquelle s’ajouteront des composantes djihadistes.

Suprémacisme ethnique et religieux

L’Etat Jammu-et-Cachemire, l’un des plus militarisés du monde, n’est certainement pas un modèle de gouvernance : les abus des forces de l’ordre indiennes, les attaques des insurgés et les attentats ont fait des dizaines de milliers de morts au cours des ans, et la ligne de contrôle avec le Pakistan est l’un des points les plus chauds du globe. Pourtant, l’autonomie dont bénéficiait l’Etat fédéré a aussi permis de canaliser une bonne partie des aspirations locales.

Sous M. Modi, les tensions se sont exacerbées au Cachemire, comme la radicalisation d’une partie des Cachemiris musulmans. En février, un attentat contre des troupes paramilitaires indiennes a fait 40 morts, et conduit à des frappes aériennes indiennes à l’intérieur du Pakistan. Avec une idéologie défendue peu propice à la réconciliation communautaire, le BJP gouverne au nom du suprémacisme ethnique et religieux hindou. Il se veut le grand défenseur de l’unité de l’hindouisme contre un islam perçu comme de plus en plus menaçant.

Diluer les particularismes du Cachemire, seul Etat à majorité musulmane de l’Inde, et le refondre dans l’ensemble du pays répond à ce programme. C’est en son nom que le premier mandat de M. Modi, et avant cela ses quatorze années passées à la tête de l’Etat du Gujarat, ont eu des conséquences brutales auprès des minorités musulmanes, mais aussi chrétiennes, issues de brassages confessionnels, ethniques et politiques multiséculaires, dont l’Inde est le produit. La communauté internationale ferait bien d’être vigilante vis-à-vis de cette droite nationaliste indienne qui n’a rien à envier aux extrêmes droites occidentales.

Le Monde

• Le Monde. Publié le 6 août à 11h42, mis à jour à 11h43 : https://www.lemonde.fr/idees/articl...

2) L’Inde prend le risque de l’embrasement

Le second mandat du premier ministre, Narendra Modi, au pouvoir depuis 2014, sera-t-il entaché ou auréolé par cette mesure annoncée lundi ?

La révocation du statut d’autonomie du Cachemire constitue le premier acte du second mandat du premier ministre nationaliste, Narendra Modi, qui dirige l’Inde depuis 2014. La décision fait craindre des risques d’embrasement dans une région qui est l’une des zones les plus militarisées au monde.

Dans l’hémicycle en ébullition de la Chambre haute du Parlement, Amit Shah, ministre de l’intérieur et bras droit de M. Modi, a été la voix de ce coup de force en annonçant la révocation de l’autonomie constitutionnelle de l’Etat du Jammu-et-Cachemire, auquel est rattaché l’explosif Cachemire indien. Echafaudé secrètement par le gouvernement nationaliste hindou du Bharatiya Janata Party (BJP), un décret présidentiel a mis un terme, lundi 5 août, à un statut d’exception conféré sept décennies plus tôt.

Cette révocation fait voler en éclats les privilèges de la vallée himalayenne. L’article 370 de la Constitution concédait une autonomie importante à l’assemblée législative de l’Etat du Jammu-et-Cachemire dans la gestion de ses affaires et limitait l’interférence de New Delhi à des domaines tels que la défense ou les communications.

Une autre disposition, l’article 35-A, interdisait la possession de propriétés aux citoyens qui n’étaient pas cachemiris ; sa dissolution devrait permettre à davantage d’hindous d’élire domicile au Cachemire indien et d’en diluer l’identité.

Coup de théâtre

Le décret présidentiel se double d’un projet de loi, adopté dès ce lundi à la Chambre haute du Parlement, et qui devrait passer sans encombre à la Chambre basse, où le BJP est majoritaire. Il entend scinder le Jammu-et-Cachemire en deux entités : d’un côté, le Ladakh, haut plateau bouddhiste, et, de l’autre, le Cachemire himalayen rattaché, dans la plaine, au Jammu de tradition hindoue. Ce projet de loi rétrograde les deux régions au statut de « territoires de l’Union », administrés directement par New Delhi et privés d’autonomie, à la différence des Etats fédérés. Un coup dur porté aux revendications historiques de la vallée de Srinagar.

« De grandes protestations vont probablement éclater au Cachemire, estime Sucheta Mahajan, à la tête du Centre des études historiques de l’université Jawaharlal Nehru. La façon dont la révocation de l’article 370 a été imposée n’est pas démocratique. »

La question de la légalité de cette révocation, facilitée par le fait que le Jammu-et-Cachemire est administré par New Delhi depuis la chute d’une coalition régionale en novembre 2018, a alimenté les critiques de l’opposition, bien qu’elle soit décimée depuis son échec aux législatives de mai. P. Chidambaram, du Parti du Congrès, a notamment dénoncé une « erreur juridique fatale ».

Dans l’immédiat, la crainte de voir s’embraser le Cachemire est réelle. Une partie des habitants est clairement hostile à New Delhi. Depuis quelques années, les foules se rassemblent dans les villages pour honorer la mémoire des combattants séparatistes qui tombent sous le feu des forces de l’ordre.

Car des milices djihadistes sont actives dans la vallée. « Des actions terroristes risquent de se produire au cours des prochaines semaines, mais elles ne constitueront pas une menace à l’Etat indien, estime Ajay Sahni, directeur de l’Institut pour la résolution des conflits à New Delhi. Il ne devrait pas y avoir de changements dramatiques. »

Certains agitent néanmoins le risque d’une crise régionale, alors que trois guerres au sujet du Cachemire ont déjà ébranlé l’histoire de l’Inde et du Pakistan, en 1947, en 1965 et 1999. Islamabad a condamné « fortement » le décret de New Delhi, assurant qu’« Islamabad fera tout ce qui est en son pouvoir pour contrer des mesures illégales ».

Une promesse électorale du parti au pouvoir

L’ancienne chef de l’exécutif du Jammu-et-Cachemire, Mehbooba Mufti, a, quant à elle, prédit « des conséquences catastrophiques pour le sous-continent ». Omar Abdullah, autre politicien modéré du Cachemire, s’est offusqué de l’absence de concertations avec les formations locales : « C’est une trahison absolue de la confiance des habitants du Cachemire. » Ces deux responsables étaient, mardi, en détention.

L’abrogation de l’article 370 était un projet cher au BJP, qui en avait fait une promesse électorale. « Cette action pourrait aussi s’intégrer au projet du BJP qui tente d’imposer une nation hindoue au sein de laquelle les minorités sont traitées en citoyennes de seconde classe », explique Sucheta Mahajan.

Dans les rangs du BJP, le triomphe prévalait. « Une erreur historique a été réparée aujourd’hui », s’est félicité l’influent politicien Arun Jaitley, faisant indirectement porter « l’erreur » sur les épaules du premier dirigeant de l’Inde, Jawaharlal Nehru. Lors de la partition de l’Empire britannique des Indes, en 1947, le statut d’autonomie avait été consenti au maharajah Hari Singh qui régnait sur cette province à majorité musulmane, en échange de son rattachement à l’Inde et non au Pakistan voisin.

Sur son compte Twitter, M. Modi a, lui aussi, souligné « les injustices monumentales du passé ». Pour une grande partie des Indiens qui admirent le premier ministre, la révocation de l’autonomie du Cachemire est saluée comme l’espoir de faire rentrer dans le rang la région rebelle.

Depuis quelques jours, l’imminence d’un coup de théâtre était pressentie. Les autorités ont multiplié les mesures drastiques : renvoi de tous les touristes présents au Cachemire, annulation du pèlerinage traditionnel d’Amarnath, et déploiement de 35 000 paramilitaires dans la région.

Depuis 1989, les forces de l’ordre tentent en effet d’y étouffer une insurrection séparatiste, dans un conflit qui a fait plus 70 000 morts, des civils pour la plupart. Les autorités ont justifié les mesures de ces derniers jours par la possibilité d’une attaque terroriste soutenue par le Pakistan, accusé par l’Inde de prêter main-forte aux groupes rebelles.

L’étau de New Delhi s’est resserré plus encore depuis dimanche. L’accès à Internet et au réseau de téléphonie mobile a été restreint, les écoles sont fermées et les rassemblements interdits. La vallée entière est paralysée, et les habitants du Cachemire sont pour l’heure emmurés dans un silence imposé.

Intérim

• Le Monde. Publié le 6 aout à 05h42, mis à jour à 12h48 : https://www.lemonde.fr/internationa...

Le Cachemire indien, une région coupée du monde

Un dispositif sécuritaire sans précédent isole la région, après la décision de New Delhi de supprimer le statut d’autonomie de cette région sensible.

Depuis dimanche 4 août au soir, le Cachemire indien est paralysé. Sous un couvre-feu imposé, ses habitants sont coupés du monde. Il n’y a ni Internet, ni téléphone, ni sources d’information. Les principaux dirigeants des partis politiques locaux ont été placés en détention dans la capitale d’été de l’Etat, Srinagar. Les écoles sont fermées, les rassemblements interdits. Les rares voyageurs qui ont quitté Srinagar au cours des dernières 72 heures évoquent un couvre-feu extrêmement strict, des rues vides et patrouillées par des forces paramilitaires, et un sentiment de peur. La province himalayenne à majorité musulmane, qui est l’une des zones les plus militarisées au monde, est entièrement aux mains des forces de l’ordre, à l’initiative du gouvernement nationaliste hindou du premier ministre, Narendra Modi. Un manifestant est mort dans la région après avoir été pourchassé par la police, a indiqué mercredi 7 août à l’AFP une source policière locale.

Le Cachemire, bâillonné, n’a pas eu son mot à dire lorsque son avenir s’est joué lundi 5 août, 800 kilomètres plus au sud, à New Delhi, dans l’hémicycle du Parlement indien. Amit Shah, ministre de l’intérieur, a annoncé la révocation de l’article 370 de la Constitution indienne, qui garantissait une autonomie d’exception au Cachemire indien, l’Etat du Jammu-et-Cachemire, 13 millions d’habitants. Dans la foulée, la région a perdu son statut d’Etat fédéré et sera scindée en deux « territoires de l’Union », administrés directement par le gouvernement central. Un coup brutal porté aux aspirations historiques du Cachemire indien.

« Prendre des millions de gens en otage n’était pas la meilleure manière de faire passer cette décision », s’indigne Charlotte Nadroo, une Française dont le mari cachemiri est à Srinagar. Car les autorités ont commencé à resserrer leur étau sur la vallée quelques jours plus tôt. Les touristes et visiteurs non cachemiris ont été sommés d’évacuer la région. Près de 40 000 membres des forces de l’ordre ont été positionnés en renfort dans cette région, déjà quadrillée par des milliers de soldats qui s’efforcent d’y réprimer une insurrection séparatiste. Le déploiement sécuritaire est sans précédent. « Le couvre-feu est une mesure de précaution, il a été installé afin que la situation ne se détériore pas », a justifié M. Shah.

« Il y aura des morts »

Les rares témoignages d’habitants de la vallée sont inquiétants. Sur les réseaux sociaux, Muzamil Jaleel, un journaliste de l’Indian Express, a rendu compte de sa vision du Cachemire à son retour à Delhi. « Srinagar est une ville de soldats et de barbelés. Je me suis déplacé avec énormément de difficultés. Je n’ai aucune information en dehors du quartier où j’étais. Cependant, j’ai entendu dire qu’il y avait des manifestations dans la vieille ville de Baramulla. Tous les gens que j’ai croisés étaient choqués. Il règne comme une torpeur étrange. Nous avons entendu parler de deux manifestants morts mais il n’y a aucun moyen de le confirmer. Le Cachemire est devenu invisible, même à l’intérieur du Cachemire. »

« Le Cachemire est devenu invisible, même à l’intérieur du Cachemire »

La communauté cachemirie disséminée à travers l’Inde est inquiète pour ses proches. « J’ai parlé à ma mère et à ma sœur pour la dernière fois dimanche soir, raconte Danish Qazi, un étudiant cachemiri de Delhi. Nous avons l’habitude de vivre en état de siège mais jamais une telle paralysie n’avait eu lieu. » Sa voix calme cache sa colère. « Nous n’avons jamais voulu faire partie de l’Inde et la stratégie de New Delhi est de nous contraindre au silence. »

Les autorités ne semblent pas prêtes à relâcher la pression dans l’immédiat. Interrogé par la presse, Nirmal Singh, un responsable du Bharatiya Janata Party (BJP), le parti de M. Modi, a déclaré que les politiciens détenus seraient libérés « dans quelques jours, quand la situation se normalisera ». Danish Qazi, l’étudiant, prédit quant à lui un embrasement : « Dès que le couvre-feu sera levé et que les gens découvriront la situation, ils vont descendre massivement dans les rues. Cela va être énorme. Il y aura des morts. » Lui prévoit de rentrer dès que possible dans son village. « Car, si des incidents ont lieu au Cachemire, les Indiens d’ici vont se retourner contre nous et nous agresser. Je ne me sens pas en sécurité. Je n’ai pas foi en l’Inde. »

Le premier ministre indien, Narendra Modi, devait s’exprimer devant la nation mercredi 7 août. Mais son discours a été repoussé en raison du décès de l’ancienne ministre des affaires étrangères indienne Sushma Swaraj, l’une des figures du BJP. Atteinte d’une maladie du rein, Sushma Swaraj avait occupé son poste depuis l’élection de M. Modi en 2014 jusqu’en mai, où elle a été remplacée par Subrahmanyam Jaishankar. Son dernier message sur Twitter, trois heures avant sa mort d’un arrêt cardiaque, a été pour féliciter le premier ministre, juste après que son projet de loi sur la réorganisation du Cachemire a été adopté par la chambre basse du Parlement indien : « Merci premier ministre. Merci beaucoup. J’ai attendu toute ma vie pour voir ce jour. »

Intérim (New Delhi, correspondance)

• Le Monde. Publié le 7 août à 11h43, mis à jour à 12h05 : https://www.lemonde.fr/internationa...


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